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Arts-chipels.fr

Grand Palais 2025. Une réouverture complète.

Phot. © DR

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Le Grand Palais vient de rouvrir tous ses espaces. Avec de nombreuses expositions et des manifestations, musicales et dansées, payantes et gratuites.

On attendait cette réouverture depuis nombre d’années. Après les épreuves des Jeux Olympiques, et des réouvertures partielles qui ont permis de voir les installations de Chiharu Oshida, le Grand Palais est rendu à sa vocation « culturelle ». Encore faut-il s’entendre sur cette définition.

Les galeries, accessibles depuis le square Jean Perrin, accueillent trois expositions : les œuvres sculptées et les machines animées de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, à travers la collaboration au long cours des deux artistes avec Pontus Hultén, premier directeur du Centre Pompidou ; la donation Decharme d’art brut au Centre Pompidou, qui rassemble des œuvres collectées des années durant par le collectionneur ; la présentation de seize tapisseries monumentales contemporaines danoises et de leur savoir-faire, hérité d’une technique ancestrale. Un article séparé sera consacré à Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hultén ; un autre à la donation d’Art brut.

Phot. © DR

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L’aménagement de la Nef : à voir et à danser

La Nef, quant à elle, est en accès largement gratuit. Une part de sa programmation rejoint l’opération France-Brésil 2025 qui vise à présenter les artistes les plus marquants du Brésil d’aujourd’hui. Une installation, une exposition qui présente quatre jeunes artistes révélateurs du paysage artistique contemporain du Brésil, des concerts, de la danse et une parade qui partira des Champs-Élysées pour arriver au Grand Palais forment cet ensemble sur une partie de la Nef. L’autre moitié laissera place à des créations d’art sur le thème des gonflables, dans tous leurs états.

Le théâtre y a déjà fait son entrée avec une rétrospective Mohamed El Khatib. La danse occupera les lieux en juillet avec Amalia Dianor, Josépha Madoki ou Boris Charmatz. Et les After-Nef, animées par des DJ, feront la part belle à la participation du public.

Il y a de quoi voir, boire et danser dans le programme, qui manifeste une volonté d’ouverture du Grand Palais, avec la gratuité de nombre de manifestations et des propositions très grand public, destinées au plus grand nombre. 

Une saison d’été inédite

L’une des nouveautés de la programmation est la création d’une saison estivale. De juin à août, chaque année, un programme très diversifié sera proposé au public dans une nef compartimentée en trois espaces. Expositions, théâtre, danse, soirées DJ, performances, bal, parade et fêtes populaires voisineront et alterneront dans un esprit qui se définit comme ouvert, festif et ludique.

Accueillant le public, les gonflables de Vivien Roubaud, avec leurs lustres à pampilles qui s’illuminent par intermittences tout en dessinant dans l’espace un singulier ballet mécanique et sonore, créé par l’entrechoquement des sphères pampillaires, se veulent réflexion sur l’instabilité et dialogue entre monumentalité et fragilité dans un dérèglement maîtrisé.

Installation de Mohamed El Khatib. Phot. Simon Lerat pour le GrandPalaisRmn, Paris 2024 et Yohanna Lamoulère, Tendance Floue

Installation de Mohamed El Khatib. Phot. Simon Lerat pour le GrandPalaisRmn, Paris 2024 et Yohanna Lamoulère, Tendance Floue

À l’ouverture : Fun Palace ou le « vivre ensemble »

Le Salon d’honneur a accueilli, entre le 6 et le 15 juin, dans le cadre du programme « New Assemblies » du Centre Pompidou, une série de manifestations et de rencontres regroupées sous le titre Fun Palace. Comment vivre ensemble ? à travers des débats et des performances où danse, architecture, musique, jeu vidéo, littérature, design et sculpture se sont mêlés à des rencontres sur un thème devenu crucial aujourd’hui : les nouvelles formes d’assemblées, à l’heure où les crises contemporaines imposent de trouver de nouvelles modalités du « vivre ensemble », des manières innovantes de se retrouver et de dialoguer.

Du côté du théâtre, la rétrospective Mohamed El Khatib

Le GrandPalaisRmn et le Centre Pompidou ont présenté, du 13 au 29 juin, en coproduction, une rétrospective Mohamed El Khatib. C’est à la croisée de la performance, de la littérature et du cinéma que se situe l’auteur, metteur en scène, réalisateur et plasticien. L’artiste, à travers installations et spectacles qui se situent entre documentaire et fiction, s’intéresse aux épopées intimes et sociales de ceux qui sont généralement privés de parole : ouvriers supporters de foot dans Stadium, familles maghrébines des Soirées 504, ou vieillards de la Vie secrète des vieux. Y ont été associées des installations de l’artiste, faites avec l’historien Patrick Boucheron : l’installation Renault 12, qui accompagne les Soirées 504,et les 1 000 boules, qui dessine une histoire populaire du mauvais goût à travers les boules à neige.

Vue de l’installation Nosso Barco Tambor Terra, Ernesto Neto © GrandPalaisRmn 2025 / Photo Didier Plowy

Vue de l’installation Nosso Barco Tambor Terra, Ernesto Neto © GrandPalaisRmn 2025 / Photo Didier Plowy

Place au Brésil !

Une grande installation occupe la Nef Nord : Nosso Barco Tambor Terra (Notre vaisseau, la Terre), conçue par Ernesto Neto. Cet artiste, qui vit et travaille à Rio de Janeiro, après s’être intéressé aux relations entre les matériaux, les forces et les êtres, où la gravité et l’équilibre sont en jeu, puis s’être tourné vers une poétique du corps, se consacre aujourd’hui aux matériaux naturels tels que le coton, le bois et les feuilles. Son installation monumentale, dans la Nef, composée de formes enveloppantes ou en rideau au crochet, tissées à la main, sur un sol de terre mêlée d’écorce et d’épices, inclut des percussions de toute sorte, disséminées dans l’installation. Invité à se déchausser pour faire l’expérience de ce sol mouvant, vivant sous la plante des pieds, le visiteur peut aussi faire résonner les percussions disposées au sol ou pendues dans leurs gangues de coton crocheté. À travers la pulsation, le rythme, et dans la relation au sol se joue une forme de communication universelle qui rejoint les préoccupations écologiques d’aujourd’hui.

Pour accompagner l’installation, les mercredis, jeudis, vendredis et samedis, à 10h30, 14h et 16h30, des Bavartdages, animés par les conférenciers du Grand Palais, sont proposés au public. Temps d’échange entre un historien de l’art et les visiteurs, ils apportent un éclairage sur les expositions brésiliennes présentées. Et les mardis, à 10h30 et 14h30, des ateliers sont programmés, avec des artistes et des intervenants autour de l’œuvre d’Ernesto Neto : initiation au crochet, le matériau premier de l’installation ; initiation au dessin au pastel ; méditation multi-sensorielle à travers la déambulation dans l’installation ; reconnexion avec la nature, sur les traces de l’exposition.

Vue de l’exposition Horizontes, Vinicius Gerheim, Arapuca © GrandPalaisRmn 2025 / Photo Didier Plowy

Vue de l’exposition Horizontes, Vinicius Gerheim, Arapuca © GrandPalaisRmn 2025 / Photo Didier Plowy

Des « horizons » brésiliens

L’exposition Horizontes présente, de son côté, quatre peintres brésiliens, trois hommes et une femme, dont la pratique artistique a, elle aussi, à voir avec le sol, avec un ancrage dans la réalité brésilienne.

Originaire du Minas Gerais, Vinicius Gerheim s’appuie sur l’exploration des motifs visuels et des codes sociaux qui ont imprégné l’imaginaire de son enfance et de sa vie, nourries de tissus imprimés aux couleurs vives, de potagers et de petits jardins. À travers deux toiles de très grand format – plus de six mètres de long – aux titres empruntés aux Tupi-Guarani, Pirapora (« Saut du poisson ») et Arapuca (« Piège à oiseaux »), il crée des calligraphies-paysages où se raconte une histoire foisonnante dans laquelle la terre, l’eau et les plantes, dans une interpénétration mutuelle, créent un dialogue lumineux et plein de vitalité.

Agrade Camíz, originaire de Rio de Janeiro où il vit et travaille, puise une partie de son inspiration dans le banal. Il cherche à en révéler les couches secrètes, enfouies dans les profondeurs en utilisant les signes emblématiques du logement populaire. Travaillant en couches superposées, qui renvoient au chaos du monde, il crée un univers à la croisée du monde et de son intimité personnelle. Fragments de corps, lignes géométriques, couleurs en pattes superposées et symboles populaires créent des architectures complexes dans lesquelles explosent les bleus, minéraux, et se distribuent l’ombre et la lumière. Dans la mosaïque ainsi créée, la présence humaine s’exprime à travers les objets dans une figuration symbolique, sacralisée.

Antonio Obá, qui vit et travaille à Brasilia, exprime les subjectivités des noirs brésiliens. Il conçoit ses peintures comme un acte de résistance, l’affirmation d’une identité dans un pays où, en dépit d’une égalité de droit, les différenciations raciales continuent d’irriguer les mentalités. L’une des œuvres présentées, Strange Fruits, genealogia, fait ainsi directement référence au lynchage des noirs. Dans ses compositions, souvent allégoriques, il met en scène la place de l’homme noir, ses origines, sa généalogie. Ses baigneurs – noirs – rappellent, dans un autre registre, plus tourmenté et revendicatif, les paradis californiens de Hockney. Banhistas n° 3 – Espreita, qui se réfère à un incident survenu en 1965 au Monsor Motor Lodge, est à cet égard révélateur de cette revendication du droit à l’existence des noirs. Dans cet hôtel ségrégué de Floride, des manifestants y avaient été menacés à l’acide.

Enfin, Marina Perez Simão place son travail aux frontières de l’abstraction. En larges aplats de couleur, elle dessine des paysages dans lesquels l’imagination s’attarde, recréant, au gré de sa fantaisie, des œuvres sans titre où l’on pourrait reconnaître, ici un arbre aux branches tordues, là un moutonnement de collines qui s’étagent sur le tableau ou des montagnes qui se dressent au détour d’un fleuve.

Cercles. Wuppertal,2024. Phot © Jurgen Steinfeld

Cercles. Wuppertal,2024. Phot © Jurgen Steinfeld

Juillet en danse et en musique

Le mois de juillet sera dominé par la présence de la danse et de la musique. D’abord avec le Brésil, un grand bal BrasilBrésil le 5 juillet, et une parade le 6. Puis place aux chorégraphes Amala Dianor, Josépha Madoki et Boris Charmatz.

Amala Dianor et ses onze danseuses et danseurs du monde entier déploieront, le 8 juillet, toute l’énergie des danses urbaines – électro, afro, krump, hip-hop new style, voguing, waacking, pantsula – et les formes de contestation ou d’affirmation de la différence qu’elles portent.

Josépha Madoki s’adonne au waacking, une danse inspirée des poses des stars hollywoodiennes développées par la communauté gay afro de la Côte Ouest. Elle sera, le 12 juillet, la maîtresse à jouer d’un battle de plus de 300 participants qui commencera à 15h30 pour s’achever tard dans la nuit, à 2 heures du matin.

Enfin, Boris Charmatz, qui a pris en 2022 la direction du Tanztheater de Wuppertal Pina Bausch, proposera les 18 et 19 juillet, Cercles, une chorégraphie cyclique dont les mouvements puisent tantôt dans les danses traditionnelles, tantôt dans son propre répertoire, auxquels vient s’ajouter Étude révolutionnaire d’Isadora Duncan. Onze danseurs voisineront avec les quelques 200 participants amateurs, conviés à participer aux ateliers créés à cette occasion.

Les After-Nef, soirées DJ set qui suivent chacune des présentations de danse, seront animés : après Amala Dianor, le 8 juillet, par Awir Leon, Kukii live et DJ Chloé ; après Josépha Madoki, le 12, par Kiddy Smile et Horse Meat Disco ; après Boris Charmatz, le 19 juillet, par Nymed et Deena Abdelwahed.

Mode et performance

Du 10 au 13 juillet, Olivier Saillant, historien de la mode, ancien directeur du musée de la mode et performeur, présente ici une forme de mode à contrecourant de la « haute couture » avec Moda Povera : les vêtements de Renée. Il reconvertit ici la garde-robe de sa mère, élégante mais de prêt-à-porter, en assemblant les pièces dans une visée poétique.

Euphoria. Phot. © DR

Euphoria. Phot. © DR

Euphoria. Léger comme un gonflable.

L’art devient une expérience vécue au travers des réalisations de dix-sept artistes venus de divers pays : d’Italie (Hyperstudio, Motorefisico, Paola Pivi, Quiet Ensemble), des États-Unis (Alex Schweder), d’Allemagne (Karina Smiglia-Bobinski, Nils Völker), du Royaume-Uni (Martin Creed, Ryan Ganger), du Mexique / Canada (Rafael Lozano-Hemmer), d’Espagne (SpY), de Chine (Sun Yitian), du Japon / Royaume-Uni (AAMurakami), de France (Camille Walala, Cyril Lancelin, Philippe Parreno, Roman Hill). Ils témoignent de la vitalité de cet art qui trouve sa place entre divertissement, design et architecture. Produite par le Balloon Museum, l'exposition, présentée du 6 juin au 7 septembre, révèle la création gonflable dans toute sa diversité. Frise cotonneuse qui épouse l’architecture métallique du Grand Palais, espace qui libère le visiteur de la pesanteur en lui proposant de se faire un chemin dans un moutonnement blanc au sol tout en le piégeant dans un jeu de miroirs, architectures de colonnades, de portiques et de tunnels ludiques dans lesquels on se glisse voisinent avec un paysage de cactus gonflés ou une salle où de noirs nuages composés de gonflables s’amoncellent au-dessus du sol, image, peut-être, des menaces qui pèsent actuellement sur le monde.

Ce passage en revue rapide, à défaut d’être exhaustif, permet de se faire une idée de la multiplicité des démarches présentes dans l’espace du Grand Palais et des diverses positions que peut adopter le visiteur, de promeneur qui découvre des expositions au participant à la fête en passant par le spectateur de théâtre, de musique et de danse, l’auditeur venu assister à des débats ou le participant actif à des ateliers. À chacun de choisir selon ses centres d’intérêts.

Ce qui est sûr, pour la cuvée 2025, c’est la place prépondérante qu’occupe l’art vivant, actuel, dans la programmation. Ce qui est sûr aussi, pour ce qui est de la Nef – la programmation des Galeries du square Perrin est plus exigeante –, c’est la volonté manifeste de « faire de l’audience » en faisant feu de tout bois. Il n’est cependant pas sûr que le participatif à tout crin soit une bonne définition de l’art et de la culture. À suivre, donc.

Grand Palais d’été
À partir du 6 juin 2025
www.grandpalais.fr/fr/programme/grand-palais-dete

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