6 Février 2025
Patrick Bonté et Nicole Mossoux donnent vie aux personnages du peintre allemand, célèbre pour ses représentations de nus prépubères et impudiques. Des portraits troublants. Des images en mouvements d’une grande beauté, incarnées par cinq danseurs.
De ultieme gevoelens van Lucas Cranach de Oude, créé en 1990 et joué plus de cent cinquante fois à travers l’Europe, pendant vingt-cinq ans, revit dans toute sa splendeur avec de nouveaux interprètes. Cette reprise s’inscrit dans la ligne de la 27e édition du festival Faits d’Hiver qui se tient du 20 janvier au 15 février 2025 dans une vingtaine de théâtres en Île-de-France. Christophe Marin, son directeur, souhaitait, par des créations, recréations, reprises, redécouvertes, hommages, revivifications historiques... mettre en lumière la mémoire de la danse : « l’hier contemporain ».
Faits d’Hiver est piloté par l’Association pour le Développement de la Danse à Paris (ADDP), fondée en 2001 pour soutenir, promouvoir et favoriser la création en danse, en liaison avec un réseau de lieux partenaires et avec Micadanses, centre de création, de développement et de formation en danse. Plusieurs événements marquants jalonnent cette édition dont la recréation d’Ulysse de Jean-Claude Gallotta par Josette Baïz, avec les enfants de son école aixoise, la présentation de petites formes de Bernard Glandier réinterprétées par Thomas Lebrun. Est prévu aussi un hommage à Carlotta Ikeda avec une exposition Du Japon vers la France, du cabaret au butô et la pièce de Maëva Lamolière, Looking for Carlotta.
Fenêtres sur cour
Sur la scène plongée dans le noir, huit fenêtres de toutes tailles, percées à différents niveaux dans un haut panneau vertical, serviront de cadres à des tableaux vivants qui s’animent simultanément devant nous. Sur une musique composée d’amples nappes sonores, quatre danseuses et un danseur se glissent d’une ouverture à l’autre pour incarner, souvent cadrés à mi-poitrine, les transfuges des peintures de Lucas Cranach l’Ancien.
Une belle inconnue, vêtue d’un épais brocart rouge déploie lentement ses mains baguées, une autre au chignon finement tressé se penche modestement. Aux côtés d’un dignitaire engoncé dans son costume flotte un poisson bleu incongru. Plus bas, une jeune fille assise, dont on ne voit ni le buste ni les jambes, feuillette nerveusement un vieux grimoire posé sur son giron. Ailleurs une femme promène sur son cou dénudé la lame d’une dague : c’est Lucrèce au seuil du suicide. Plus loin, une autre guerrière survient en pied : Salomé, brandissant une épée. Parmi ces personnages on reconnaît la célèbre figure de Melancholia, quelques dignitaires, des princesses au teint laiteux et le peintre, dont l’autoportrait au chapeau pointu figure sur le retable de La Sainte Parenté. Les coiffes extravagantes des Trois Grâces et d’autres tableaux ceignent les têtes des danseuses.
Dans la première partie du spectacle, chaque interprète, isolé dans sa case, joue son petit théâtre intime et mystérieux. Des gestes sont amorcés et repris, comme s’ils se répétaient de toute éternité. Parfois, deux images dialoguent, se répondent. Un mouvement de l’un se retrouve chez les autres. Un bras, une main ou un objet disparaît d’un cadre et réapparaît chez le voisin.
Luxe, calme et volupté
Nicole Mossoux et Patrick Bonté ont voulu rendre l’ambiguïté des personnages peints par Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553) en imaginant ce qui se cachait dans les portraits officiels ou les scènes mythologiques, sous la morgue des hommes et les sourires énigmatiques des femmes. Les costumes d’époque, sophistiqués, où contrastent couleurs tendres, rouges profonds et noirs sévères, sont soigneusement reproduits, masquant des corps voluptueux tout en les révélant.
La lenteur des gestes, le charme désuet des postures perdurent dans la deuxième partie, où les personnages entrent en interaction pour des scènes de groupe. Ils apparaissent de plus en plus dévêtus et délurés. Ève, mutine, semble mener son Adam par le bout du nez, dans un jeu équivoque avec la pomme. Une Nymphe se prélasse dans une nudité nonchalante, tandis que, une fenêtre plus haut, un couple se chamaille...
Il n'est pas certain que tous ses contemporains aient perçu l’aspect humoristique et érotique de la peinture de Cranach l’Ancien, qui était l'ami de Luther. Il cachait bien son jeu, que nous dévoile ce spectacle. Aussi passionnant qu’amusant, Les Nouvelles hallucinations de Lucas Cranach l’Ancien rappelle les atmosphères surréalistes de Paul Delvaux ou de René Magritte. Espérons que cette nouvelle version aura le même succès que l’ancienne. Une belle réussite qui incite à découvrir d’autres œuvres du tandem belge Mossoux-Bonté.
Les Nouvelles hallucinations de Lucas Cranach l’Ancien
S conception Patrick Bonté S mise en scène et chorégraphie Patrick Bonté en collaboration avec Nicole Mossoux S interprétation Dorian Chavez, Colline Libon, Lenka Luptáková, Frauke Mariën et Eléonore Valère-Lachky S création sonore Thomas Turine d’après la musique originale de Christian Genet S scénographie Jean-Claude de Bemels S costumes Colette Huchard S confection des costumes Patty Egge- rickx, avec l'aide de Isabelle Airaud, Marie Baudoin, Dolça Mayol Moulin et Julie Nowak S maquillages Rebecca Flores-Martinez S lumière Patrick Bonté S direction technique Jean-Jacques Deneumoustier S régie son Fred Miclet S régie lumière Léopold de Neve S assistanat Luna Luz Sanchez S Avec le concours de Lilian Bruinsma, Yildou De Boer, Isabelle Dumont, Claire Haenni, Jean-Pierre Finotto, Isabelle Lamouline, Carine Peeters, Emilie Sterkenburgh, Pierre Stoffyn et Ives Thuwis S production Compagnie Mossoux- Bonté S coproduction : Charleroi danse – Centre chorégraphique de la Fédéra- tion Wallonie-Bruxelles, Théâtre Les Tanneurs – Bruxelles, Escher Theater– Esch-sur-Alzette, Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charle- ville-Mézières, La Coop asbl et Shelter Prod. S avec le soutien de Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du Gouvernement fédéral belge, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, service de la danse et de
Festival Faits d’Hiver T. 01 7160 67 93 info@faitdivers.com
Du 20 janvier au 15 février Micadanse, 20 rue Geoffroy Lasnier, Paris 75004
Spectacle vu le 4 février 2025 au Centre Wallonie Bruxelles 125, rue Saint-Martin 75004 Paris
TOURNÉE
28 – 29 mai International Figuren Theater Festival, Erlangen (Allemagne)
2 et 3 juillet Festival MIMOS, Périgueux
25 et 26 mars 2026 5Escher Theater, Esch-sur Alzette Luxembourg