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Arts-chipels.fr

Les Singulièr.e.s. Au pluriel du présent.

Phot. © Pierre Nativel

Phot. © Pierre Nativel

Au CENTQUATRE, pendant un mois, Les Singulièr.e.s, pour leur 8e édition, bousculent les formes établies du spectacle vivant et se jouent des frontières entre les disciplines.

Un festival dans l’air du temps, placé sous le signe de l’éclectisme, où théâtre, danse, musique, cirque, cabaret, et vidéo explorent nos enjeux contemporains, en laissant libre cours aux personnalités artistiques. Dans une vingtaine de propositions : seuls en scène, concerts, dialogue avec un cheval, hommage a P. P. Pasolini, relecture de classiques, performances, les artistes puisent dans l’Histoire, dans leurs histoires intimes et familiales, pour se et nous raconter l’aujourd’hui. À l’image des deux spectacles présentés lors de la soirée inaugurale.

Partout le feu © DR

Partout le feu © DR

Partout le feu. Une vie qui brûle

Mise en scène par Hubert Colas, Stéphanie Aflalo enflamme les mots d’un roman incandescent signé Hélène Laurain.

Stéphanie Aflalo est rompue au seule en scène. On l’a vue détourner une disputatio philosophique avec une vraie fausse conférence sur l’art (Jusqu'à présent, personne n'a ouvert mon crâne pour voir s'il y avait un cerveau dedans), inspirée de Wittgenstein, et dans un solo où, sous forme de concert, elle met en scène son lien à la musique et les processus à l’œuvre dans la variété pop-rock et techno (LIVE ). On la retrouve ici dans l’épopée rageuse d’une militante écologique.

À bout de souffle

Laetitia, née 3 minutes avant sa sœur jumelle Margaux et 37 minutes avant l’explosion de Tchernobyl, fait partie d’une génération rongée par l’éco-anxiété. Avec la vigueur d’une jeunesse qui n’a plus rien à perdre, elle et sa bande d’activistes partent à l’assaut d’un système qui aura raison d’eux. Leur « Zone à Défendre » est un village de la Meuse où l’État a décidé d’enfouir les déchets radioactifs produits en France. Le roman d’Hélène Laurain, écrit d’un seul souffle en vers libres, commence par le récit d’un sabotage, férocement réprimé... Stéphanie Aflalo, au micro, se glisse dans l’écriture de l’autrice : des mots qui frappent, comme les balles des policiers et le verdict des juges prompts à condamner. Elle nous raconte la cave où, en compagnie de Taupe, Fauteur, Thelma, Dédé et les autres, elle écoute Nick Cave en préparant avec eux un coup d’éclat. La passionaria vit aussi des amours tapageuses avec Taupe. Toute à son engagement, elle se trouve en porte à faux avec sa famille et sa sœur jumelle, qui va se marier bourgeoisement... Et tel Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, à bout de souffle, elle met le feu aux poudres...

Un texte en mouvement

La plume d’Hélène Laurain plonge au cœur des activismes contemporains et saisit l’urgence qui les guide : « Il y a le feu de l’intensité du rapport au monde de mon personnage, de sa rage et de sa colère, dit-elle. Le feu peut détruire, mais il peut également nous illuminer et c’est cette beauté-là que j’ai voulu convoquer. » Une matière brûlante dont s’empare Hubert Colas. Il convoque sur scène les potes énervés de Laetitia  sous forme de gros plans vidéo, règle les déplacements de la comédienne du plein jour de la scène à la pénombre d’un hors-champ enténébré, creuse l’espace scénique par des projections. Le récit est entrecoupé d’échanges de SMS entre la narratrice et son amant et le style télégraphique s’impose pour énumérer les statistiques catastrophiques sur le dérèglement climatique, les bouleversements de l’écosystème, les espèces en voie de disparition. La direction d’acteur colle avec précision au style haletant de l’autrice, au point que ce premier roman semble écrit pour le théâtre. Stéphanie Aflalo épouse l’état fiévreux de son personnage, mais son jeu décalé, toujours adressé au public, ne manque pas d’humour. On perçoit, derrière son récit, des allusions au mouvement des Gilets jaunes et aux manifestations contre les méga bassines, avec les violences policières et les feux allumés par les militants lanceurs d’alerte. La performance traduit l’énergie du désespoir qui habite une jeunesse, consciente des enjeux et prête à se sacrifier pour qu’on l’entende. Un spectacle percutant et d’une grande finesse qui devrait trouver son public.

Gildaa © Pierre Nativel

Gildaa © Pierre Nativel

Gildaa Un tour de chant burlesque.

Clown, musicienne et chanteuse, Camille Constantin Da Silva construit un cabaret musical haut en couleurs

Elle ne paye pas de mine, quand elle entre en scène en robe de chambre et pantoufles, traînant des pieds, et apostrophe les spectateurs d’une petite voix nasillarde. Mais, au fil de la performance, la souillon accomplira sa mue en diva exotique. Née à Paris, d'une mère chanteuse brésilienne et d'un père percussionniste français, Camille Constantin Da Silva suit des études musicales et théâtrales et se projette en Gildaa, personnage qui rassemble ses pratiques artistiques de clown et de musicienne. Elle lui inspire un album de 13 titres, enregistré en 2022 avec Antonin Fresson (guitare, basse) et Jouhara Ismaïli (percussions). Depuis, le trio se produit en spectacle. Gildaa, où alternent soul brésilienne et chanson française, nous invite à entrer dans l’univers insolite et insolent de l’artiste et à suivre ses métamorphoses. Ce concert théâtralisé révèle une personnalité musicale et scénique intéressante. Si le scénario et les textes de transition enferment la représentation dans un discours politique confus et un peu ésotérique – récit d’une femme brisée qui se métamorphose et retrouve ses racines à travers le chant –, la réalisation musicale, croisant R’n’B, samba, jazz, blues, sons électroacoustiques, en français et en portugais, résulte d’une belle complicité entre la chanteuse et ses accompagnateurs qui ne rechignent pas à entrer dans son jeu.

Les Singulièr.e.s, du 15 janvier au 15 février 2025
104 – 5 rue Curial, Paris 19e
T. : 01 53 35 50 00 www.104.fr

Partout le feu S Texte Hélène Laurain S Mise en scène et scénographie Hubert Colas S Avec Stéphanie Aflalo S Lumière Nils Doucet, Hubert Colas S Assistant à la mise en scène Hao Yang S Production Diphtong Cie S Partout le feu est paru aux Éditions Verdier en janvier 2022 S Durée 1h30
TOURNÉE
Du 2 au 4 avril 2025, Théâtre la Joliette, Marseille

Gildaa S Auteur, compositrice, metteure en scène Camille Constantin Da Silva S Chant, jeu Camille Constantin Da Silva S Guitare, basse, jeu Antonin Fresson S Percussions Jouhara Ismaïli S Ingénieur son Joachim Caraischi S Scénographie Amina Rezig S Création lumière Valentin Paul S Collaboration artistique Édouard Pénaud, Yndi Da Silva S Partenaires CENTQUATRE-PARIS, Théâtre du Rond-Point S Coproduction Alias S Camille Constantin Da Silva bénéficie du soutien de FoRTE, Fonds régional pour les talents émergents de la Région Île-de-France, pour cette création S Durée 1h30
TOURNÉE
Du 21 au 30 janvier 2025, Théâtre du Rond-Point, Paris

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