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Arts-chipels.fr

L’Hiraeth. Une esthétique de l’effacement. Un voyage rêvé à la poursuite d’aubes nouvelles.

Wirikuta. © Julien Lombardi

Wirikuta. © Julien Lombardi

Cette hydre à plusieurs têtes et quantité de mains mêle musique, texte et photographie. Elle évoque, au travers d’une fiction onirique, un retour aux sources et les visions d’un éden disparu que le souvenir convoque.

Sur la scène, les intervenants sont dissimulés par de grands panneaux photographiques qui offrent une forme d’analogie de ce que sera le spectacle. À jardin, des fumeroles s’élèvent, signe d’un monde enfoui qui bout et palpite sous la surface. Au centre se dresse en ombre chinoise la perspective d’une bande de terre, comme un lieu d’éternité et le refuge d’un naufragé. À cour, c’est une étrange statue – peut-être seulement une statuette magnifiée devenue gigantesque – qui semble être passée dans les mains de quelque sculpteur cubiste qui en aurait souligné les volumes et les aurait découpés en faces accolées. Un réel réinterprété, comme le sera l’ensemble du spectacle.

Lorsque les panneaux coulissent, ils dévoilent à la vue trois groupes de personnages. Des deux groupes de musiciennes et musiciens, l'un se tient au centre de la scène, un trio féminin à cordes – violon, alto, violoncelle –, le trio AnPaPié, ajoutant la voix aux instruments. Le groupe est encadré, d’un côté par le compositeur, Loïc Guénin, aux percussions les plus diverses, objets sonores parfois insolites et claviers analogiques, accompagné par le musicien du duo NOORG, Éric Brochard, qui assure la transformation en temps réel des sources sonores captées sur le plateau ; de l’autre par le narrateur et auteur du texte, Arthur H.

Phot. © Alice Purgu – le ZEF

Phot. © Alice Purgu – le ZEF

L’hybridation et le mélange comme moteurs de la création

Le processus de création revendique l’interdisciplinarité comme point de départ. C’est de la rencontre entre Loïc Guénin et Arthur H, à l’occasion d’une résidence d’artiste dans le lieu d’implantation du Phare à Lucioles, à Sault, que naît le projet d’écrire à quatre mains un spectacle qui fondrait leurs deux propositions en un spectacle unique. À partir du texte écrit par Arthur H, Loïc Guénin compose une musique écrite.

Surgit le désir d’associer à ce projet des éléments visuels, non narratifs, pour former comme le contrepoint du chœur à plusieurs voix déjà formé par la parole, le chant et la musique. C’est dans le travail de création photographique de Julien Lombardi, et plus particulièrement dans deux séries du photographe, Esthétique de l’effacement et Processing Landscape, qui flirtent avec la réalité, l’imaginaire et l’abstraction, que seront prises, après échanges et discussions, les images qui surgissent dans le courant du spectacle.

Si une petite marge de liberté reste accordée aux improvisations musicales ou à l’enrichissement du traitement sonore, celle-ci restera limitée. Quant à l’association des trois médias, elle s’écarte résolument d’une fonction illustrative qui prendrait l’un des média comme source. C’est du côté de l’évocation et de l’appel à l’imaginaire que fonctionne leur relation.

Arthur H. Phot. (détail) © Alice Purgu – le ZEF

Arthur H. Phot. (détail) © Alice Purgu – le ZEF

Un voyage inspiré par une aventure réelle

C’est à partir de l’histoire d’un jeune mousse, Narcisse Pelletier, abandonné dans les années 1860 en terre australienne par ses compagnons et recueilli par des aborigènes, qu’Arthur H imagine l’histoire de Vamir, un homme qui fuit et trouve refuge dans un bateau. Mais le bateau fait naufrage et Vamir échoue sur une terre étrangère sur laquelle veillent trois femmes, trois « sorcières », dépositaires des savoirs anciens, immémoriaux. La présence de la photographie qui les surplombe est éminemment signifiante car l’image de Julien Lombardi est prise à Wirikuta, la terre des mythes fondateurs des Indiens Huichols au Mexique, qui viennent chaque année y célébrer la naissance du soleil et du feu.

Comme Narcisse, Vamir est pris en charge par la tribu et initié par elle à son mode de vie et à ses croyances. Mais là où Narcisse se trouvait repris par des marins anglais et vivait, après l’arrachement à son monde d’origine, celui du retour à la « civilisation », c’est la guerre qui vient, dans la narration d’Arthur H, provoquer cet arrachement et engendrer une nostalgie de ce qui n’est plus mais demeure présent dans l’imaginaire, rendant floue et impalpable la frontière entre fiction et mémoire. C’est dans l’exploration de ce territoire, de ce sentiment qualifié d’« hiraeth » en langue galloise, que s’inscrit la démarche qui sous-tend la création.

Loïc Guénin et Eric Brochard. Phot. (détail) © Alice Purgu – le ZEF

Loïc Guénin et Eric Brochard. Phot. (détail) © Alice Purgu – le ZEF

Une aventure esthétique et sensible en terres d’imaginaires

De déplacements et de voyages, il sera question dans l’ensemble du spectacle mais davantage comme une métaphore de la pensée du voyage, comme une métamorphose, passée au filtre de l’imaginaire. Si s’imposent à l’esprit, au rythme et à la tonalité de la musique, les cornes de brume des bateaux, l’homme qui marche et qui fuit, la cacophonie du port, déréalisés, transposés, mais aussi, plus tard, la palpitation de la nature tropicale ou le grondement de la guerre, ce ne sont pas à travers des images sonores réalistes mais dans des variations de timbres, des enchaînements de couleurs et d’intensités qui laissent à l’auditeur-spectateur la faculté d’y inscrire sa propre vision que s'écrit la musique.

Voyage aussi le texte d’Arthur H, tout en suspensions, en phrases posées qui vont et viennent comme flux et reflux sur le bord de la mémoire et qui laissent le vide vibrer. En onomatopées traversées de bribes, il dit aussi, avec les trois musiciennes-chanteuses-sorcières, ces croyances d’avant le langage qui lient et intègrent l’homme dans la nature et dans l’univers tout entier, qui en appelle aux savoirs anciens, aux dieux disparus.

Voyage enfin, les images de Julien Lombardi, devenues changeantes sous les éclairages de Clémy Jardon qui les traversent et les colorent de rouge lorsque la guerre incendie un monde auparavant relié à la course des jours et des nuits. Elles nous renvoient à la relation profonde à un ailleurs né au sein même de la réalité. Les vagues se brisant sur une digue ne sont qu’éclaboussures où s’estompe le paysage, ouvrant la porte au rêve, et une photographie abstraite et fabriquée issue de Processing Landscape dessine sur l’immensité, dans le lointain, ce qu’on pourrait interpréter, peut-être, comme des silhouettes humaines ou des signes de sa présence. Réel et imaginaire se confondent comme ils s’imbriquent et fusionnent dans le spectacle.

Voyage en terres de fictions mentales, l’Iraeth nous offre, dans une symbiose d’indisciplines artistiques, la liberté de notre propre pérégrination, de notre propre errance.

Esthétique de l’effacement © Julien Lombardi

Esthétique de l’effacement © Julien Lombardi

L’Hiraeth. Une esthétique de l’effacement
S Un spectacle musical de et avec Elena Andreyev (violoncelle, voix), Éric Brochard (Laptop, patch max), Loïc Guénin (composition, percussions, claviers), Arthur H (texte, voix), Fanny Paccoud (alto, voix), Alice Piérot (violon, voix) S Photographies Julien Lombardi S Création et régie lumière Clémy Jardon S Régie générale Thierry Llorens S Régie son Gilles Mallein S Production Cie Le Phare à Lucioles S Coproduction Le ZEF, Scène Nationale de Marseille S Résidences - répétitions • Septembre 2023/ 1re résidence de recherche, au m![lieu], à Sault • Entre septembre et juin 2024 : écriture texte et musique • du 16 au 20 septembre 2024 / Résidence de travail avec équipe artistique au complet, au m![lieu], à Sault • du 28 oct au 2 nov 2024 / Résidence au ZEF, Scène Nationale de Marseille • du 16 au 20 décembre 2024 / Résidence de travail, Théâtre La Renaissance, Oullins • Janvier 2025 / Répétition, générale, première et deuxième / LE ZEF, Marseille S La compagnie Le Phare à Lucioles est conventionnée par le Ministère de la Culture (Direction Régionale des Affaires Culturelles de Provence-Alpes-Côte d’Azur S Soutiens Institut Français, Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (programme LEADER), Région Sud, Département du Vaucluse, Communauté de Communes Ventoux-Sud, Commune de Sault, SACEM, Centre National de la Musique, Département des Bouches-du-Rhône, Maison de la Musique Contemporaine, SPEDIDAM S La compagnie est membre du réseau Futurs S Durée 1h20 S À partir de 13 ans

TOURNÉE
• 30 et 31 janvier 2025 – Création LE ZEF, Scène Nationale de Marseille
• 1er février 2025 - Théâtre La passerelle, Scène Nationale de Gap
• 5 février - La Garance, Scène Nationale de Cavaillon
• 6 février 2025 - Théâtre de Grasse
• 7 février 2025 - Théâtres en Dracénie (Draguignan)
• 8 février 2025 - Forum Jacques Prévert à Carros
• 11 février 2025 - Théâtre de La Renaissance à Oullins
• 13 février 2025 - TAP, Scène Nationale du Grand Poitiers
• 21 février 2025 - Les Quinconces, Scène Nationale du Mans
• 21 mars 2025 - Maison de la musique de Nanterre

https://pharealucioles.org

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