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Arts-chipels.fr

Who’s Afraid of Representation ? Un questionnement sur la violence et la liberté qui renvoie dos à dos l’Occident et le Liban.

Who’s Afraid of Representation ? Un questionnement sur la violence et la liberté qui renvoie dos à dos l’Occident et le Liban.

Représenter ce qui nous heurte ou nous dérange doit-il être proscrit ? Dans un aller-retour entre les performances auto-mutilantes des artistes du Body Art et la violence quotidienne qui s’exerce au Liban, un cheminement qui questionne l'acte artistique et la société.

Sur le plateau nu seulement meublé, côté cour, d’une table quelconque et d’une chaise, deux performeurs font lentement descendre un grand écran. Puis, aidés d’un livre posé sur la table, ils se livrent à un jeu. Elle, Lina Majdalanie, lira le nom d’un artiste de Body Art pioché à l'intérieur. Le numéro de la page donnera le nombre de secondes qu’elle devra lui consacrer. Muni d’un chronomètre, lui, Rabih Mroué, l’arrêtera, parfois au beau milieu d’une phrase. De temps en temps la règle change. C’est une photographie qui apparaît. Elle la plaque alors sur l’écran qui la projette en grand format et c’est à son compère et alter ego masculin de prendre place devant l’écran pour ce qu’on pourrait imaginer au départ comme un commentaire d’image mais qui joue un tout autre rôle.

Phot. © Houssam Mchaiemch

Phot. © Houssam Mchaiemch

Déplacer le curseur dans le sens de la perturbation

Une fois l’artiste choisi en ouvrant le livre, elle se dirige vers l’écran et se place derrière lui. Sa silhouette s’irise alors, se couvre d’une fine pellicule lumineuse qui la déréalise. Elle est acte artistique. Ce qu’elle décrit, pour chaque artiste tiré au sort par l’ouverture du livre, sur le ton neutre du récit, c’est une suite d’automutilations – coupures à la lame de rasoir, verre pilé qu’on ingère ou sur lequel on marche, peau qu’on découpe, etc. – que les artistes s’infligent et font photographier ou filmer, mais qu’on ne voit pas. Une forme d’autopunition qui dénonce un être au monde problématique.

Peu à peu, le jeu s’infléchit. Ce sont d’abord des incises qu’elle fait, relatives au Liban, qui détournent l’attention vers une mise en parallèle entre ces automutilations et la quasi impossibilité de tout dire artistiquement en terre libanaise. Elle décrit une société de contrainte dans laquelle les communautés exercent de véritables diktats et ses références au Liban se font plus nombreuses et plus longues. Tout en posant la question de la représentation à travers le traitement physique de sa présence sur scène, de la place et du rôle de l’art dans un système social dans les exemples choisis, elle dénonce l’absence de liberté à laquelle sont soumis les artistes libanais.

Ce sont ensuite des photographies qu’on identifie comme extraites de scènes de théâtre, qui ne sont pas davantage commentées. Au lieu de cela, sur ces plans fixes de spectacles, c’est au tour du meneur de jeu de venir devant l’écran raconter par le menu une histoire de fusillade, avec son détail macabre de blessures infligées. Au fil des « commentaires » d’image, on remontera dans le temps pour interroger les raisons de cette violence.

Bientôt les deux histoires s’entremêleront dans un ensemble où présence et reflet, réalité et médiatisation formeront un tout qui définit l’acte artistique.

Who’s Afraid of Representation ? Un questionnement sur la violence et la liberté qui renvoie dos à dos l’Occident et le Liban.

La peinture terrifiante d’un paysage en ruines

Morts, mutilations, meurtres, dédoublements introduisent un mal-être à la mesure du ressenti que les deux artistes choisissent de nous transmettre. Ils disent un monde où vivre une individualité d’artiste est impossible, une société en proie à des contradictions insolubles entre modernité et tradition, où l’existence d’une classe moyenne, laïque et de gauche, ne peut contrer la montée de l’extrémisme religieux, où toute analyse de la situation politique est faussée, où vivre sous la menace permanente de la guerre modifie en profondeur les comportements et perturbe toute analyse. Ils racontent l’exil, comme unique moyen d’échapper à l’étau et de conserver un libre arbitre, un droit de penser. Mais, au-delà de la situation libanaise, ils regardent aussi le monde, les échecs des printemps arabes, la montée de l’extrême-droite en Occident, la radicalisation manichéenne des positions et l’exclusion de l’Autre, du différent. Une manière de jouer le jeu de la représentation, à travers de multiples reflets, qui fait froid dans le dos.

Who’s Afraid of Representation ? Un questionnement sur la violence et la liberté qui renvoie dos à dos l’Occident et le Liban.

Who’s Afraid of Representation?
S Texte et direction Rabih Mroué S Scénographie Samar Maakaroun S Programmateur vidéo Thomas Köppel S Assistant Racha El Gharbieh S Traduction de l’arabe par Catherine Cattaruzza S Avec Lina Majdalanie et Rabih Mroué S Production The Lebanese Association for Plastic Arts (Ashkal Alwan), Beyrouth – Hebbel Theater, Berlin – Siemens Art Program, Allemagne – Centre national de la danse, Paris S Avec le soutien de TQW, Vienne. S Coréalisation Théâtre de la Ville-Paris – Festival d’Automne à Paris S Durée 1h S En français et en arabe surtitré en français

23 - 27 septembre 19h, sam. 28 sept. 16h
Théâtre de la Ville - Sarah Bernhardt - Coupole 2, place du Châtelet - Paris 4e
theatredelaville-paris.com T. 01 42 74 22 77

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