29 Janvier 2025
Le projet KiLLT (Ki Lira Le Texte ?) qui fait de la lecture collective un terrain d’échanges entame son troisième cycle avec un texte de Magali Mougel, spécialement créé par l’autrice pour l’occasion.
Cette fois-ci, après s’être adressé aux enfants de 8 ans, c’est à ceux de 14 ans et plus qu’il se destine. Comme pour les éditions précédentes, KiLLT a pour ambition de développer la pratique de la lecture à haute voix, non comme un simple exercice ou le pensum que représente parfois cette activité, qui fait de l’élève le centre de l’attention de tous et une cible privilégiée de plaisanteries, de moqueries, voire de quolibets, mais comme une manière d’être ensemble, de partager une pratique commune de la lecture qui est aussi une expérience du texte. Avec pour volonté d'introduire le jeu, qui métamorphose l’obligation en parcours ludique et collectif. Et last but not least pour ce concept original d’Olivier Letellier et Camille Laouénan, d’inscrire la création contemporaine en son centre, en confiant à une autrice ou un auteur contemporain la charge d’écrire un texte ancré dans les réalités d’aujourd’hui, spécialement adapté aux objectifs que se fixe le projet.
Lecture collaborative, quézaco ?
Plusieurs possibilités sont proposées par les Tréteaux de France. La version la plus simple est celle d’un spectacle participatif auquel sont conviés les spectateurs. Un comédien-meneur de jeu, entouré d’un public limité – 12-15 personnes – se transforme en guide pour nous introduire dans l’histoire. Il donne les règles du jeu : un texte en deux couleurs, la première indiquant les portions de texte qu’il prendra en charge, l’autre concernant le texte à dire par les spectateurs.
Pour épicer le tout et éviter la monotonie, le texte n’apparaîtra pas sous une forme linéaire, livresque, mais organisé dans l’espace et réparti au sein des accessoires disséminés dans le volume scénique du lieu choisi pour la lecture. Le récit pourra ainsi s’organiser aussi bien sur un mur, linéairement ou de manière éclatée, que sur un rebord de table, se trouver sur les deux faces d’une assiette ou sortir d’un coffret, tirade après tirade, pour prendre place dans le décor des phrases déjà placardées au mur. Les spectateurs, en déplacement permanent dans l’espace à la poursuite du texte, assumeront tour à tour leur rôle de répondants, enfants ou adultes, garçons ou filles confondus, sans tenir compte, pour leurs interventions, de leur sexe ou de leur âge, et le comédien veillera à ce que tous prennent la parole en sollicitant les plus timides. Immergés dans le texte, les participants passeront du statut de spectateur, passif et consommateur, à celui d’acteur. Un jeu de cartes dont chacun assumera une part du texte, sans que le meneur de jeu intervienne, complètera le dispositif.
Une formule à tiroirs
Une deuxième étape, séparée de la première et située tantôt avant, tantôt après la séance de lecture collective, permettra d’approcher le texte dans sa globalité et d’en explorer la signification et les prolongements. Elle peut prendre la forme d’un échange ou, sur une durée plus longue qui peut atteindre 20 ou 30 heures, donner lieu à un véritable atelier où sera sollicitée la créativité de chacun par l’exploration de différentes techniques d’écriture ou d’un choix de supports d’écriture tels que le collage, le tampon, l’empreinte, le pochoir, avec les modifications qu’ils apportent au fait d’écrire. Pourront aussi s’y construire des prolongements de la fable ou les échappées belles de ce qu’elle inspire. La réinvention sera à l’ordre du jour et les participants seront invités à apporter leur pierre à l’édifice.
Libérer l’oralité de ses carcans
Il s’agit à travers le projet de lecture collective de faire sauter les verrous qui s’interposent dès lors qu’il s’agit d’exprimer. La mise en voix ne répartit pas seulement les tâches : elle donne au texte une matérialité à laquelle le spectateur, pris dans une nasse aux filets trop lâches pour être un piège, participe. On distingue très vite ceux pour qui l’expression n’est pas un problème, encore que les quelques « gros mots » – pas si gros que ça – qui pourraient émailler le texte laissent place à une véritable hésitation lorsqu’il s’agit de les balancer à la face des autres. On voit aussi au cours de la séance évoluer peu à peu les comportements, les timides s’exprimer d’une petite voix, mais le faire néanmoins, et tous lever les hésitations initiales pour participer au jeu.
Mauvaise pichenette ! Un texte qui ouvre un débat
Le texte de Magali Mougel, proposé par les Tréteaux de France pour cette troisième réalisation de KiLLT, ne laisse pas indifférent. Il nous introduit au cœur d’une famille dont la jeune fille, Anna, en apprentissage chez un chef étoilé, a séché le boulot sans prévenir personne. Lorsqu’elle revient chez elle se dévoilent peu à peu les raisons de son absence. Son histoire croise celle de jeunes migrants installés par la commune dans une ancienne colonie de vacances. Des étrangers dont la simple présence suscite une hostilité qui prendra des dimensions dramatiques. Des inconnus inoffensifs mais synonymes de danger, qui alimentent tous les fantasmes et pas seulement ceux de l’extrême-droite.
À travers ce texte, l’autrice évoque une réalité qui se banalise aujourd’hui dans notre société : le racisme ordinaire, la haine de l’autre, de l’étranger, du différent, et leurs conséquences. Ici, au sein de la famille d’Anna, dans la ferme familiale, ce thème croise celui de la construction d’une adolescente qui, pour se définir, éprouve le besoin impérieux de s’écarter du modèle parental et de s’opposer pour trouver sa propre voie.
S’approprier ce texte par la lecture à voix haute, c’est poser ouvertement plusieurs questions souvent mises sous le boisseau. C’est ex-primer et, par là même, faire venir au jour et offrir l’opportunité de créer un terrain de discussion. Une urgence aujourd’hui, alors que la violence prend une part croissante dans les rapports sociaux, et avec elle l’intolérance.
Mauvaise pichenette ! de Magali Mougel
S Mise en scène Olivier Letellier S Scénographie textuelle Mélody Champagne & Cerise Guyon S Équipe de jeu en alternance Angèle Canu, Nicolas Hardy, Cécile Zanibelli S Équipe de création Angèle Canu, Nicolas Hardy, Camille Laouénan S Production Tréteaux de France, Centre dramatique national S Coproduction Les Plateaux Sauvages, Paris • Théâtre Champ au Roy, Guingamp • La Filature, Scène nationale de Mulhouse S Création janvier 2025 S Spectacle tout public à partir de 14 ans (4e) S Formule scolaire • Durée 2h (KiLLT + atelier), jauge classe entière S Formule tout public • Durée 45 min • Jauge 15 spectateurs
TOURNÉE
25 janvier 2025 Création, Les Plateaux Sauvages, Paris, 14h30, 16h, 17h30 & 19h
27 janvier 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris, 10h & 14h30
28 janvier 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris, 10h, 14h30 & 19h
29 janvier 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris, 10h, 14h30, 16h, & 17h30
30 janvier 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris, 10h & 14h30
31 janvier 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris, 10h, 14h30 & 19h
1er février 2025 Les Plateaux Sauvages, Paris, 14h30, 16h & 17h30
Du 10 au 14 mars 2025 Ville de Livry-Gargan
Du 17 au 21 mars 2025 Collège Paul Éluard, Montreuil
24 mars 2025 Paris, Mairie du 20e arrdt, avec les Plateaux Sauvages, 15h, 16h & 17h
25 mars 2025 Paris, Mairie du 20e arrdt, avec les Plateaux Sauvages, 10h, 14h30 & 19h
26 mars 2025 Paris, Mairie du 20e arrdt, avec les Plateaux Sauvages, 10h, 14h30, 16h & 17h30
27 mars 2025 Paris, Mairie du 20e arrdt, avec les Plateaux Sauvages, 10h & 14h30
28 mars 2025 Paris, Mairie du 20e arrdt, avec les Plateaux Sauvages, 10h, 14h30 & 19h
29 mars 2025 Paris, Mairie du 20e arrdt, avec les Plateaux Sauvages, 14h30, 16h & 17h30