23 Janvier 2025
Entre réel et fantastique, cirque et théâtre, le spectacle s’inscrit dans une veine où la perte de repères est la loi.
Un homme se présente devant une porte éclairée. Il frappe mais personne ne répond. Pourtant il sent une présence. Quelqu’un habite la maison. Lorsqu’enfin il parvient à entrer, c’est pour découvrir l’incroyable capharnaüm qui y règne. Une partie du toit s’est effondrée, un arbre pousse dans la maison, le papier peint s’est décollé, des débris jonchent le sol. Mais une étrange créature semble y avoir élu domicile. Un être humain. Il ne parle pas, passe d’un étage à l’autre sans recourir à l’escalier, se dérobe sans cesse. Aux questions que le visiteur tente de lui poser, il ne répond pas. Voici ce dernier engagé dans un long monologue où se précisera progressivement l’histoire.
Les maisons ont-elles une âme ?
Nous sommes quelque part au milieu de nulle part, la nuit, dans un petit village chilien. Le visiteur-narrateur vient prendre possession de la maison héritée de sa mère, la seule maison qu’elle n’ait pas incendiée après y avoir vécu. Pourquoi justement celle-là ? Et pourquoi semble-t-elle le siège d’une activité presque invisible qui fait tomber les livres des étagères, ouvre seule toutes les fenêtres, fait tomber des gravats sans que rien ne l’ait provoqué ? Pourquoi aussi des ombres semblent-elles se profiler dans le décor, des bruits insolites se produire ? Vent, tonnerre et éclairs sont de la partie. On retrouve les ingrédients du fantastique. Entre réalisme magique et Chute de la maison Usher d’Edgar Poe, les images affluent dans cette indécision entre espace réel et espace mental, où l’un et l’autre se rejoignent et scelleront à la fin le sort de la maison.
Des occupants très singuliers
L’inconnu mutique qui semble chez lui dans ce décor en décomposition se déplace, dans une reptation presque animale, avec la souplesse déliée d’un fauve, alternant les figures acrobatiques dans un décor encombré où tous les accidents sont possibles. Torsions, roulades, extensions, Andrés Labarca défie la gravité. Il semble en permanence à la limite de la chute, le dos cambré vers l’arrière, comme si une force l’aspirait irrésistiblement vers le bas. C’est avec cet étrange compagnon que le narrateur – Sylvain Decure, qui est aussi l’auteur du spectacle – partagera, un temps, la vie de la maison. Qui est-il, cet inconnu ? Nous ne le saurons pas. Peut-être un double du narrateur, l’enfant qu’il fut dans cette maison et dont le souvenir hante encore les lieux…
Au silence de l’inconnu répond la volubilité du narrateur venu prendre possession de la maison. Comme s’il voulait conjurer l’inquiétude née de ce silence peuplé de bruits, meubler le vide, comme s’il cherchait à se défendre contre l’inquiétude qui s’empare de lui et qui, peut-être, est un miroir de lui-même alors qu’il erre dans les décombres de sa mémoire.
Construit à la manière d’un film fantastique, le spectacle offre une perspective très intéressante, qui joint les codes de l’onirique à ceux du cirque et du théâtre. D’où naît cependant cette impression de longueur qui s’installe ? Peut-être du temps mis à installer l’atmosphère, qui gagnerait à être resserré ? Peut-être de la sensation d’étirement de la durée qui mériterait d’être plus meublée ? Peut-être du développement de la logorrhée du narrateur qui finit par lasser ? Peut-être aussi en raison de la solitude de la prestation acrobatique qui, malgré une réelle inventivité des figures, peine à s’imposer dans ce décor si omniprésent ?
Quoi qu’il en soit, il faut saluer la démarche, qui installe réellement un propos dans l’hybridation entre tous les éléments du spectacle, son, lumière, installation et mise en mouvement du décor, et la performance qui mêle difficultés techniques liées à la « vie » de ce lieu en ruine et déplacement des personnages qui y évoluent et jouent avec la transformation du décor.
Les Quatre points cardinaux sont trois : le nord et le sud
S Direction et écriture Lola Etiève et Andrés Labarca S Interprétation Sylvain Decure et Andrés Labarca S Collaboration artistique Silvio Palomo S Scénographie Justine Bougerol et Ni Desnudo Ni Bajando La Escalera S Conception et réalisation des patines Gabriel Tondreau S Création lumière Jérémie Papin S Création sonore Lola Etiève S Chant Jean-Paul Mengin S Régie plateau et conception machinerie Flavien Renaudon S Construction de la maison Ateliers de la MC93 Bobigny S Production Festival utoPistes / Compagnie MPTA (Lyon) S Soutiens Festival utoPistes – Lyon Métropole ; La Mouche, Théâtre de Saint-Genis Laval ; APCIAC – Lyon Métropole ; Scène nationale de Bourg-en-Bresse ; Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie / La Brèche à Cherbourg et le Cirque-Théâtre d’Elbeuf ; Le Plus Petit Cirque du Monde – Bagneux ; Espacio Checoeslovaquia – Santiago du Chili (Chili) ; CIRCa Pôle National Cirque – Auch ; La Verrerie d’Alès – Pôle National Cirque Occitanie ; Théâtre Molière Sète Scène Nationale Archipel de Thau ; Espace le Kiasma – Castelnau ; Le Prato, Pôle National Cirque – Lille ; Institut Français de Paris ; Ville de Lyon ; Institut Français du Chili ; SACD ; Processus Cirque 2021 ; DRAC Auvergne Rhône-Alpes – Aide au projet S Remerciements Mathurin Bolze, Christine Bonet, Marc Etiève, Joëlle Lacanal, Chloée Sanchez, Julien Sicard → Durée 1h →
Du 17 au 25 janvier 2025 Mar.-ven. à 19h30, sam. à 18h, dim. à 16h
Théâtre Silvia Monfort – 106, rue Brancion, 75015 Paris https://theatresilviamonfort.eu
Tournée
↘ 17.01 → 25.01.2025 : Théâtre Silvia Monfort, Paris
↘ 13.03 → 14.03.2025 : MA scène nationale Montbéliard
↘ 19.03 → 20.03.2025 : Scène nationale de Mâcon
↘ 27.03.2025 : Théâtre de Cusset