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Arts-chipels.fr

Insomniaques. Mémoire d’un massacre.

Phot. © Pauline Viatje

Phot. © Pauline Viatje

Un théâtre d’objets et de marionnettes pour ne pas oublier les soldats et marins africains, fusillés par les Allemands en juin 1940, à Rouen.

Une histoire enfouie

Le 9 juin 1940 au matin, la 5e Panzerdivision de la Wehrmacht entrait dans Rouen. Quelques jours plus tard, dans le square du Musée des Antiquités, les corps de deux hommes noirs étaient découverts par les services municipaux. Le lendemain, non loin de là, dans les jardins d’une propriété de la rue de Bihorel, on retrouvait ceux de dix-sept hommes assassinés par les troupes allemandes. Quinze jours plus tard, un dernier corps y était mis au jour.

Civils ou militaires, tous Africains ou Antillais, seuls la moitié d’entre eux purent être identifiés. L’événement tomba quasiment dans l’oubli. L’ancien maire de Rouen en parlait dans ses  mémoires, d’autres articles aussi, mais aucun travail historique n’avait été fait. Dernièrement, trois Rouennais férus d’histoire – Laurent Martin, Jean-Louis Roussel et Guillaume Lemaître – ont réouvert ce dossier et, à l’issue de leurs recherches, ont publié Crimes de guerre, Rouen, 9 juin 1940, aux éditions l’Écho des Vagues (2022). Leurs travaux ont permis de remettre au jour l’événement et, depuis 2021, la Ville de Rouen commémore ce crime de guerre. Insomniaques s’inspire de cette enquête, menée à partir d’une photographie énigmatique laissée derrière eux par les  soldats de la Wehrmacht : on y voit des hommes noirs, entassés sur une charrette.

Phot. © Pauline Viatje

Phot. © Pauline Viatje

Mise en scène d'une enquête

À partir de cette image, deux comédiens, accompagnés d'une chanteuse percussionniste mettent leur pas dans ceux des trois chercheurs. Ils nous racontent leurs démarches et donnent la parole aux témoins qu'ils ont pu retrouver : le fils d'une des victimes, le petit-fils d'un des rescapés du massacre... On remonte avec eux le fil de l'histoire grâce à un dispositif scénique – signé Cerise Guyon – constitué de couches de papier en charpie, de cartons d'archives, de terre, d'où les comédiens exhument le passé.

À cet empilement de matériaux correspond un texte sédimenté, concocté par la metteuse en scène Lou Simon et la dramaturge Karima El Kharraze . Selon le principe des poupées russes, les récits s'emboîtent les uns dans les autres : celui des historiens chercheurs fait place aux témoignages des descendants qu'ils ont retrouvés. Ils sont relayés à leur tour par les commentaires des interprètes. Arnold Mensah, Clémentine Pasgrimaud, appuyés par la musicienne Mariama Diedhiou, quittent la fiction théâtrale pour s'adresser directement au public. Ils font le lien entre cet épisode historique et le racisme, le colonialisme en général, et enjoignent aux spectateurs de ne pas dormir tant que, à leur tour, ils n'auront, comme eux, transmis cette tragédie à la postérité. Un didactisme dont on aurait pu se passer, et qui rompt la magie de l'univers plastique proposé par la mise en scène.

La manipulation des différents matériaux, remués et façonnés pour sortir le passé de sa gangue, l'irruption d'une petite marionnette, fantôme exhumé de sa tombe, offre à ce théâtre documentaire des contrepoints poétiques aussi parlants que les mots. Les faits liés sont d'autant plus troublants qu'ils se déroulent à deux pas du Centre dramatique où la compagnie Avant l'Averse vient de créer des Insomniaques. Les noirs fusillés à Rouen sont au nombre des combattants morts pour la France qui n'ont pas, jusque là, leurs noms gravés sur les monuments. Il semble essentiel, à l'heure de la montée des extrêmes-droites, de leur rendre hommage.

Phot. © Pauline Viatje

Phot. © Pauline Viatje

Insomniaques SMise en scène Lou Simon SInterprétation Arnold Mensah, Clémentine Pasgrimaud & Mariama Diedhiou SDramaturgie Karima El Kharraze & Lou Simon SScénographie Cerise Guyon SCréation musicale et sonore Mariama Diedhiou et Thomas Demay SCréation lumière Romain Le Gall Brachet
S ProductionCompagnie Avant l'averse S Coproduction Le Sablier - Centre National de la Marionnette à Ifs et Dives-sur-Mer, CDN de Normandie-Rouen, Le Passage - Scène conventionnée d'Intérêt National de Fécamp, ODRADEK/Compagnie Pupella-Noguès- LCMC - dans le cadre du dispositif compagnonnage, L'Hectare - territoires venômois - CNMa, Théâtre de Chartres, scène conventionnée, Le Tas de Sable - Chés Panses Vertes, FACM - PIVO Scène conventionnée Art en territoire, 37 e  Parallèle – Tours, Festival Marto - Hauts de SeineS Soutiens La Nef, Manufacture d'utopies – Pantin, Le 37 e  Parallèle - ToursS Avec le soutien du département de Seine Maritime et du département du Val d'OiseS Théâtre documentaire d'objets et de matièreS Tout public à partir de 12 ansS Durée environ 1h20

TOURNÉE 2025
29 janvier 2025 - Le Sablier, Ifs, dans le cadre d'À partir du réel
31 janvier 2025 - Théâtre Le Passage, Fécamp
2 février 2025  - L'Hectare, CNMa, Vendôme, dans le cadre d'Avec ou Sans Fils
27 février 2025 – OFF de Chartres
10 mars 2025 – Théâtre Bernard Marie Koltès, Nanterre, dans le cadre de Marto
11 mars 2025 - Théâtre de Châtillon, dans le cadre de Marto
Août 2025 (à confirmer) - Festival Mima, Mirepoix
Septembre 2025 (à confirmer) – Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mézières

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