11 Avril 2025
Valérie Lesort nous emmène, en musique et en images, au pays des fées, des princes charmants, des princesses endormies, des marâtres et des méchants génies, à partir du livret satirique d’Arthur Bernède et Paul de Choudens. Une traversée sur la partition tout aussi loufoque de Félix Fourdrain, jouée et chantée par les Frivolités Parisiennes, sous la direction de Dylan Corlay et la cheffe de chant Delphine Dussaux. Une parodie réjouissante de l’univers mièvre des contes de notre enfance.
Une œuvre insolite
Créé en 1913 au théâtre de la Gaîté Lyrique, cet opéra bouffe injustement oublié revisite les contes de fées en les imbriquant les uns dans les autres, comme les pièces d’un puzzle. On navigue du Petit Poucet à Peau d’Âne, en passant par Cendrillon, Le Chat botté, Riquet à la houppe, Le Petit Chaperon Rouge, la Belle au Bois dormant, etc. Rien ne va plus au pays des contes, sous la plume acérée du prolifique romancier Arthur Bernède (1871-1937), auteur à succès de Belphégor et de Judex, et de l’habile parolier Paul de Choudens (1850-1925). Olibrius, le méchant sorcier de l’histoire, n’aime pas les dénouements heureux et jette des sorts à tire-larigot aux héros et héroïnes : les princes charmants se transforment en monstres, les princesses refusent d’épouser les fils de roi trop niais, les six femmes de Barbe-Bleue font rôtir leur bourreau à la broche, l’Ogre devient végétarien, le sommeil saisit toute la cour du roi et de la reine... Heureusement, la bonne fée Morgane est là pour tout arranger.
La partition de Félix Fourdrain (1886-1923) suit la même voie parodique : il puise aux sources de l’opéra romantique comme la Valse de la fée Morgane, s’inspire de l’opéra-comique ; il emprunte des accents wagnériens ou des tonalités impressionnistes, avec des détours par le comique troupier et l’opérette, comme l’air désopilant du Bicarbonate de soude, chanté par Barbe-Bleue et Croquemitaine.
Orchestre et voix bien tempérés
L'orchestre réuni par les Frivolités Parisiennes comprend une trentaine d'instrumentistes : célesta, castagnettes, percussions, harpes, cordes, cuivres et vents s’accordent au diapason, sous la battue enjouée de Dylan Corlay. Les chanteurs et le chœur se plient à la direction d’acteur précise de Valérie Lesort et les rôles-titres se distinguent par leur performance vocale en situation de jeu. Anaïs Merlin (soprano) est aussi bien une Cendrillon romantique qu’un Petit Poucet résolu, Enguerrant de Hys joue un prince charmant maladroit, soupirant après sa « princesse lointaine ». Julie Mathevet (soprano léger) nous enchante en fée Morgane désinvolte et Camille Brault (mezzo) prête sa voix aux « miaous » malicieux du Chat botté. Romain Dayez, dégingandé et inquiétant Olibrius, surprend par son timbre de baryton. Richard Delestre (Croquemitaine), Philippe Brocard (Barbe-Bleue), Lara Neumann, la marâtre flanquée de ses deux méchantes filles, Hortense Venot et Eléonore Gagey, agrémentent de leurs mimiques les situations comiques. Bien huilée, la musique accompagne parfaitement l’imagerie mise en œuvre par Valérie Lesort.
Un livre d’images à feuilleter
Valérie Lesort (avec Christian Hecq) avait enchanté le Théâtre de l’Athénée en 2022 avec Le Voyage de Gulliver(repris en 2024). Cette féérie lyrique, qu’elle réalise en solo, n’est pas sa première incursion à l’opéra : on se souvient du Domino noir, d’Ercole amante et de La Petite Boutique des horreurs, à l’Opéra Comique. Elle adapte habilement le livret d’origine au goût du jour sans en trahir l’esprit facétieux ni en dévoyer le contenu. La scénographie de Vanessa Sannino, avec des panneaux finement découpés qui tombent des cintres, impose un style enfantin, tout comme ses costumes soulignant le côté désuet des contes de Perrault.
Dans leurs habits sophistiqués, style XVlle siècle, avec leurs coiffes étagées et leurs perruques de papier, les chanteurs ont la raideur des marionnettes. Robes à panier, tuniques et vestes bariolées couvrent uniquement le devant des corps. Les personnages restent toujours de face, se meuvent en deux dimensions et se déploient en bande, telles des ribambelles découpées dans du carton : on les dirait sortis des albums illustrés d’autrefois. Ces créatures animées, venues du pays des merveilles, images d’Épinal revisitées à l’aune de notre regard contemporain à la fois ironique et tendre, enchantent petits et grands. Elles sont à déguster comme des friandises acidulées.
Les Contes de Perrault S Musique Félix Fourdrain S Livret Arthur Bernède, Paul de Choudens S Adaptation du livret Valérie Lesort S Mise en scène Valérie Lesort S Direction musicale Dylan Corlay S Cheffe de chant Delphine Dussaux S Conseiller artistique Christophe Mirambeau S Scénographie, costumes, décors Vanessa Sannino S Création lumière Pascal Laajili S Assistance mise en scène Florimond Plantier S Chorégraphies et mouvements Rémi Boissy S Plasticienne Carole Allemand S Orchestre Les Frivolités Parisiennes & Choeur
S Anaïs Merlin Cendrillon, Le petit Poucet, Chaperon Rouge S Julie Mathevet La fée Morgane S Camille Brault Le Chat Botté S Romain Dayez Olibrius S Enguerrand de Hys Le Prince Charmant S Lara Neumann Madame de Houspignoles S Hortense Venot Javotte S Eléonore Gagey Aurore S Richard Delestre Croquemitaine, Meunier, Huissier S Philippe Brocard La Pinchonnière, Barbe-Bleue S Lucile Komitès La Reine Guillaumette S Geoffroy Buffière Le Roi Guillaume S Production Les Frivolités Parisiennes S Coproduction Opéra de Reims Théâtre Impérial, Opéra de Compiègne, Athénée Théâtre Louis-Jouvet S Durée 2h15 avec entracte
TOURNÉE
Création le 28 mars 2025 Opéra de Reims
Du 4 au 17 avril 2025 Athénée Théâtre Louis-Jouvet – Paris
24 avril 2025 Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne
27 avril 2025 Théâtre Raymond Devos – Tourcoing
Du 21 au 26 novembre 2025 Opéra de Dijon