8 Octobre 2022
Dans ce joli spectacle se mêlent contorsion, danse et théâtre, traversés de souvenirs d’exil et de considérations sur l’équilibre de la vie et la recherche du bien-être.
Lorsque le public entre dans la salle, elle est déjà sur scène, négligemment allongée sur un tissu qui semble le prolongement de la large bande de toile qui descend du plafond. Une odalisque orientale nonchalamment allongée sur le divan de quelque adepte moderne du farniente. Elle, Ashtar Muallem, commence par s’exprimer en onomatopées et assonances comme pour un entraînement de théâtre où les chaussettes de l’archiduchesse, version anglaise ou dans un dialecte inintelligible, constitueraient la mise en forme, et en voix, de ses mandibules et de ses cordes vocales. Et c’est bien d’entraînement qu’il va être question car elle s’étire, déploie dans des poses acrobatiques ses jambes tendues, se démanche le cou ou esquisse des mouvements de bras ou de mains tout en arabesques.
Atteindre le nirvâna
Il est beaucoup question de bien-être dans ce spectacle où le yoga, la méditation l’hypnose et la psychothérapie en e-learning sont convoqués pour nous expliquer comment être bien dans son corps, c’est-à-dire dans sa tête aussi. Avec humour, Ashtar Muallem nous en détaille les pratiques en même temps qu’elle inflige sans effort à son corps les positions invraisemblables. Qu’elle parle la tête en bas ou sans modifier si peu que ce soit le rythme de ses phrases quelle que soit sa posture, elle nous exhorte à faire de même.
Hybridations
Il faut dire qu’elle a de puissantes raisons de nous parler de la conquête du bien-être. Ses origines, en premier lieu. Si, au début du spectacle, elle parle l’anglais, elle passe ensuite à l’arabe avant d’aborder avec la même facilité le français. Et ce plurilinguisme masque une réalité qui pourrait être vécue comme anxiogène. Car elle est Palestinienne, née « dans la ville la plus proche de Dieu », Jérusalem, là où se rencontrent les trois religions du Livre et où convergent en pèlerinage juifs, musulmans et chrétiens. Une vie sous surveillance, sous contrôle, pleine d’interdits et de routes barrées dans un pays placé sous le regard de militaires où les droits ne sont pas les mêmes selon le quartier où l’on habite et la communauté à laquelle on appartient. Alors elle n’est nulle part et partout à la fois, entre « normalité » et exception, entre mystique et réalisme, et son corps suit.
Quand l’hybridation devient spectacle
De cette faculté d’adaptation qui lui fait traverser religions et cultures, traditions et modes de vie, elle tire une souplesse et une adaptabilité hors pair. Car son corps porte inscrit sa capacité de trouver sa place dans différentes cultures en conservant son autonomie. Contorsionniste, elle sait évoluer dans toutes les situations dans la belle lumière de clair-obscur créée pour le spectacle. Acrobate, elle sait s’enrouler autour de tissus qui deviennent tour à tour voile où se dissimuler, tissu aérien et corde à escalader ou drap de lit. Comédienne, elle n’hésite pas devant la clownerie et l’autodérision, qu’elle applique au regard sur soi que comporte le spectacle. Et lorsque, femme, elle choisit dans la salle un spectateur bien masculin, c’est pour le faire pleurer « comme une fille » en lui imposant une épreuve redoutable. Mais ces larmes-là génèrent de la vie au-dessus du fracas des armes… Le bien-être ne se niche pas toujours où l’on pense…
Cosmos
S Coécriture et jeu Ashtar Muallem S Coécriture et mise en scène Clément Dazin S Création lumière et régie générale Tony Guérin S Création sonore Grégory Adoir S Costumes Fanny Veran S Administration, production et diffusion La Magnanerie - Victor Leclère, Anne Herrmann, Martin Galamez, Lauréna de la Torre, Lauren Lefebvre et Sarah Bigot S Production La Main de l’Homme S Coproduction KLAP Maison pour la danse, Marseille Avec le soutien de la Biennale Internationale des Arts du Cirque de Marseille S Accueil en résidence MAC - Relais Culturel de Bischwiller - La Main de l’Homme est compagnie conventionnée par le ministère de la Culture - DRAC Grand Est, la Région Grand Est et la Ville de Strasbourg. S L’ONDA est attentif à soutenir la diffusion du spectacle. S La compagnie reçoit le soutien régulier du Ministère de la Culture - DGCA et de la Spédidam S Tout public dès 14 ans S Durée 50 min
Du 4 au 15 octobre 2022 à 19h30
Le Monfort Théâtre – 106, rue Brancion – 75015 Paris