8 Octobre 2022
Être belle, c’est l’injonction qu’impose la société aux femmes, depuis leur plus jeune âge. Cinq comédiennes interrogent sur le plateau les différentes manières dont cette injonction est vécue et le sort qu’il convient de lui faire.
Elles sont éclatantes de vie et de santé, les cinq jeunes femmes qui apparaissent au milieu des spectateurs disposés en cercle. Elles se maquillent, se peignent, se liment les ongles, s’appliquent des crèmes, assises près de petites tables qui contiennent le matériel nécessaire à leur « transformation ». Elles sont fortes ou maigres, ont de la poitrine ou pas, des fesses plates ou rebondies, bref, elles ne correspondent pas à un « canon » unique. Éclairées par le texte éponyme de Mona Chollet, Beauté fatale, ceux de Clarice Lispector et de Vinicius de Moraes, elles ne dédaignent pas non plus les très populaires références de Si tu t’imagines, chanté par Juliette Gréco sur des paroles de Raymond Queneau ou de Ce soir, je serai la plus belle, interprété par Sylvie Vartan et composé par Diran Garavetz et Charles Aznavour…
Entre Je et Nous
Elles parlent d’elles, de leur enfance, de leurs parents qui les trouvent les plus belles enfants du monde ou commencent très tôt les mises en garde. Car plaire fait partie de l’ADN des femmes – en tout cas, c’est ce qu’on leur inculque, une version polie de « Parle à mon cul, ma tête est malade ! » dans un système où les femmes sont d’abord vécues comme un objet esthétique avant d’acquérir le statut d’êtres « pensants ». Chacune d’entre elles, tour à tour, raconte la pression qu’elle se met ou celle qu’on lui a mise. Avec un humour ravageur, elles évoquent le « test du crayon » sous le sein pour mesurer la fermeté de sa poitrine, le capiton floconneux de la cellulite ou les vergetures qui sont tapies dans l’ombre des cuisses et des fesses, le désir de plaire, la peur du regard de l’autre. Leurs paroles résonnent avec d’autres, que nous avons entendues, que nous avons voulu faire nôtres, ou contre lesquelles nous nous sommes battues.
Vouloir être belle : y a-t-il vraiment mal à ça ?
Elles interrogent, « miroir, mon beau miroir… », s’exhibent ou se font pudiques, racontent la difficulté d’être soi – c’est quoi au juste, être soi ? –, les contradictions, les hésitations – si je me fais belle, c’est en fonction de quoi ? d’une manière de me regarder qui m’a été inculquée ou du désir de me plaire ? du désir désespérant et désespéré de plaire aux autres ? Elles posent les questions qui fâchent – la transpiration qui forme une auréole « disgracieuse » sur les vêtements, les poils sur les jambes, la moustache. Si vouloir être belle n’est pas forcément une tare, comment le vivre et comment faire que ce ne soit pas entaché de présupposés qui remontent à la nuit des temps ? À vouloir s’en moquer et en rire, de soi et des autres, le spectacle n’est pas moins sérieux et le bel enthousiasme de ses actrices emporte une adhésion qui ouvre sur une discussion dont le propos est loin d’être réglé…
Beauté fatale
S Une écriture autofictionnelle inspirée de Beauté Fatale de Mona Chollet avec des textes de Clarice Lispector (traduction de Ana Maria Haddad Zavadinack), Vinícius de Moraes (traduction de Jean-Georges Rueff) S Mise en scène Ana Maria Haddad Zavadinack S Avec Léa Douziech, Juliette Evenard, en alternance avec Marie Razafindrakoto, Chloé Lasne, Tamara Lipszyc et Joséphine Palmieri S Création lumière et régie Lola Delelo, Tom Desnos S Scénographie Alice Girardet S Durée 1h30 S Un projet soutenu dans le cadre d’un partenariat ERACM/ACTORAL d’accompagnement sur l’émergence artistique S Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques DRAC et Région SUD, et du Fonds d'Insertion pour Jeunes Comédiens ESAD – PSPBB S Cette création a bénéficié du soutien de l'IDEX UCAJedi
Du 5 au 16 octobre 2022 à 21h
Lavoir Moderne Parisien – 35 rue Léon – 75018 Paris