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Arts-chipels.fr

Les Abîmés. Histoires de résiliences enfantines.

Phot. © Sébastien North

Phot. © Sébastien North

Les violences familiales sont le plus souvent recouvertes d’une chappe de silence. Catherine Verlaguet se met à hauteur d’enfant pour raconter, à travers l’histoire de deux frères victimes des sévices paternels, la manière dont ceux-ci sont vécus par les enfants et les moyens qu’ils adoptent pour s’en sortir.

L’un s’appelle Lucien, l’autre Ludovic, P’tit Lu et Ludo. Le premier est tout tendre, tout gentil. Son frère, lui, est déjà endurci, bagarreur et rebelle. Dans la famille l’ambiance n’est pas précisément rose. P’tit Lu porte sur lui des marques de la maltraitance paternelle, ce qui incite l’institutrice à prévenir les services sociaux. Les violences que subit Ludo sont d’un autre ordre. Elles font de lui un enfant du placard, sans cesse puni pour prendre la défense de son frère et pour sa résistance aux assauts du père. La mère ne dit rien. Les enfants, évidemment, font silence sur ce qu’ils subissent. Mais les traces sont là et les enfants sont retirés à leur parents et placés en foyer, ce que Ludo supporte mal. Leur mère se bat pour les récupérer mais les sévices reprennent et, à nouveau, les services sociaux prennent la décision de placer les enfants en foyer. Ludo décide de fuguer, avec l’aide de sa meilleure amie. Son errance durera jusqu’à sa majorité.

Phot. © Sébastien North

Phot. © Sébastien North

Les maltraitances familiales : un sujet tabou

Les statistiques ont révélé qu’en France, une personne sur dix affirmait avoir été maltraitée dans son enfance. Violences physiques, agressions verbales, châtiments corporels, sévices sexuels sont presque toujours tus par les enfants. C’est ce silence qu’explore Catherine Verlaguet avec délicatesse, cette quasi impossibilité de dire des enfants, faite en partie de honte, de secret demandé et d’amour filial. Dénoncer ses parents revient à jouer les « balances », impossible dans la mentalité de l’enfant et, vis-à-vis des autres, à révéler sa faiblesse. Et puis, malgré le silence de la mère, il y a l’affection qui lie parents et enfants, qu’on ne peut trahir. Surmonter l’interdit est presque impossible. « J’vais parler », dit Ludo à maintes reprises, et cependant il se tait, avant de franchir le pas, et la pièce montre aux enfants qui forment le public qu’une fois les faits révélés, une issue est possible.

Phot. © Sébastien North

Phot. © Sébastien North

Deux enfants et deux parcours de vie

Catherine Verlaguet imagine, pour les deux enfants, deux personnalités et deux types de comportements. P’tit Lu, enfant rêveur et solitaire, est moqué par ses camarades. Timide, mal à l’aise dans sa peau, il lui faudra l’aide d’une éducatrice en qui il a confiance pour reprendre pied et trouver son moyen d’expression. Recoudre des tissus déchirés, à l’image de la situation familiale, l’aidera à surmonter ses traumatismes. La couture, activité inhabituelle chez les jeunes garçons – même si les grands couturiers, comme l’argumente l’éducatrice pour l’aider, sont souvent de sexe masculin – lui offrira la planche de salut pour sortir de son enfermement.

Ludo, c’est le grand frère protecteur, le bagarreur qui le défend, en famille mais aussi à l’extérieur. Il cherchera dans l’amitié la planche de salut pour s’en sortir. En fuite, il est caché par sa meilleure amie, Faïza, avant de trouver refuge chez la grand-tante de celle-ci, en Bretagne. Il ne perdra jamais de vue son petit frère et n’aura de cesse, à sa majorité, de le récupérer. Son sauvetage à lui passera par l’affection de celles qui l’aident et par la découverte du piano.

Phot. © Sébastien North

Phot. © Sébastien North

Une histoire pour trois petites formes

Le décor est simple – un carré peint au sol et un autre délimitant le fond de scène, qui laissera voir le bleu de la mer bretonne – et un petit nombre d’accessoires suffit à camper les différents lieux où se déroule l’action. Une maison miniature – dans laquelle Ludo enfouira la tête pour se cacher – figure la ferme de Faïza. Une table se métamorphose en tremplin des acrobaties de Ludo, en cachette, en penderie où les vêtements de la mère offrent aux enfants l’opportunité de révéler leur attachement pour elle en jouant avec ses robes, ou en atelier de couture pour P’tit Lu. Un petit coffre d’où émergeront, au fil de la pièce, un poussin providentiellement né d’un œuf non fécondé, un sac à dos ou des tissus complètent le dispositif.

La simplicité ingénieuse du décor va de pair avec la déclinaison mise en place pour le spectacle. À la forme complète, d’une durée d’une heure dix, trois petites formes sont associées, correspondant à trois parties distinctes de la fable et destinées à tourner isolément en tous lieux non théâtraux comme des écoles. Chaque épisode, qui aborde une thématique particulière, se suffit à lui-même.

Le Bruit et le silence est centré autour de la violence parentale et s’achève sur la décision de placer les enfants en foyer, pour la seconde fois, ce qui provoque à la fugue de Ludo. Arlequin ou la première graine traite de la vie de P’tit Lu en foyer et de sa découverte de la couture, qui lui permet de sortir de son isolement – son activité lui vaut d’être invité à tous les anniversaires de filles – et d’accepter d’être lui-même en s’instaurant premier de sa généalogie. Fugues s’attache aux tribulations de Ludo qui, de douze à dix-huit ans, vit en marge dans le petit village d’Anna, la grand-tante de Faïza, puis prend la route à la mort de celle-ci. Il fera son apprentissage salvateur du piano, de gare en gare, au fil de son errance.

Accomplissement de soi au-delà du traumatisme et manière de transcender un héritage de violence sont au cœur de l’aventure des deux enfants. Au-delà de la dénonciation des abus, le spectacle, où les parents, absents de scène, ne sont vus qu’au travers des yeux des enfants, inscrit une autre perspective, plus positive, en proposant des manières de rebondir.

Phot. © Sébastien North

Phot. © Sébastien North

Les Abîmés
S Texte Catherine Verlaguet S Mise en scène Bénédicte Guichardon S Assistant à la mise en scène Damien Saugeon S Scénographie Aurélie Thomas S Costumes et accessoires Fabienne Dessèches, Bénédicte Guichardon S Création sonore Maxime Tavard S Création lumière Émeric Teste S Avec Nathan Chouchana, Julien Despont, Constance Guiouillier, Marion Träger S Production Le bel après-minuit S Coproduction La Filature scène nationale de Mulhouse – Les Tréteaux de France, centre dramatique national, Aubervilliers – Le Trident, scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin – Théâtre Romain Rolland, Villejuif – Théâtre André Malraux, Chevilly-Larue – les villes de La Norville, Saint-Germain-lès-Arpajon et Arpajon dans le cadre de la résidence triennale S Avec le soutien financier de la DRAC et du département de l’Essonne S Avec le soutien de la région Île-de-France – département du Val-de-Marne – DRAC Île-de-France S Durée 1h10 S À partir de 8 ans

Théâtre de la Ville – place du Châtelet, 75004 Paris
Du 4 au 8 mars 2025 : 4 mars (10h & 19h), 5 mars (10h & 15h), 6 mars (10h & 14h30), 7 mars (10h & 19h), 8 mars (10h & 15h)

Petites formes
Trois petites formes nomades, dérivées du spectacle, peuvent être jouées dans tout type de lieu. Trois épisodes – Le Bruit et le Silence, Arlequin ou la première graine et Fugues – à accueillir séparément ou ensemble, réunis sous le titre Les Abîmés.
Durée : 30 minutes pour chaque petite forme
Jauge de 100 personnes maximum
TOURNÉE
11 & 14 mars 2025 Théâtre de la Ville, Paris (75) - Ecole Arbalète - Arlequin
13 mars Théâtre André Malraux - Chevilly-Larue (94) - Le Bruit et le Silence/Arlequin
21 mars & 8 avril Théâtre de la Ville, Paris (75) - Ecole Choisy - Arlequin
3 & 4 avril Résidence Essonne (91) - Fugues
10 & 11 avril Résidence Essonne (91) - Arlequin
26 avril Festival Drôle de Zigotos, Saint Gorgon (88) 15h & 19h
15 & 22 mai Résidence Essonne (91) - Le Bruit et le Silence
23 mai & 6juin, Théâtre de la Ville, Paris (75) - Ecole Tournelle - Arlequin
17 & 24 juin Théâtre de la Ville, Paris (75) - Ecole Wattignie - Arlequin

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