Cher Cinéma – Souvenirs, souvenirs – de l’émotion et de l’énergie pour un hommage dansé au cinéma.

C’est la voix off de Jean Claude Gallotta dans le noir complet qui nous fait entrer dans le spectacle comme une préface symbolique et qui nous accompagnera tout le long en segmentant la chorégraphie. Le dernier spectacle de Jean Claude Gallota est en forme d’hommage non pas au cinéma comme annoncé mais aux artistes qui font ou ont fait le cinéma et qu’il a rencontrés tout au long de sa vie. C’est un riche monologue qu’il nous offre comme un cadeau, une lettre hommage à ces cinéastes qu’il admire. Il a un petit texte pour chacun et chacune avant la partie dansée qui n’est en aucun cas illustrative. Car comme toujours Jean Claude Gallotta nous régale avec une chorégraphie dynamique pleine d’énergie et de créativité. Des mouvements à l’unisson impeccables, des duos sensibles et dynamiques et une créativité sans cesse renouvelée. Il capte l’énergie de la rencontre qu’il raconte et la retranscrit en mouvements. Il transfigure son souvenir pour créer une chorégraphique originale. Jean Claude Gallotta le définit lui -même comme une offrande secrète, comme un bouquet offert.  Ainsi il nous parle de Federico Fellini, Anne-Marie Miéville, Leos Carax, Bertrand Blier, Patrice Chéreau, Nanni Moretti, Jean-Luc Godard, Nadège Trebal, Raoul Ruiz, voilà tous ceux dont je me souviens pardon pour les autres, avec à chaque fois une conclusion en forme de sentence

Ce spectacle est riche à tout niveau, riche parce que c’est une expérience de vie, un partage d’émotions et de souvenirs et riche parce que la danse qu’il nous offre est remarquable et experte. La danse est, contrairement au cinéma, ancrée dans l’instant présent, c’est ici et maintenant. Et il raconte le cinéma avec l’énergie du corps, il écrit avec le mouvement individuel et d’ensemble. C’est abstrait et magnifique, singulier et incroyablement rigoureux. Son évocation est précise tout comme la partie dansée. Cette alternance donne un rythme étrange à cette chorégraphie. Ce spectacle nous embarque dans les souvenirs particuliers de Jean Claude Gallotta mais au-delà de l’anecdote il nous fait partager une expérience de vie sous une forme originale. On est dans son intimité qu’il veut bien nous faire partager mais avec pudeur tant en se livrant comme un prétexte à la danse et à la commémoration ensemble.  Une ode à la création et aux artistes qui fait du bien en ces temps de restriction et de censure.

Danse et cinéma une interrelation étroite et ce, depuis les débuts du cinéma.

Le lien entre le cinéma et la danse est profondément ancré dans l'histoire de ces deux arts, tous deux étant des arts du mouvement. Ces deux disciplines s’enrichissent l'une, l’autre par une expérience artistique et créative qui a évolué ensemble. Dès les débuts du cinéma, la danse a été un sujet de prédilection. Les premiers films des Frères Lumières, par exemple, mettaient en scène des danses variées.  Puis les films musicaux des années 1930 et 1940, avec des figures emblématiques comme Fred Astaire et Gene Kelly, ont transformé les danseurs en stars du cinéma, intégrant des chorégraphies sophistiquées qui ont redéfini la perception de la danse à l'écran en lui donnant une place prépondérante et mettant les chorégraphes au cœur de la création. Depuis les chorégraphes jouent un rôle crucial dans la création de films de danse, imaginant des séquences qui deviennent souvent le cœur de l'œuvre. Leur collaboration avec les réalisateurs est essentielle pour fusionner mouvement, musique et narration.

Jean-Claude Gallotta, chorégraphe né à Grenoble, découvre la danse classique et les claquettes après avoir étudié les arts plastiques à l’École des Beaux-Arts. Salué par un prix au concours chorégraphique international de Bagnolet en 1976, il part aux États-Unis travailler avec le chorégraphe américain Merce Cunningham. Il y découvre l’univers de la post-modern dance de Lucinda Childs. En 1979, Jean-Claude Gallotta fonde avec Mathilde Altaraz  le Groupe Émile Dubois qui devient en 1984 l’un des premiers Centres chorégraphiques nationaux, inséré dans la Maison de la culture de Grenoble. Sa pièce Ulysse (1981) lui ouvre les portes de la reconnaissance internationale. Il dirige une compagnie japonaise de 1997 à 1999. Son répertoire s’enrichit au fil des années en croisant la danse avec le cinéma (il a lui-même réalisé deux longs-métrages), la vidéo, la littérature ou la musique classique. En 2020, il rend hommage à Merce Cunningham en créant Le Jour se rêve avec le musicien Rodolphe Burger et la plasticienne Dominique Gonzalez-Foerster. En 2022, sa création Pénélope est le pendant féminin de son Ulysse originel.

Il y a de l’art là-dedans, comme l’a dit Godard après une représentation d’un spectacle de Jean Claude Gallotta et oui assurément, et pour notre plus grand plaisir…

 Distribution

chorégraphie : Jean-Claude Gallotta
assistante à la chorégraphie : Mathilde Altaraz
avec : Axelle André, Alice Botelho, Ibrahim Guétissi, Fuxi Li, Bernardita Moya Alcalde, Clara Protar, Jérémy Silvetti, Gaetano Vaccaro et Thierry Verger
musique originale composée et interprétée par Éric Capone et Sophie Martel (*)
textes : Jean-Claude Gallotta et Claude-Henri Buffard
dramaturgie : Claude-Henri Buffard
lumières et scénographie : Manuel Bernard assisté de Benjamin Croizy
costumes : Jacques Schiotto assisté d’Anne Bonora

(*) crédits musique :
Éric Capone : piano, claviers, guitares, basse, percussions, violon alto
Sophie Martel : programmation MAO, guitares, basse
L’extrait de la Valse des capes, dans la séquence Raoul Ruiz a été composé et enregistré en 1985 par Henry Torgue

photos © Guy Delahaye

Création 2024
dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris -