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Arts-chipels.fr

Punk.e.s ou Comment nous ne sommes pas devenues célèbres. De musique et de rage.

Punk.e.s ou Comment nous ne sommes pas devenues célèbres. De musique et de rage.

Justine Heynemann et Rachel Arditi revisitent le mouvement punk londonien à travers l’histoire d’un groupe féminin, les Slits. Une saga musicale qui déchire.

La fureur de vivre au féminin

Les années Thatcher en Angleterre voient fleurir le mouvement punk. Chez les jeunes, la révolte gronde contre une société qui se referme sur le conservatisme d’antan et semble confisquer leur avenir. En marge d’une majorité de groupes masculins, comme les Clash et les Sex Pistols, Ari Up, une jeune guitariste de quatorze ans, Viv Albertine (guitare), Paloma Romero, alias Palmolive (batterie), et Tessa Pollitt (basse) fondent, en 1976, les Slits (« Les Fentes », en français). Elles auraient pu s’appeler les Bleeding Vaginas (« les Vagins saignants ») mais ce nom tenait trop de place sur l’affiche. Après deux albums, Cut (1979) et Return of the Giant Slits (1981), le groupe se sépare en 1982. Recréé en 2006 par deux de ses fondatrices, Ari Up et Tessa Pollitt, il signe un ultime album : Trapped Animal.

Rachel Arditi et Justine Heynemann ont inscrit leur histoire, aussi brève qu’intense, dans l’effervescence créative de la révolution punk, s’appuyant sur les mémoires de Viv Albertine, Clothes Clothes Clothes Music Music Music Boys Boys Boys, paru en français sous le titre : De fringues, de musique et de mecs (Buchet-Chastel, 2017). On l’évoque dans le spectacle, interviewée à la sortie de son livre par Léa Salamé.

À l'heure du retour en force du punk, porteur d’une contestation nécessaire aujourd’hui (Fontaines DC, Idles, Viagra boys, The Murder Capital...), Punk.e.s, comédie musicale électrisante, remet sous le feu des projecteurs ces femmes audacieuses.

Punk.e.s ou Comment nous ne sommes pas devenues célèbres. De musique et de rage.

Des comédiennes et un comédien chanteur

Les comédiennes chantent et jouent en live : Salomé Diénis Meulien (Palmolive) a appris la batterie pour le spectacle ; Camille Timmerman (Viv Albertine) s'est mise à la guitare ; quant à Charlotte Avias (Ari Up), elle a rencontré la musique et la danse au berceau. Véritable boule d’énergie (comme son modèle) elle entraîne derrière elle ses partenaires, dont Kim Verschueren, chanteuse et bassiste au solide métier (Tessa Pollit, « leadeuse » du groupe). Rachel Arditi incarne un personnage plus rangé mais non moins moteur, Nora Forster, la mère d’Ari Up qui, grâce à ses relations et à sa fortune, produisit le premier album des Slits. Au clavier et chant, elle joue aussi Patti Smith, la muse du groupe et d’autres rôles.

Il y a un garçon dans l’affaire : James Borniche. Il est Budgie, qui remplaça Paloma à la batterie quand celle-ci quitta le groupe. Il se glisse aussi dans la peau de plusieurs stars emblématiques : Mick Jones des Clash ou Sid Vicious des Sex Pistols.

Sous le portrait en néon bleu de Margaret Thatcher, vêtus de fripes délicieusement dépareillées et maquillés à outrance, les six comédiens nous font revivre, dans une mise en scène nerveuse, ce grand chamboulement musical et les vies mouvementées des protagonistes. D’un épisode à l’autre, le comédiens jouent, à côté des morceaux des Slits (Love and Romance, Earthbeat, Wedding Song, I Heard It Through Instant hit ...),  des extraits des Ramones (Blitzkrieg Bop), des Clash (Should I stay or should I go), des Kinks (You Really Got Me, Louie Louie), des Beatles (I Want To Hold Your Hand) ou de Janet Kay (Silly Games) et d’autres groupes de l’époque.

Punk.e.s ou Comment nous ne sommes pas devenues célèbres. De musique et de rage.

Une musique et des paroles choc

Le premier album des Slits, Cut (1979), avec sa pochette provocatrice où elles posaient seins nus et couvertes de boue, s’imposa par son style brut et son inventivité sonore : fusion de punk et de ska, rythmé par des basses type reggae. Les arrangements musicaux concoctés pour le spectacle par Julien Carton restituent l’énergie de ces morceaux qu’on pourrait trouver simplistes à la première écoute avec leur batterie qui « tabasse ». Les interprètes, chacun à son instrument, se démènent et traduisent l’engagement des jeunes gens en colère, avides d’en découdre. On retrouve chez Charlotte Avias, ludion infatigable, le caractère bondissant et les trémolos nerveux d’Ari Up. Elle emprunte au jeu de scène de Mick Jagger et David Bowie, pour une performance époustouflante.

La mise en scène ménage cependant des plages de répit à cette fièvre sonore et des arrangements singuliers au violoncelle ou au piano, une réverbération qui rompt avec le brutalisme des autres morceaux ouvrent sur des moments plus intimes. On se raconte ses rêves, ses aspirations, ses amours, ses chagrins, sous des lumières plus douces où flottent des bulles de savon et des pétales de fleurs. Mais le ton général reste à la révolte.

Les autrices ont repris, pour écrire les dialogues, l’esprit de certaines chansons. Drôles, toujours irrévérencieuses, elles dénoncent une société inégalitaire. Le mouvement punk se voulait aussi cheval de Troie au cœur de la société de consommation et semeur d’anarchie. Au féminin, il s’en prenait souvent au patriarcat. Sans se revendiquer comme féministes, les Slits cognaient fort contre le conformisme avec leur tube, Typical girls, qui clôt la représentation : « Elles ne créent pas, ne se rebellent [...] restent à la maison [...]  attendent leur mari ».

Créé en 2023, ce hardi revival du mouvement « No future » est promis à un bel avenir. Il ne faut pas passer à côté de ce spectacle libératoire, repris à La Scala Paris jusqu’au 29 mars 2025.

Punk.e.s ou Comment nous ne sommes pas devenues célèbres. De musique et de rage.

Punk.e.s ou Comment nous ne sommes pas devenues célèbres

S Un spectacle musical de Justine Heynemann et Rachel Arditi S Mise en scène Justine Heynemann S Avec Rachel Arditi, Charlotte Avias, James Borniche, Salomé Dienis Meulien, Camille Timmerman et Kim Verschueren S Scénographie Marie Hervé S Composition et arrangements musicaux Julien Carton S Lumières Héléna Castelli S Régie son Soizic Tietto S Régie générale Fouad Souaker S Chorégraphe Alexandra Trovato S Costumes Camille Aït-Allouache S Perruques & Maquillage Julie Poulain S Assistantes à la mise en scène Stéphanie Froeliger et Marine Torre S Production Soy Création & ZD Productions S Coproduction Théâtre de Saint-Maur, Scène Europe – ville de Saint Quentin, Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône S Diffusion ZD Productions S Durée 1h30

TOURNÉE
25 février
2025 La Barcarolle, Scène conventionnée du Pays de Saint-Omer (62)
8 avril 2025 Salle Jacques Brel, Montigny-Le-Bretonneux (78)
23 avril 2025 Théâtre de l’Hôtel de Ville, Le Havre (76)
25 avril 2025  Château-Thierry (02)
29 avril 2025
Relais culturel – Théâtre de Haguenau (67)
30 avril 2025 La Comète Hésingue, Hésingue (68)
7 mai 2025 Centre Culturel La Lanterne, Rambouillet (78)
10 mai 2025 Théâtre Debussy, Dinard (35)
16 mai 2025 Centre culturel de Sarlat (24)
20 mai 2025 Tanzmatten, Sélestat (67)
22 mai 2025 La Passerelle, Fleury-Les-Aubrais (45)
24 mai 2025 Lycée professionnel Alexandre Bérard – Ambérieu (01)
4 juin 2025 Le Colisée, Lens (62)
7 juin 2025 Parvis Maison de la Vallée, Avon (77)

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