15 Juin 2024
Charles Pennequin occupe une place à part dans la littérature et la poésie française ; Joachim Latarjet a le goût des expériences insolites et collectives. Leur un plus un musico-poétique proposé par Joachim Latarjet est un doux régal à déguster en savourant mots, rythmes et sons.
Il est de certains poètes dont on peut dire qu’ils ont pris la tangente. C’est le cas de Charles Pennequin. Rien ne prédisposait ce fils de milieu modeste, de père ouvrier et de mère femme de ménage, entré dans la gendarmerie mobile, à se laisser séduire par les mots jusqu’à les enchaîner sans discontinuer en abandonnant les arcanes de l’ordre pour le désordre revendiqué et les hasards de l’improvisation textuelle. Car l’homme qui s’aventure hors des sentiers battus dont l’un des titres, Moins ça va, plus ça va, pourrait aujourd’hui fournir une source d’inspiration inépuisable, est un poète du corps et des mots, un écrivain voyageur pour qui écrire, parler et marcher participent de la même démarche. De son côté, Joachim Latarjet est lui aussi l’homme des pas de côté, le curieux d’aller, dès son plus jeune âge, où on ne l’attend pas. Comédien avec Bruno Boëglin, musicien engagé avec Mathieu Bauer dans l’aventure collective de Sentimental Bourreau, jouant dans de nombreux festivals tels Banlieue bleue et Halle That Jazz, participant à la composition du ciné-concert des Chasses du comte Zaroff, compositeur et musicien de Solo – Le doute m’habite pour Philippe Decouflé, il poursuit une route attachée aux écritures contemporaines où se rencontrent théâtre et musique. La rencontre entre Charles Pennequin et Joachim Latarjet ne pouvait que se faire sur les sentiers buissonniers que tous deux affectionnent.
Pamphlet contre la mort
C’est du grand trou d’un cerveau-cercueil que surgit cet hymne à ceux qui « sentent mauvais », à ces « petites badernes dans la civilisation », à ceux que l’Histoire laisse de côté, « petite mitraille, […] misérable bière ». Un grand poème qui tourne et retourne les mêmes mots jusqu’à renvoyer l’envers à l’endroit et vice-versa, un texte qui fait rouler les syllabes et les déroule en une longue spirale de phrases qui se reprennent et se superposent pour former une « idée sans aucun bord », libre de s’ébattre où sa fantaisie la porte. Un démenti plein d’insolence et de drôlerie à tous ceux qui voudraient dire « C’est mort ».Parce qu’on n’en peut plus de voir la société se déliter, parce que les atteintes à la démocratie sont devenues légion, parce que la France « d’en bas » s’enfonce chaque jour un peu plus profondément.
(Ou presque) ou l’énergie vitale
Pourtant, derrière, il reste cette petite voix qui persiste à tourner-rouler, à lancer ses bonnes blagues qui dérangent l’Histoire, qui s’amuse avec les mots, forme des ronds dans l’eau et des boucles dans le texte que la musique reprend à son compte. À la guitare, à la basse, au trombone, au tuba contrebasse ou au baglama, une sorte de petit bouzouki qui ressemble à un jouet d’enfant, Joachim Latarjet, homme-orchestre multi-instrumentiste et comédien, crée des mini-mélodies que l’ordinateur transforme en boucles sur lesquelles il superpose d’autres motifs, dans un entrelacement délibéré mais cependant plein de clarté et d’énergie. Dynamique, jazzy, plein de surprises, peuplé de borborygmes et d’onomatopées, cet univers loufoque et décalé en perpétuelle mutation, loin d’être mort, distille au contraire une énergie salutaire.
C’est mort (ou presque). Textes de Charles Pennequin
S Un spectacle musical de Joachim Latarjet et Sylvain Maurice S Avec Joachim Latarjet S Composition originale de Joachim Latarjet S Son Tom Menigault S Lumières Rodolphe Martin S Production / Diffusion Marie Ben Bachir S Production Compagnie Oh! Oui…et L’association [Titre provisoire] S Coproduction Théâtre de Sartrouville (Yvelines) – CDN S La Compagnie Oh ! Oui… est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Ile-de-France. S L’association [Titre provisoire] est conventionnée par la DRAC Bretagne – ministère de la Culture S Pamphlet contre la mort est édité aux éditions P.O.L. S Durée 50 min
Du 3 au 21 juillet à 18h40 (sf 8 et 15/07) - Théâtre du Train Bleu, Avignon, Festival off