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Arts-chipels.fr

Fin de parcours pour les étudiants de 3e année de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette.

Fin de parcours pour les étudiants de 3e année de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette.

Deux spectacles, pour deux groupes de jeunes marionnettistes, clôturaient les trois années d’étude des étudiants de l’École. Un passage en grandeur réelle à la représentation sous la houlette d’Émilie Flacher de la compagnie Arnica et de Martial Anton et Daniel Calvo Funes, fondateurs et codirecteurs de Tro-Héol.

La sortie d’école s’apparente souvent à un plongeon dans l’inconnu. Tant de matières assimilées, de savoirs accumulés dont on ne sait pas toujours comment ils seront employés dans la pratique quotidienne de l’art de la marionnette. Au cours de ces trois années – particulièrement difficiles en raison de la pandémie qui a frappé – les étudiants se sont frottés à la construction et à la réalisation de marionnettes, au texte, à la dramaturgie et à l’art du marionnettiste : approches corporelles de l’acteur marionnettiste mais aussi jeu d’acteur ou interprétation, voire même improvisation. Ils se sont initiés à la manipulation, individuelle et collective, mais aussi à la ventriloquie, à la marionnette à gaine, au travail avec le masque, au muppet, au théâtre d’objets comme au théâtre d’ombre. Ils ont exploré l’usage du mouvement et la manière de rendre les choses inanimées vivantes, ont fait une plongée dans l’esthétique et l’histoire de l’art de la marionnette, ont été initiés à l’écriture de scénarios de films d’animation.

Fin de parcours pour les étudiants de 3e année de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette.

Un accompagnement permanent qui débouche sur le spectacle

À chaque étape et dans chaque discipline, les professionnels qui enseignent à l’École Nationale des Arts de la Marionnette (ENSAM) les ont épaulés, au niveau théorique comme dans des exercices pratiques. Chaque année un spectacle a clôturé leur travail de l’année. En troisième année, il s’est accompagné de la présentation de solos artistiques de dix minutes, de la réalisation de quatre courts métrages, de la création d’un spectacle de théâtre d’ombres et d’une réalisation en grandeur réelle d’un spectacle professionnel. Quant au spectacle de clôture, il représentait en lui-même une gageure. Sept semaines de création et de répétition pour mener une création de bout en bout, réalisation des marionnettes et des éléments au plateau compris, dans des conditions de création habituelles au spectacle. Et deux équipes d’étudiants confiés par l’école et son directeur, Philippe Sidre, à deux compagnies pour deux projets laissés à la discrétion des metteurs en scène. La règle du jeu pour les metteurs en scène : un travail de création basé sur deux écritures contemporaines, des textes d’aujourd’hui pour de jeunes interprètes d’aujourd’hui.

Fin de parcours pour les étudiants de 3e année de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette.

Deux propositions très différentes

Le choix d’Émilie Flacher, de la compagnie Arnica basée à Bourg-en-Bresse, se porte sur un texte de Samuel Gallet, la Bataille d’Eskandar (voir présentation du spectacle avec http://www.arts-chipels.fr/2021/06/la-bataille-d-eskandar.dans-la-jungle-des-villes-la-jungle-s-etale-dans-les-rues.html). Une atmosphère de fin du monde, entre réalité et cauchemar, où l’un et l’autre s’interpénètrent au point qu’on ne les distingue plus et où les personnages sont entraînés dans un univers hostile. Les animaux rôdent autour d’une école devenue forteresse pour quelques rescapés, rendus à une sauvagerie des origines. Le théâtre est devenu paysage d’un monde en ruines, amas de murs écroulés sur lesquels on circule en équilibre instable, à l’image, selon la metteuse en scène, de la crise que nous traversons aujourd’hui, une crise climatique doublée d’une crise intime. Une forme convulsionnaire et dynamique dans laquelle la fiction permet de conjurer une catastrophe qui offre l’occasion jubilatoire de réinventer le monde.

Martial Anton et Daniel Calvo Funes, installés avec Tro-Héol à Quéménéven, ont accueilli les étudiants dans leur lieu de travail. Ils privilégient, avec Everest de Stéphane Jaubertie, le thème du roman d’apprentissage version XXIe siècle avec l’évocation d’une famille, elle aussi en crise : le père est un bon à rien, la mère perd son travail, la petite fille essaie, tant bien que mal, de survivre au milieu du naufrage de ses parents. Elle parviendra à se construire et à grandir avec et en dépit d’eux, tandis que chacun de ses géniteurs suivra son propre parcours initiatique (pour le détail du spectacle, http://www.arts-chipels.fr/2021/06/everest.une-fable-initiatique-sur-les-apprentissages-de-l-existence.html). Placé aux confins entre rêve et réalité, la pièce, nimbée de clair-obscur que traversent des rayons de lumière, dégage une poésie intense, dessinant un univers fantastique où passé et présent se télescopent, et où les marionnettes, qui changent de forme et de technique d’animation pour un même personnage au fil du récit, dialoguent avec les fantômes du souvenir.

Fin de parcours pour les étudiants de 3e année de l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette.

La réalité de la représentation devant un public

Les étudiants présents à la fin des représentations publiques des spectacles auxquels ils ont travaillé, qui se sont tenues du 18 au 25 juin à l’ENSAM à Charleville-Mézières et qui figureront au programme du Festival mondial des théâtres de marionnettes du 17 au 26 septembre 2021, témoignent de l’importance pour eux de jouer devant un public qui n’est plus seulement de professionnels. « Ça fait du bien, dit l’un d’eux, ça entraîne, ça envoie une énergie de sentir le public attentif. En même temps, c’est déstabilisant. » Ces spectacles sont pour eux le moyen de relier tous les fils et de travailler réellement en équipe. Car il faut tenir compte de l’autre, apprendre qu’on fait partie d’un groupe qui travaille ensemble pour que le spectacle ait son unité, suggérer, pourquoi pas, des pistes à explorer, comme la création de marionnettes à doigts d’animaux dans Eskander, prendre la mesure de ce qu’être marionnettiste veut dire. « Marionnettiste, c’est comme un couteau suisse, dit une autre. Dans la panoplie des possibilités, on recherche le bon outil ». Celui qui offrira la bonne manipulation, qui tiendra compte du poids de la marionnette, de l’âge du personnage, etc. Il y a enfin les calages qu’on fait en petit groupe, pour approcher du personnage, pour travailler en commun la manière de le manipuler. Un travail progressif et des questions qui se résolvent au fur et à mesure. Une imprégnation progressive qui crée l’identité du personnage. Pour tous, la passion affleure et court sous les récits d’apprentissage. Pour le public, accroché et attentif, c’est la démonstration par le spectacle d’un véritable travail de fond qui fait aujourd’hui de ces jeunes gens des professionnels à part entière et augure d’évolutions futures pleines de promesses.

Créations d’Everest et de la Bataille d’Eskander présentées à l’ENSAM du 18 au 25 juin 2021.

Prochaines représentations les 23 et 24 septembre 2021 dans le cadre du Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières (https://www.festival-marionnette.com)

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