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Arts-chipels.fr

Fractales. Dans les plis d’une mémoire immémoriale.

© Loïc Nys

© Loïc Nys

À la frange entre nouveau cirque, danse et théâtre sans parole, ce beau spectacle invite, à travers les avatars d’un chaos originel rémanent, à la rêverie d’un possible retour aux sources, à la racine du vivant et à la force de la nature.

Dans la pénombre qui se dissipe peu à peu, un mince filet de matière qu’on pourrait croire être du sable tombe à petit bruit sur la scène. Cinq silhouettes fantomatiques émergent de l’obscurité. Chacune semble suivre son propre projet, se concentrer sur son propre mouvement, sans se soucier des autres. Mais bientôt deux d’entre eux forment des combinaisons de corps emmêlés, collés l’un à l’autre. Puis deux autres. Puis les frontières se brouillent entre les individus. Ils se déplient dans l’espace, développent en une lente gestuelle souple et déliée une chorégraphie serpentine bientôt accompagnée par une cordelette assez fruste qui s’élève comme mue par un joueur de flûte indien hypnotisant un naja. La corde s’épaissit progressivement pour devenir ruban, puis bande de tissu de toile brute qui va s’élargissant jusqu’à devenir chemin creux dans lequel on s’engage et accessoire d’acrobatie aérienne. Le ton est donné.

© Loïc Nys

© Loïc Nys

Entre univers circassien et danse

Acrobatie au sol, contorsion, banquine, main à main, équilibrisme seront de la partie pour nous raconter l’histoire d’un monde en transformations permanentes, animé d’un mouvement perpétuel qui lui fait reprendre à l’infini des figures qui ne cessent de se modifier et de se reproduire. Comme un récit sans commencement ni fin qui ne cesse de se régénérer lui-même. Un monde où demeurer statique est impossible et où la diversité même nous ramène encore et toujours à un point de départ où tout recommence. Dans cet univers-là, il n’y a pas d’interruption, pas de rupture. Les événements s’enchaînent et nous entraînent dans la fluidité de leur mouvement sans fin. Seuls ou ensemble, en portés ou au sol, perdus dans une galaxie de gestes dans laquelle ils sont enfermés, les acrobates-danseurs sont lancés dans une chorégraphie qui les lie les uns aux autres et les inscrit dans le décor avec lequel ils jouent et qui est comme un prolongement de leur être-là.

© Loïc Nys

© Loïc Nys

Une ode à la magnificence du vivant

Les accessoires qui forment le décor disent à leur manière cette quête sans fin d’un principe originel, d'une authenticité perdue. La toile non apprêtée comme la magnifique souche d’arbre dorée par l’éclairage, qui se trouve suspendue dans les airs et plonge ses racines dans le vide de l’espace nous renvoient à une sorte d’état premier qui serait l’essence de la nature. C’est au milieu des billes plates des lentilles et des copeaux de liège que l’homme est enseveli et qu’il se débat, sur une aire, circulaire comme l’image du monde – ou comme la piste de cirque. Un monde où le haut et le bas se correspondent et s’affrontent, où la logique des doubles inversés renvoie aux transformations que le corps subit dans l’aventure circassienne. Nature contradictoire comme la lutte menée par les acrobates-danseurs pour conserver leur équilibre sur cet arbre mouvant dont les racines – qui sont aussi les nôtres – sont autant pièges qu’ils sont ressource. Nature double, basculement, ombre de la catastrophe sont partie intégrante de ce chaos où les hommes, à la manière d’une œuvre de Jérôme Bosch, marchent, les jambes passées au-dessus de leurs épaules, la tête rentrée, et, rendus à leur animalité, se déplacent en sauts désordonnés à la recherche d’une hypothétique et introuvable stabilité.

On est captivé par cette symphonie sans paroles mais en musique et en lumière où les difficultés techniques des acrobaties s’effacent devant la poésie qui émane de la vision. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une rêverie qui tourne sur elle-même et se réalimente sans fin, dans laquelle on se laisse entraîner en suivant le courant ondoyant des corps rendus à leur plasticité.

Fractales de Fanny Soriano. Spectacle créé le 22 janvier 2019, au Merlan – Marseille. À partir de 7 ans

ÉCRITURE, MISE EN SCÈNE Fanny Soriano COLLABORATION CHORÉGRAPHIQUE Mathilde Monfreux et Damien Fournier MUSIQUE Grégory Cosenza COSTUMES Sandrine Rozier assistée de Cécile Laborda LUMIÈRE Cyril Leclerc SCÉNOGRAPHIE Oriane Bajard et Fanny Soriano AVEC Kamma Rosenbeck, Nina Harper, Voleak Ung, Vincent Brière, Léo Manipoud.

Théâtre de la Cité internationale - 17, bd Jourdan - 75014 Paris

14 › 19 mai 2021. Jeu., ven., sam. 19h ; mer., dim., lun. 17h

Billetterie, par téléphone au 01 43 13 50 50 ou sur www.theatredelacite.com

TOURNÉE 2021-2022

24 août 2021 Wave Festival – Voldinborgh (Danemark)

10 & 16 septembre La Comète, avec le PALC, Châlons-en-Champagne

8 octobre Tournées théâtrales du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Istres

13-19 décembre University of Montclair (États-Unis)

7 janvier 2022 Espace Jéliotte, Oloron-Sainte-Marie

13 janvier Théâtre du Chevalet, Noyon

15 janvier La Ferme de Bel-Ébat, Guyancourt

22 janvier Théâtre la Coupole, Saint-Louis

28 janvier Théâtre Jacques Carat, Cachan

17 & 18 février L’Archipel Scène nationale, Perpignan

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