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Arts-chipels.fr

Iphigénie à Splott. Cri de rage et chant d’amour

Phot. © Debby Termonia

Phot. © Debby Termonia

L’auteur gallois Gary Owen invente une Iphigénie d’aujourd’hui, combative, et furieuse, portée ici par Gwendoline Gauthier dans la mise en scène explosive de Georges Lini.

Le spectacle a été présenté au Centre Wallonie Bruxelles le 18 novembre 2024, dans la perspective d’une tournée.

Un texte coup de poing

Splott, c’est un quartier de Cardiff, au nom qui claque, comme le récit d’Effie. À peine sur scène, elle prend directement le public à témoin : « Vous me connaissez tous : la fille bourrée dans la rue ». Effie c’est la précarité même et, pour des filles de son espèce, sans instruction et sans avenir, la pente est facile vers le ruisseau, dans cette ville minée par le chômage, frappée par les coupes drastiques dans les budgets de la santé et du social. Elle picole, se came « grave » et survit de gueule de bois en gueule de bois, avec des amis comme Kevin ou sa coloc., pas plus vernis qu’elle. Mais on aurait tort de la juger, car il suffira d’une lueur d’espoir, l’amour rencontré un soir de goguette, la petite vie qui croît dans son ventre, pour garder la tête haute dans l’adversité.

Splott, c’est là que Gary Owen a grandi. Il en a croisé des Effie et des Kevin, entendu des colères et le texte donne voix à sa propre révolte. Cette Iphigénie de banlieue n’est pas, comme la fille d’Agamemnon, une victime propitiatoire, offerte à la déesse Artémis pour calmer sa colère : le sacrifice qu’elle consent pour le bien des plus démunis, elle en fait son combat. Le texte est à la démesure du personnage : des phrases courtes, parfois slamées, que la comédienne lance comme des épées. Un vocabulaire de « caillera », des scènes de rue prises sur le vif, et rendues avec un humour caustique. La version française de Blandine Pélissier et Kelly Rivière sonne juste, et Gwendoline Gauthier traduit avec talent la rage et la gouaille de son personnage : « Je suis partie à Cardiff, ai dormi dans le quartier de Splott pour m’imprégner du lieu du récit, dit la comédienne. Dans les rues longeant les usines désaffectées, dans les pubs pleins et les parcs vides, je répétais mon texte, mettant des images sur des mots. »

Phot. © Debby Termonia

Phot. © Debby Termonia

Un quatuor à corps et à cri

Georges Lini a construit le spectacle sur une mise en tension de la voix et de la musique. Gwendoline Gauthier, Pierre Constant, Julien Lemonnier et François Sauveur sont à l’écoute les uns des autres et en parfaite osmose. Guitares et claviers soutiennent les émotions brutes qui traversent le monologue d’Effie et dessinent des paysages sonores : ambiances de rue, pub, boîte de nuit, hôpital... L’engagement physique et émotionnel des artistes vient frapper le public, comme les pulsations d’un concert hard rock. On retrouve dans Iphigénie à Splott personnages et décors du cinéaste Ken Loach mais il n’y a rien de misérabiliste dans cette écriture : Gary Owen hausse ce drame du quotidien à la hauteur d’une tragédie contemporaine et fait de son personnage une héroïne à l’éclat brut.

Phot. © Debby Termonia

Phot. © Debby Termonia

Le sacrifice

Effie n’est pas celle que l’on croit. Les derniers mots du monologue rendent toute sa noblesse à cette Iphigénie des bas-fonds : elle renonce à toucher des indemnités qui lui sont dues – nous ne dévoilerons pas l’affaire – par solidarité avec les gens de son espèce.

« Votre enfant est patraque, elle va mieux, grâce à moi/ Votre mère tombe malade / Elle est guérie, grâce à moi, et pourtant :/ Quand vous me voyez bourrée dès le matin à zoner jusqu’à chez moi/ Vous vous dites, pauv’ pouffiasse. Sale traînée./ Alors que ce que vous devriez vous dire, c’est/ La vache, Effie, merci./Les coupes, tu les as encaissées, pour nous tous. ».

La boucle est bouclée et éclaire l’adresse agressive que le public a essuyée au début de spectacle. « Vous là./ Calés dans vos sièges, tranquilles, à attendre Que – quoi ? Que je vous impressionne ? Que je vous épate ? Mais vous là, chacun d’entre vous/ Vous me devez quelque chose. Et ce soir – les mecs et les meufs, mesdames et messieurs – Je suis venue pour ramasser. » Entre ces deux moments, nous aurons changé de regard sur ceux que la vie n’a pas gâtés.

Phot. © Debby Termonia

Phot. © Debby Termonia

Iphigénie à Splott de Gary Owen Traduction Blandine Pélissier et Kelly Rivière (éd. Koïné)
S Mise en scène Georges Lini S Avec Gwendoline Gauthier S Collaboration artistique Sébastien Fernandez S Direction musicale François Sauveur S Musiciens Pierre Constant, Julien Lemonnier et François Sauveur S Création lumières Jérôme Dejean S Costumes Charly Kleinermann et Thibaut De Coster S Coproduction Théâtre de Poche & Cie Belle de Nuit S Texte traduit avec le soutien de la Maison Antoine Vitez, Centre international de la traduction théâtrale S L’auteur est représenté par MCR Agence littéraire S Avec le soutien de la COCOF et de la Fédération Wallonie-Bruxelles – service théâtre S Spectacle nommé au Prix Maeterlinck de la Critique 2022 dans les catégories « Meilleur spectacle » et « Meilleure interprétation » pour Gwendoline Gauthier S Durée 1h30

TOURNÉE 2025
6 et 7 janvier Centre Culturel de Nivelles (BE)
22 janvier Le Triangle à Huningue
24 janvier Théâtre Gérard Philippe de Frouard
25 janvier Centre Culturel Jean l’hôte à Neuves-Maisons
30 janvier Espace Christian Genevard à Morteau
11 février Théâtre d’Aurillac
13 février Théâtre des 2 rives à Charenton-le-Pont
17-février Centre Culturel d’Ottignies (BE)
20 février Wolubilis à Bruxelles (BE)
21-février Escale du Nord à Bruxelles (BE)
25 février Centre Culturel Jacques Duhamel à Vitré
26 février Théâtre du pays de Morlaix
28 février Le Vallon à Landivisiau
4 mars Théâtre de Laval
6 mars Piano’cktail à Bouguenais
11 mars Théâtre Jean Vilar à Bourgoin-Jallieu
12 mars Le Toboggan à Décines
13 mars L’Heure Bleue à Saint-Martin d'Hères
14 mars Espace culturel Odyssée à Eybens
22 mars Théâtre Jean Marais à Saint-Gratien
25 mars Théâtre de Chartres
27 et 28 mars Le Tivoli à Montargis
1er  avril Théâtre de Pézenas
2 et 3 avril Théâtre Jean Vilar de Montpellier
9 avril La Deudeuche à Lempdes
10 avril Théâtre municipal de Roanne
11avril Théâtre François Ponsard à Vienne
15 avril Théâtre des Feuillants à Dijon
17 avril Le Bordeau à Saint-Genis-Pouilly
18 avril Espace Aragon à Villard-Bonnot
24 avril La Balise à Saint-Hilaire de Riez
25 avril Théâtre de Thalie à Montaigu
29 avril Le Cube à Douvres-La Délivrande
Du 13 au 31 mai Théâtre de Poche de Bruxelles

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