18 Octobre 2024
Un carré blanc au sol, un tabouret recouvert d’un tissus blanc et deux protagonistes qui sont amenés sur scène comme deux pantins. Et les interprètes commencent à parler. Ce qui surprend dans une chorégraphie car cela n’est pas vraiment « classique ». Le langage et le sens des mots font réellement partie du spectacle. Je dis bien danse car ils parlent mais ils bougent. C’est un spectacle très physique. Les mouvements de danse sont tout autant aussi importants que les mots et les situations. C’est une réelle performance physique, un ovni chorégraphique.
Une approche très originale mêlant mouvement et paroles.
L’originalité de ce spectacle est qu’il est basé sur une double dissociation. Une dissociation du geste et de la parole qui crée un effet comique indéniable mais aussi une dissociation du sens et des situations qui sont vraiment irrésistibles. Les mouvements et la chorégraphie interfèrent sur le rythme des paroles et vice et versa. Et le discours entraîne aussi les mouvements des deux interprètes. C’est un exercice complètement loufoque par la dissonance entre les deux, paroles et mouvements qui ne sont pas sur le même registre. C’est aussi et surtout une mise en évidence très originale et néanmoins percutante des rapports de pouvoir entre les deux personnages.
Héritiers du Théâtre de l’absurde.
Même si Ionescu lui-même n’a jamais vraiment accepté ce terme caractéristique de son Théâtre, le théâtre de l’Absurde est cependant bien connu pour mettre en scène des situations de la vie quotidienne et d’en tirer juste par leur reproduction une valeur comique qui permette aux spectateurs de prendre du recul et d’en tirer des analyses plus ou moins conscientes sur la vie et la société dans laquelle nous vivons. Il y a clairement dans ce spectacle un goût de l’absurde et de la dérision qui en fait un digne héritier avec cependant une actualisation des postures beaucoup plus axées sur la dénonciation des rapports de pouvoir.
Une dénonciation fine et intelligente des rapports de domination dans l’entreprise axée sur une dénonciation du sexisme ordinaire.
Je dis sexisme ordinaire pour ne pas dire harcèlement sexuel dans les rapports entre manager et employée surtout quand le manager est un homme et l’employée une femme. Le comique de situation n’empêche pas et même peut être renforce la dénonciation. Cette critique est faite avec beaucoup d’humour et très finement, on rit mais on n’en pense pas moins. C’est léger et cependant très percutant, dénoncer sans alourdir le propos, faire rire tout en dévoilant.
Armande Sanseverino est une artiste plasticienne, chorégraphe et metteuse en scène. Elle se forme à Cobosmika en Espagne puis au sein de la Jasmin Vardimon Junior Company en Angleterre tout en suivant en parallèle une licence d’arts plastiques. Elle développe depuis 2019 son collectif Masdame avec Camille Revel. Elles signent une première pièce de danse-théâtre puis fondent le festival Arrêt Danse à Rodez. Armande Sanseverino fait désormais partie des interprètes qui travaillent pour la chorégraphe Nadine Gerspacher sur sa pièce Das Innere Beben.
Gaël Germain est chorégraphe, metteur en scène et réalisateur. Il vient de l’univers hip-hop. Après quelques stages de formation aux arts dramatiques et aux arts du cirque à Lyon et à Paris, Gaël Germain débute une carrière d’acteur-danseur sur scène comme à l’écran en Corée de Sud. Il y fait la rencontre de plusieurs metteurs en scène dont la compagnie Haeboma qui l’invite pour sa création The Orphan of Zhao. À son retour en France, il continue de développer sa démarche cinématographique et chorégraphique tout en travaillant à l’idée d’allier le mouvement à la parole.
Armande Sanseverino et Gaël Germain sont vainqueurs des prix du jury et du public des Sobanova Dance Awards 2022.
Ils décrivent leur démarche comme une envie de travailler sur cette alliance mouvements et paroles qui est encore à explorer. Prendre comme premier « terrain de création » les relations de pouvoir, avec une approche axée sur le côté séduction, savoir plaire pour obtenir ce que l’on cherche, était un pari osé mais parfaitement réussi. On rit beaucoup et on apprécie la chorégraphie. C’est un spectacle vraiment réussi qui mérite une belle carrière. Original et saisissant !
Distribution
Conception, mise en scène, chorégraphie et interprétation Armande Sanseverino et Gaël Germain
Création costumes : Lola Bezançon,
Création et régie lumières : Emmanuelle Stauble,
Régie son : Pascal Bricard,
Création musicale : Armande Sanseverino, Gaël Germain en collaboration avec Alphaxone-Mehdi Saleh,
Spectacle faisant partie du
Tournée
Du 21 au 22 novembre
MAC Créteil