3 Mai 2024
Cette expérience de musique participative réalisée avec des groupes d’enfants à la suite d’un travail d’ateliers est aussi intéressante musicalement que dans l’implication sociale et dans le travail d’appropriation de l’espace et de la musique qu’elle suppose.
Benjamin Dupé est compositeur, guitariste et musicien électronique. Sa vision de la création musicale le pousse hors des sentiers tracés du concert en salle, où le spectateur se trouve en situation de consommateur. À la volonté de supprimer les frontières entre disciplines artistiques et d’explorer le champ de la dramaturgie, il ajoute une préoccupation de rencontre des publics et de formation à l’écoute, en particulier dans le domaine d’une musique contemporaine largement méconnue du grand public aujourd’hui. Dans ses créations antérieures, il avait déjà posé les jalons de cette réflexion. Avec Comme je l’entends, il abordait la question de la réception par le profane de la musique contemporaine. Avec Fantôme, un léger roulement, et sur la peau tendue qu’est notre tympan, il concevait un concert en immersion pour instruments mécaniques et sons électroacoustiques en faisant appel à différents stimuli – sons, mouvements d’automates, vibrations de matières, intensités lumineuses. Avec Du chœur à l’ouvrage, il créait, sur un livret de Marie Desplechin, un opéra pour enfants avec quarante jeunes choristes. Isolés sur une île déserte, les protagonistes faisaient de la musique un lieu de résistance, traversant les archétypes de l’opéra l’opéra – grands airs, récitatifs, chœurs dramatiques – auxquels étaient associés rituels vocaux et jeux avec l’espace, explorant, par-delà le chant, les multiples possibilités sonores de la voix. Marelle reprend cette démarche qui lie l’implication sociale, la production, la gestuelle et la communication.
Marelle, un espace animé où le geste et le son échangent et se répondent
Comme dans les Correspondances de Baudelaire où « Comme de longs échos qui de loin se confondent […] Les parfums, les couleurs et les sons se répondent », Marelle / Que les corps modulent ! jette une passerelle entre l’espace scénique, le son et sa spatialisation, la lumière et le rapport au mouvement. Sur une aire blanche de format carré environnée par des enceintes, une douzaine d’enfants évoluent. Il se saisissent d’objets disposés en bord de scène pour en expérimenter les possibilités sonores, interagissent pour produire ensemble des sons liés au mouvement. Une échelle de bois brusquement tendue produit des claquements, des balais à gazon ou râteaux en boissellerie frottés sur le sol engendrent des grattements diversement traités par le compositeur, installé aux manettes en bordure de scène.
Dans le labyrinthe des sons et de la musique
À l’aide d’un micro installé au bout d’une perche, les enfants se saisissent de bruits produits par leurs camarades. Un diapason posé par l’un sur des supports divers résonne de diverses manières, le bruit produit par des ballons gonflés qu’on jette en l’air occupe l’espace au fil du déplacement des enfants. De petits cailloux jetés sur un tissu transformé en caisse de résonance alternent avec la longue expiration d’un coussin gonflé d’air qui se dégonfle lentement sous la pression que les enfants exercent. Une corde tendue et une planche en bois, dans différentes conformations, suffisent à engendrer des vibrations chaque fois différentes. Claquements, sifflements et frottements de toute nature ouvrent sur une exploration de la nature des sons et de leur organisation musicale. Ils offrent autant de matières à la création que Benjamin Dupé a voulue à partir d’objets du quotidien. Le compositeur répartit les sons dans l’espace, les fait tourner, les réverbère et les agence ou les estompe au fil de sa composition. Un simple coup sur le sol peut se muer en coup de tonnerre ou s’éloigner dans le lointain. Le silence parfois succède à la musique, comme s'installe l’immobilité qui remplace le mouvement.
Du son au mouvement, un travail d'ateliers et une création participative
Cet espace animé est d’abord musicalement écrit avant d’être mis en scène. Mais il résulte aussi du travail fait au cours d’ateliers avec des groupes d’enfants, en présence, chaque fois, d’un ou d’une chorégraphe qui apporte une vision de l’espace, du déplacement des corps et de leur relation entre eux, dans cet espace et avec les objets qu’ils manipulent. Car le principe du spectacle est celui d’une forme ouverte, déclinable en différents modules et adaptable à différents lieux. La compagnie Comme je l’entends apporte le dispositif de jeu et les répertoires de partitions ainsi qu’une méthodologie permettant l’appropriation de la création par le groupe. Et le travail réalisé sur place donne lieu, chaque fois, à une création spécifique. Pour le spectacle présenté au KLAP à Marseille, trois semaines, soit environ soixante-dix heures ont été consacrées à cette recherche dont l’objectif est de faire du mouvement un outil de production sonore, dans un espace sans cesse remodelé où le plaisir du jeu et des interactions entre les enfants est matière à exploration, à naissance de correspondances qui posent un geste artistique sans être narration.
Une écoute attentive
Pensé dans une dimension quadri-frontale, avec des spectateurs répartis tout autour de l'espace de jeu, le spectacle est donné donné en représentations tous publics comme en séances scolaires. Construit comme une invitation à l’écoute, il révèle, de la part du jeune public, une attention remarquable. Les enfants sont concentrés, fascinés par la symphonie de sons et d’images qui leur est proposée et, à la fin du spectacle, les questions fusent : sur l’absence de texte, sur les raisons de l’utilisation d’objets, sur ce qu’est l’inspiration, sur le temps nécessaire pour composer l’ensemble, sur les histoires qu’on se raconte, sur ce qui se passe avec les bruits. La nature des questions est à l’image du travail accompli pour la création. Car la proposition est de qualité et l’univers musical proposé tout à fait intéressant. Il déborde très largement le seul cadre de l’enfance et l’on a plaisir à le découvrir, en même temps qu’on salue la démarche musicale et sociétale qui lui a donné naissance. D’autres productions du spectacle sont aujourd’hui prévues. On ne peut qu'inciter à l’extension de ce projet au-delà de son calendrier actuel…
Marelle / Que les corps modulent !
S Concept et musique Benjamin Dupé S Mouvement / chorégraphie Étienne Fanteguzzi (région Grand Est), Balkis Moutashar (région Sud – PACA), Marine Colard (région Bourgogne Franche-Comté et région Normandie), Thierry Thieû Niang (région Île-de-France) et d’autres encore… S Avec douze à quinze enfants de 8 à 11 ans du territoire d’accueil du spectacle, formés au projet en ateliers S Assistants à la mise en scène et régie d’orchestre Vérane Kauffmann (région Grand Est et Sud – PACA), Alexis Masuyer (région Bourgogne Franche-Comté), Maialen Imirizaldu (région Normandie) S Espace et dispositifs instrumentaux Olivier Thomas, Benjamin Dupé S Lumière Christophe Forey S Direction technique et son Julien Frénois S Production, diffusion Marine Termes S Communication Adélaïde Ponsignon S Production Comme je l’entends, les productions S Partenaires Théâtre de Caen, Opéra de Dijon, Festival Musica, Strasbourg, Centre de Développement Chorégraphique National Pôle-Sud, Strasbourg, KLAP Maison pour la danse, Marseille, Festival Tous en sons !, Marseille - Aix Région Sud, Théâtre Massalia, Marseille, Pôle Arts de la Scène / Friche La Belle de mai S Ce projet bénéficie de l’aide du CNC au titre du DICRÉAM et du soutien de la Fondation de France dans le cadre du programme « Grandir en cultures » ainsi que du soutien de la Maison de la Musique contemporaine S Soutiens Fondation Camargo, Département des Bouches-du-Rhône – Centre départemental de créations en résidence, Centre Chorégraphique National de Caen Normandie, Le Dancing, Centre de Développement Chorégraphique National, Dijon, Conservatoire du Pays d’Apt Lubéron, Lieux Publics, centre national et pôle européen de création pour l’espace public GMEM - CNMC, Marseille S Création 24 & 25 septembre 2022, dans le cadre du Festival Musica, Strasbourg S Durée 30 à 60 minutes
TOURNÉE - représentations
>> mercredi 15 mai 2024 | 19:00 | Vélo Théâtre - Apt
>> jeudi 16 mai 2024 | 14:30 | Vélo Théâtre - Apt
>> jeudi 16 mai 2024 | 19:00 | Vélo Théâtre - Apt
>> samedi 25 mai 2024 | 11:00 | Opéra du Grand Avignon, L'Autre Scène - Vedène
>> samedi 25 mai 2024 | 16:00 | Opéra du Grand Avignon, L'Autre Scène - Vedène
>> dimanche 26 mai 2024 | 16:00 | Opéra du Grand Avignon, L'Autre Scène - Vedène