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Arts-chipels.fr

Il nous faudra beaucoup d’amour – Danser le Musée, une visite chorégraphique au-delà du réel, tout en émotions et perceptions…

Il nous faudra beaucoup d’amour – Danser le Musée, une visite chorégraphique au-delà du réel, tout en émotions et perceptions…

C’est une visite toute en émotions et mouvements du Musée d’Art Moderne de Paris qui nous est offerte par la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier. Pendant une heure trente, trois interprètes nous emmènent dans une promenade émotionnelle dansée à travers les œuvres de la Collection permanente du Musée.  Les danseuses et danseur évoluent entre improvisation et maitrise en s’inspirant de chaque œuvre. Ils évoluent dans la foule qui les accompagne d’une manière très fluide, groupées ou séparées. lels s’arrêtent devant des œuvres qu’iels ont choisies. Ainsi, le parcours commence devant les grandes toiles de Robert Delaunay, puis une pause groupée devant la sculpture énigmatique de Gaston Lachaise « Floating woman ».

Ensuite un moment magique, il me semble, est la performance au sol, de Margaux Amoros en écho au « Nu couché à la toile de Jouy » de Foujita avec une montée magistrale des marches tout en enroulements. Tout le long du parcours iels inventent un langage du corps tout en émotions, en lien avec le thème des œuvres ou avec ce que les œuvres leur inspirent. La visite se poursuit avec un arrêt à souligner devant les œuvres de Victor Brauner et particulièrement devant « La rencontre du 2bis rue Perrel » où les trois interprètes rejouent la scène du tableau. Ensuite un arrêt remarqué devant une toile de Zoa Wou-Ki « Six janvier 1968 » et pour finir devant les immenses toiles de Matisse et le mur des œuvres de Buren.

Il nous faudra beaucoup d’amour – Danser le Musée, une visite chorégraphique au-delà du réel, tout en émotions et perceptions…

Les trois interprètes sont magnifiques. Iels évoluent avec une impressionnante fluidité, parfois au bord de la rupture, prenant des risques avec leurs corps et tout cela pendant une heure trente. Il faut souligner cette incroyable performance dans tous les sens du mot. Performance artistique car Il s’agit de danser et aussi d’être dansé comme l’explique la chorégraphe :  « il est nécessaire de défaire la danse en même temps qu’on la trace. La danse capte et révèle les énergies des œuvres sans chercher à leur donner une signification, afin de rendre visible ce qui n’apparaît pas toujours à la perception ordinaire. »  Ainsi les danseuses et le danseur tissent des liens conscient et inconscient, visible et invisible, ombre et lumière entre les œuvres et le public. Iels sont des passerelles entre nous et les œuvres, des vecteurs émotionnels en lien avec les énergies que les œuvres créent autour d’elles.  Petits et grands car il y avait aussi des enfants sont saisis, emmenés, fascinés, enlevés par cette révélation émotionnelle remarquable. On ne s’en lasse pas, leur énergie nous subjugue, nous emporte et nous impressionne. Cette résonnance, cette démarche insolite est complètement fascinante. On est comme envoutée par les trois interprètes. Et performance physique également à souligner parce que danser ainsi pendant une heure et demi demande une immense énergie.  

Il nous faudra beaucoup d’amour – Danser le Musée, une visite chorégraphique au-delà du réel, tout en émotions et perceptions…

Toute la visite est accompagnée par des textes poétiques remarquables en lien avec les œuvres et composées pour certains par les danseuses et danseurs pendant la création en résidence de la performance. De même, des musiques très diverses allant de l’opéra à la techno nous ont suivies tout le long avec une enceinte sur roulette et un dispositif de casques individuels.

Je ne peux m’empêcher de citer quelques poèmes :

Ombres mauves, il se faufile sous les arbres
de la maison d’été couleur crème. Robe dans
le petit salon. Les baies vitrées grandes
ouvertes. Il est midi, soleil au zénith. Des
oiseaux fendent le ciel bleu azur et sous ta
robe une ménagerie de paradis. Mille
battements d’ailes dans ta culotte.
Margaux Amoros, pour Simon Hantaï, Étude, 1969

Voilà, tu sais tout de moi,
de mon sanctuaire, de mon secret de vivre.
Voilà tu sais maintenant la poésie vivante
de la couleur liquide qui vibre,
de la lumière qui danse au cœur de la matière.
Voilà, si tu sais cela, tu sais tout de moi,
car cette danse est éternelle, tout comme mon cœur.

Nadia Vadori-Gauthier, pour  Pierre Bonnard, Nu dans le bain, 1936

Il nous faudra beaucoup d’amour – Danser le Musée, une visite chorégraphique au-delà du réel, tout en émotions et perceptions…

Nadia Vadori-Gauthier a organisé déjà plusieurs performances / parcours dansés dans différents lieux artistiques avec cette démarche de création comme le Musée du Quai Branly, le Palais de Tokyo et le Musée des Moulages de Lyon.

Son approche est éminemment politique. Nadia Vadori- Gauthier s'engage dans la création de dispositifs qui œuvrent dans la perspective de changer le monde par l’Art et la poésie. Pour elle, nous pouvons tous danser. La danse est « une transmutation des idées à travers le corps. Il y a la langue intellectuelle et la langue somatique ». En cela, elle cite la phrase de Spinoza qui dit : « on a que les idées de son corps ». Elle dit aussi : « danser la poésie c’est danser pour résister, c’est répondre à la violence du monde par la danse et la poésie ». Ainsi, depuis le 7 janvier 2015, date de l’attentat à Charlie Hebdo, elle a créé le projet de « Une minute de danse par jour » pour agir par une présence sensible dans le monde, pour agir par une poésie en acte en se mettant en jeu et en mouvement, seule ou en relation à d’autres. Ainsi, elle danse chaque jour avec sa sensibilité souvent sans musique juste « avec la vibration du monde » pour ne pas céder à la peur et créer des connexions vivantes aux autres.

Il nous faudra beaucoup d’amour – Danser le Musée, une visite chorégraphique au-delà du réel, tout en émotions et perceptions…

Nadia Vadori-Gauthier est une artiste franco-canadienne, danseuse, chorégraphe, docteure en esthétique, sciences et technologies des arts et chercheuse associée à l'université Paris-VIII. Elle a élaboré une technique de danse qu’elle nomme « Corps sismographe® ». C’est comme si elle captait et retranscrivait les vibrations d’un lieu, de l’instant, des éléments autour en mouvements poétiques. Elle s’inspire des éléments telle une cascade ou une averse ou des mouvements dans une piscine et retransmets la pulsation qui s’en dégage, la pulsation du monde en mouvements du corps, en vibrations corporelles. Elle se sert « du bruit du monde » comme une fréquence sonore pour le retranscrire en un moment de poésie à partager… Le partage est un élément essentiel dans sa démarche. Ainsi, en 2008, elle créait l’association « le prix de l'essence », association qui porte des projets chorégraphiques, poétiques et audiovisuels en lien avec les autres et la Terre dont elle est la chorégraphe.

En 2009, elle créait avec 12 performeurs/ danseurs et danseuses, « Le Corps collectif » dont le projet est de porter des processus de recherche-création en questionnent les frontières entre l'art et la vie, le visible et l'invisible, le mouvant et la forme en relation aux publics et aux environnements naturels et urbains avec une forte imprégnation écologique.

Le 14 janvier 2015 est le premier jour de la performance « Une minute de danse par jour » qui continue encore et dont la 3000 éme sera fêtée à Chaillot le 25 mars 2023 sous la forme d’un Solo interactif à partir de dates données par le public et le 1er avril ce sera un partage avec des chorégraphes invité.e.s.
Deux rendez-vous donc à ne pas manquer parce Nadia Vadori Gauthier est une artiste multi facette avec une démarche très personnelle qui met en œuvre des énergies et des synergies qui bousculent nos sens et nos croyances. Forcément incontournable.

Distribution :

Chorégraphe !: Nadia Vadori-Gauthier
Danseuses : Margaux Amoros et Anna Carraud
Danseur : Liam Warren
Administrateur de production : Jean-Baptiste Clément

 

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