Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Arts-chipels.fr

La leçon – un plus un égal trois, la danse ajoute et démultiplie le côté loufoque et acerbe de ce texte - belle surprise assurément.

La leçon – un plus un égal trois, la danse ajoute et démultiplie le côté loufoque et acerbe de ce texte - belle surprise assurément.

La leçon est une adaptation dansée et théâtrale de la pièce d’Eugène Ionesco. La Leçon met en scène trois personnages : le professeur, l'élève et Marie, la bonne. Une élève se rend pour un cours particulier chez un professeur afin de préparer un examen compliqué. Les différentes disciplines sont abordées de façon de plus en plus absurde jusqu’à ce que cela dérape complètement. Il faut souligner les prestations des trois personnages principaux joués et dansés par Julien Derouault dans le rôle du professeur, Manon Chapuis dans celui de l'élève, et Solène Messina-Ernaux dans le rôle de la bonne car non seulement ils délivrent le texte mais en plus ils le dansent.

La chorégraphie conjointe de Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault accentue remarquablement le côté absurde de la pièce. La danse, en donnant corps à l’absurdité des situations, renforce le burlesque et intensifie le côté abstrait des scènes. C’est un mélange singulier, où l’inventivité de la chorégraphie s’allie au génie de Ionesco pour nous réjouir et nous amuser, même si parfois le côté grinçant prend le dessus, parce que l’on rit comme dans toutes les pièces de Ionesco parfois jaune c’est vrai. Les deux chorégraphes ont gardé cette posture si chère à Ionesco de dire des vérités importantes en faisant rire au détriment de ces interprètes.

Eugène Ionesco que l’on ne présente pas, est considéré, avec l'Irlandais Samuel Beckett, comme le père du théâtre de l'absurde. Il refusait d’ailleurs cette catégorisation de théâtre de l’Absurde, en expliquant : « Je préfère à l’expression absurde celle d’insolite. ». Il voyait dans ce dernier terme un caractère d’effroi et d’émerveillement face à l’étrangeté du monde, alors que l’absurde serait synonyme de non-sens, d’incompréhension. Il disait de son théâtre qu’il était insolite et non absurde. En allant à ce spectacle j’avoue que j’avais un petit doute mais après seulement quelques minutes j’étais complètement conquise.

La leçon – un plus un égal trois, la danse ajoute et démultiplie le côté loufoque et acerbe de ce texte - belle surprise assurément.

La résonnance entre la voix et le corps, qui crée la justesse de la prestation.

Jouer et danser ensemble est très compliqué. Cela nécessite un travail sur la respiration, sur le positionnement et également sur la parole pour bien la doser. Et ce travail est parfaitement réussi. Les interprètes jouent et dansent avec une fluidité impressionnante avec en plus cette touche corporelle poussée au maximum que donne la danse. IL y a parfois un jeu sur l’ambiguïté des mots associés aux mouvements qui est la signature de ces deux chorégraphes qui ont créé le Théâtre du corps il y a 20 ans.  La danse est fondamentalement un mélange du conscient et de l’inconscient et le corps a cette faculté incroyable de rendre les mots compréhensibles. Le corps est l’inconscient. Ainsi le corps dansé amène un mot, un mouvement, une émotion. La manipulation passe par les mots. Le corps, lui, ne triche pas contrairement à la parole. Et jouer sur cette ambiguïté est tout le sel de ce spectacle.

Ionesco, lui - même voulait du déplacement, il voulait que cela bouge. Il avait déjà une dimension d’espace de mouvement et de rythme et les deux chorégraphes ont exploité magnifiquement la musicalité du texte.

Pour le Théâtre du corps la leçon est la troisième pièce de Ionesco qu’ils montent. Elle a été créée il y a 3 ans maintenant et les danseurs la maitrisent parfaitement.

La leçon – un plus un égal trois, la danse ajoute et démultiplie le côté loufoque et acerbe de ce texte - belle surprise assurément.

La violence de la pièce dénonce les rapports de domination et de manipulation.

Comme toutes les pièces de Ionesco il y a une dénonciation de la solitude de l'humain et de l'insignifiance de son existence face à l’absurdité du dogmatisme et des violences des idéologies politiques. L’humain, balancé, broyé par la domination de l’organisation de la société, est comme une marionnette, manipulée et utilisée pour asseoir et consolider le pouvoir de l’organisation sociale. Cette violence est complètement d’actualité à l’heure des réseaux sociaux ou il est de bon ton de s’afficher « comme il faut » sous peine de se retrouver sous les feux d’une violence incroyable. Dans cette pièce, la violence est amenée tout doucement, on sent une dérive légère au début et qui prend peu à peu toute la place.

Un ajout chorégraphique important est la création du chœur des danseurs et danseuses qui accompagnent et encadrent les 3 personnages principaux et donnent du corps à cette dérive progressive.
 

Julien Derouault fait ses études au conservatoire du Mans, puis au conservatoire national de région d’Angers. Il intègre le Ballet national de Marseille et est nommé soliste sous la direction de Marie-Claude Pietragalla. Il interprète les plus grands rôles du répertoire de la compagnie et travaille avec William Forsythe, Rui Horta, Claude Brumachon, Richard Wherlock, Rudi Van Dantzig, Carolyn Carlson… Il signe ses premières chorégraphies avec la chorégraphe Marie-Claude Pietragalla: SakountalaNi Dieu Ni MaîtreIvresseFleurs d’AutomneDon Quichotte. En 2004, il fonde la compagnie le Théâtre du Corps avec Marie Claude Pietragalla basée en région parisienne à Alfortville. Il mène un travail spécifique sur le danseur comédien et sur une technique de respiration pour maîtriser le verbe dansé. Son travail met l’accent sur la correspondance du langage et du corps en mouvement.

Il ouvre avec Marie-Claude Pietragalla un Centre de Formation pour Apprentis en 2021, qui s’adresse aux jeunes danseurs et danseuses et qui délivre une formation d’excellence artistique sur 2 ans. En 2022, il est nommé par la ville d’Alfortville directeur artistique du théâtre du POC.

Marie-Claude Pietragalla, danseuse étoile de l’Opéra de Paris, chorégraphe et co-fondatrice du Théâtre du corps. Son travail se distingue par sa capacité à fusionner la technique classique, qu’elle maîtrise parfaitement grâce à sa formation à l’Opéra de Paris, avec une expressivité brute et contemporaine. Pour elle, le mouvement n’est pas seulement une question de beauté ou de virtuosité, mais un langage à part entière, capable de raconter des histoires, de transmettre des sentiments complexes et de questionner la condition humaine. Parmi ses œuvres les plus marquantes qu’elle co-signe avec Julien Derouault, on peut citer Sakountala, Mr et Mme Rêve, Conditions Humaines une réflexion sur l’histoire et les luttes sociales, ou encore La Femme qui danse, Marco Polo présenté aux jeux Olympiques de Pékin, Lorenzaccio ou Giselle(s) ballet féministe qui puise son récit sur les violences faites aux femmes.

Avec le Théâtre du Corps, elle continue de repousser les limites de la danse contemporaine, prouvant que le corps, lorsqu’il est habité par une intention profonde, peut devenir le plus éloquent des narrateurs. Son travail est une célébration de la vie, une exploration sans fin de ce que signifie être humain, à travers l’art du mouvement. 

Ce spectacle pour moi est une très belle surprise, une redécouverte de Ionesco transcendée par la chorégraphie intelligente et pertinente de Marie-Claude Pietragalla et de Julien Derouault.

Distribution

De Eugène Ionesco
Metteur en scène et Chorégraphe Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault
Avec les danseurs et danseuses : Manon Chapuis, Solène Messina Ernaux, Lola Derouault, Salomé Champagne, Laure Boisson, Margot Bouchet, Faustine Caron, Dorian Rollin, Nina Lorand Sagory, Romain Oviève, Théo De Bock, Gabin Lanterne, Titouan Fourvel.
Scénographie Christophe Rendu
Vidéo Christophe Rendu
Lumières Alexis David
Costumes Marie-Claude Pietragalla
Régie générale Alexis David

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article