Médecine générale. Dans le huis clos des mal-être.

Ces arrêts sur images sur trois personnages en quête d’eux-mêmes, qui forment une trinité comme un embryon de société composent un spectacle peu convaincant en dépit d’une mise en scène intéressante.

Trois personnages décident de s’isoler du monde pour se retrouver eux-mêmes, donner un sens à leur vie, se remettre en selle. Ils investissent une maison presque laissée à l’abandon. Chacun d’entre eux vient avec ce qui l’a façonné et la douleur de vivre qui le marque pour reprendre à zéro le cours de sa vie et se réinscrire dans un territoire vierge. 

À l’escargot sa coquille, au personnage son passé

Le hasard les a mis en présence. Le premier est écrivain et son nom, Closure, porte en lui la fermeture au monde qu’il appelle de ses vœux après le décès de son frère dont il doit faire son deuil. Il rencontre Mathilde, une anthropologue, de retour après des années de terrain, en décalage par rapport à la société dans laquelle elle doit reprendre sa place. On trouvera enfin Pierre, un personnage à la Kaspar Hauser, un musicien égaré et mutique, un enfant trouvé ou presque dont le passé est une page blanche. Sur la proposition de Closure, ils vont associer, dans un endroit loin des hommes, leurs trois solitudes pour tenter, ensemble, de reconstruire un monde.

Une errance dans une suspension du temps

Dans le huis clos de cette demeure isolée, chacun vogue dans sa dérive : Pierre dans la musique qu’il interprète, assis à son piano, Closure dans son obsession d’écrivain acharné à fabriquer des personnages dans laquelle il voudra entraîner, pour les inclure, ses compagnons de route, Mathilde dans ses incertitudes sur sa place dans le monde et son inadaptation à la société. Des réflexions nées de cette Trinité qui évoque celle du Père, du Fils et du Saint-Esprit à une révision des concepts freudiens sur la conscience, le préconscient et l’inconscient, sur le Moi et le Sur-Moi, on vogue à l’aventure d’une exploration que la conception du lieu scénique découpe en plans qui se superposent tels les tableaux d’une exposition et s’étagent dans l’espace comme une série de boîtes dans lesquelles sont enfermés les personnages.

Auteur et personnages au bord de la crise de nerfs

Bientôt des relations de pouvoir s’installent entre eux. Closure, peu à peu, organise leurs vies et leurs comportements. Il les place dans les boîtes qu’il a prévues pour eux. D’un triangle équilatéral dont chaque sommet s’équivaut, il tire une construction pyramidale dont il devient le sommet, manipulant chacun comme sa marionnette, reconstituant une hiérarchie sociale, jusqu’à ce que la situation explose. Ils sont trois faces d’une définition de l’être et leur coexistence ne peut être que conflictuelle.

Laurent Poitrenaux, en deus ex machina – la pièce entière n’est-elle pas en fait la projection de l’écrivain Cadiot qui se dissimule derrière Closure ? – a beau mettre tout son talent, qui est grand, au service de ce débat très abstrait sur le sens de ce que nous sommes et sur les voies que prend l’existence, les traits d’humour désabusé ont beau émailler le spectacle, on peine à s’accrocher à ce regard sur soi dans un miroir que propose la pièce. On est tenté de dire « So what ? » La faute à Voltaire, à Rousseau ou à Olivier Cadiot ?

Médecine générale
S Texte Olivier Cadiot S Conception et mise en scène Ludovic Lagarde S Scénographie Antoine Vasseur S Lumières Sébastien Michaud S Costumes Marie La Rocca S Conception sonore et musicale Alvise Sinivia S Conception vidéo Jérome Tuncer S Son David Bichindaritz, Jérome Tuncer S Collaboration à la dramaturgie Pauline Labib-Lamour S Assistante à la mise en scène Élodie Bremaud S Avec Valérie Dashwood, Laurent Poitrenaux, Alvise Sinivia S Production Compagnie Seconde nature S Coproduction MC93-Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis – Théâtre national de Bretagne, Rennes – Théâtre de Lorient, CDN S Avec le soutien de Théâtre Ouvert, centre national des dramaturgies contemporaines à Paris – La Muse en Circuit, centre national de création musicale à Alfortville S La Compagnie Seconde nature est conventionnée par le ministère de la Culture/DRAC Île-de-France S Le roman Médecine générale d’Olivier Cadiot est publié aux éditions P.O.L. S La maison Fursac apporte son soutien à la création de Médecine générale S Durée 1h40

Du 28 avril au 13 mai 2025, 20h/ dim. 11 mai 15h
Théâtre de la Ville-Les Abbesses - 31, rue des Abbesses - Paris 18^e
www.theatredelaville-paris.com  Tél 01 42 74 22 77