28 Mars 2025
Le Dr Izzeldin Abuelaish, Palestinien vivant à Gaza et travaillant en Israël, s’est exilé au Canada après avoir perdu une partie de sa famille, tuée par l’armée israélienne. Il livre dans ce film le récit de sa vie familiale en même temps qu’un message de réconciliation et de paix.
Le Dr Izzeldin Abuelaish est un militant de la paix de longue date. Nominé cinq fois pour le Prix Nobel de la Paix, professeur de médecine et obstétricien, il donne naissance, de par le métier qu’il exerce, à des bébés, met au jour de nouveaux êtres humains. Raison de plus pour sauvegarder ces vies, car toutes sont précieuses, dit-il. Premier médecin palestinien à exercer en Israël, c’est chaque jour qu’il franchissait la frontière pour venir exercer en territoire israélien jusqu’à ce jour de 2009 où un tir d’obus israélien frappe sa maison à Gaza, tuant trois de ses filles et l’une de ses nièces et motive son choix de partir pour préserver sa famille. Aujourd’hui, après l’attaque israélienne du 7 octobre 2025, ce sont vingt-deux membres de sa famille qui auront disparu, fauchés par la guerre.
Un portrait quotidien
L’approche que choisit Tal Barda, une documentariste franco-américaine née et élevée à Jérusalem dans une famille pacifiste, est celle de nous faire partager, à travers la personnalité du Dr Izzeldin Abuelaish, la vie d’un Palestinien « du commun » confronté à une guerre à laquelle il ne veut pas prendre part, comme c’est le cas pour la majorité de la population palestinienne aujourd’hui. Une population prise en étau dans un conflit dont elle n’a que faire mais qu’elle subit, et qui engendre, à mesure que les familles sont frappées, une haine dont il faudrait qu’elle prenne fin pour que la paix soit enfin possible.
Une évocation très humaine
À travers l’itinéraire de cet homme, frappé dans sa chair, elle nous raconte une histoire très humaine. Celle d’un enfant élevé dans des camps de réfugiés qui, à force de volonté d’en sortir, devient médecin pour soigner les maux d’une humanité en souffrance, physique comme morale. Non pas une abstraction réduite à sa fonction sociale, mais l’aventure d’un homme à la fois comme les autres et pas tout à fait, qui se marie, élève une nombreuse famille, cherche à protéger ses proches en même temps qu’il se préoccupe des autres.
Il raconte son combat pacifiste de tous les jours tandis que le film le présente, franchissant la frontière pour se rendre au travail. Le film montre aussi un homme détruit, terrassé par la douleur lorsque les obus, « ciblés » sur les terroristes – telle est la version officielle de l’armée israélienne –, tuent ses propres filles. Une douleur sans filtre doublée d’une incompréhension absolue, révélée en direct par la télévision israélienne, en contact avec lui lorsque se produisent les événements. On découvre à l’occasion que les Israéliens, contrairement à ce que les médias occidentaux pourraient laisser penser, ne parlent pas d’une seule voix, celle de Netanyahu, et que des oppositions pacifistes existent en Israël.
L’exil suivra, au Canada, à Toronto, et Izzeldin Abuelaish comme ses enfants abordent cet arrachement qui leur vaut de débarquer dans un pays inconnu, avec un mode de vie complètement étranger, une langue qu’il faut apprendre pour se trouver une place dans la société, nouer des relations, vivre au quotidien et s’arranger, autant qu’il est possible de le faire, de l’écartèlement lié aux différences de culture entre l’endroit d’où l’on vient et celui où l'on réside.
La croisade d’un militant
Au-delà de son aventure personnelle, c’est l’affirmation d’une croyance profonde dans l’espèce humaine et dans le triomphe du droit qui anime le Professeur Izzeldin Abuelaish. À la suite du meurtre de ses enfants, celui-ci a voulu que soit reconnue la « faute » commise par l’armée israélienne en s’attaquant délibérément à des civils dépourvus de la moindre velléité belliqueuse. Il a donc intenté un procès au gouvernement israélien, pour que triomphe le droit. Il l’a perdu deux fois, après appel, mais continue son combat pour que naisse une justice objective et non manipulée par le pouvoir.
Il mène aussi d’autres combats. Il fait de l’éducation un terrain prioritaire d’action, parce que comprendre est un moyen d’échapper aux réactions immédiates, viscérales et de parvenir à la paix. La démarche qui fut la sienne, il veut la partager. Et il double cette préoccupation d’une intention particulière à l’égard des femmes, souvent maintenues sous le boisseau dans cet Orient qu’il connaît bien. Il est à l’origine de la création au Canada d’une organisation caritative en mémoire de ses filles, Daughters for Life, qui offre aux jeunes femmes la possibilité de poursuivre des études supérieures afin de devenir des actrices du changement.
L’émotion saisit le spectateur devant le parcours de cet homme profondément marqué par l’injustice et, dans sa chair, par les « désordres » de la guerre, qui passe outre ses souffrances personnelles pour affirmer haut et fort qu’il continue de croire que la paix est possible, que Palestiniens et Israéliens trouveront un terrain d’entente et que l’égalité en droit des hommes règnera. La présence, autour de lui, de femmes et d’hommes venus de tous bords conforte l’espoir qu’un jour, peut-être, une humanité nouvelle pourrait voir le jour. Dans une époque aussi noire que la nôtre, la foi d’Izzeldin Abuelaish résonne comme une bénédiction. Puisse-t-elle être prophétique…
Un médecin pour la paix - Canada-France | 2024 | 92 minutes | Image 1,85 | Son 5
Sortie en salles le 23 avril 2025
S Réalisation Tal Barda S Scénario documentaire Tal Barda, Geoff Klein, Saskia De Boer S Témoignages de Professeur, Docteur Izzeldin Abuelaish, Atta Abuelaish, Rezik Abuelaish, Yousra Abuelaish, Shatha Abuelaish, Dalal Abuelaish, Mohammed Abuelaish, Abdallah Abuelaish, Raffa Abuelaish, Schlomi Eldar, Michael Sfard, Marek Glazerman, Hussein Abu Hussein, Christiane Christiane Amanpour S Photographie Hanna Abu Asaad S Montage Geoff Klein S Son Martin Cadieux-Rouillard S Storyboard & animation Jean-Christophe Lie S Effets visuels John Tate S Musique originale Robert Marcel-Lepage S Producteurs Paul Cadieux et Maryse Rouillard pour Filmoption, Canada Isabelle Gripon pour Mandala Films, France S Producteurs exécutifs Maya Cadieux-Rouillard et Martin Cadieux-Rouillard S Distribution France Destiny Film S Ventes Internationales Filmoption S Le livre Je ne haïrai point est publié chez Robert Laffont (aussi en version poche J’ai lu) S Sélection officielle Section "Films à impact" - Fipadoc Biarritz 2025 S Prix du public – Festival Movies That Matter - La Haye S Prix Cinema For Peace 2025 – Berlin