Comment peut-on fleurir dans un désert de sel ? Leçon de résilience, inventivité et créativité - bellissima !

Une estrade en fond de scène avec des instruments de musique principalement guitares et claviers est le seul élément de décor visible et cette estrade s’avancera vers le milieu du plateau en fin de spectacle. Les interprètes arrivent les uns, unes après les autres et s’assoient sur le bord de cette estrade. Personnages colorés, habillés avec des couches de vêtements qu’ils et elles enlèveront au fur et à mesure du spectacle.

La lumière de la salle s’éteint et ils et elles s’avancent en tendant chacun une corde.  Le mur de scène s’illumine alors et s’avère être un immense écran qui répercutera, réinterprétera, je dirais même réinventera le spectacle à chaque instant. Il faut le souligner cette performance en live vidéo par Eric Perroys est une partie importante de la mise en scène, comme s’il nous donnait à voir l’envers des choses ou tout au moins une autre vision de la réalité.

Robyn Orlin, comme toujours, nous parle de son pays l’Afrique du Sud, avec une critique politique et sociale sans compromission. C’est, comme toujours, coloré, exubérant, drôle mais aussi cruel, désobligeant et parfois choquant mais toujours inventif et ludique. Elle a l’art et la manière de décrire la pauvreté, les violences et la misères avec une énergie positive et festive qui transcende son propos. Avec cette résilience intrinsèque à cette chorégraphe le spectacle nous emporte dans un tourbillon graphique et musical réellement réjouissant. Ce spectacle a été créé avec la troupe Garage Dance Ensemble, basé à Okiep dans la province du Cap-Nord et nous parle plus précisément de cette province et de ces problèmes. Cette région du Cap-Nord a non seulement été délestée de ses richesses minières par les colons hollandais, mais elle a aussi été traversée par des violences sexistes et un puissant mouvement de négation de ses cultures et identités et ce depuis le 17ème siècle ce qui a bien sûr entrainé violences et misères. Robyn Orlin ne cache rien de ces problèmes bien au contraire elle en parle très précisément. La danse permet ce transfert, elle donne la possibilité d’aborder des sujets délicats avec une approche émotionnelle différente. Robyn Orlin l’utilise depuis le début de sa carrière et sait en user sans modération. La danse est son moyen d’expression, son langage qu’elle maitrise magnifiquement et qui lui permet d’aborder tous ces sujets même les plus cruels et les plus politiques pour en faire un spectacle réjouissant et sensible. L’énergie positive qui s’en dégage est transmise au public comme à chaque fois par une interaction simple et ludique. Robyn Orlyn parle de sa posture de chorégraphe avec ces mots : « Refuser de figer les choses, mettre du mouvement et donc de la contradiction, voilà très exactement ma fonction d'artiste. »

 

Pour créer ce spectacle Robyn Orlin s’est associé à la compagnie Garage Dance Ensemble, mais aussi aux musiciens du groupe uKhoiKhoi. Il faut aussi souligner la prestation musicale en live avec les deux interprètes Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman. Ainsi ce spectacle tient pour une bonne part de la performance live tant pour la vidéo que la musique et la danse. C’est cet aspect qui insuffle cette énergie incroyable à toutes ses chorégraphies.

Robyn Orlin est née en 1955 à Johannesburg. Elle explore dès l’enfance les différentes pratiques et cultures chorégraphiques très riches et diverses de son pays mais aussi du monde contemporain. Ainsi, elle s’intéresse autant aux danses zouloues qu’à Merce Cunningham, au hip-hop qu’au ballet classique.  Formée à la London School of Contemporary Dance (1975-1980), puis à l’école de l’Art Institute of Chicago (1990-1995), Robyn Orlin commence sa carrière de danseuse, chorégraphe et pédagogue en Afrique du Sud, avec toujours en toile de fond un engagement actif contre l’Apartheid, engagement qui ressort systématiquement dans ces créations. Son style est inqualifiable mais parfaitement reconnaissable. Il se dégage de ces créations un mélange de joie et d’énergie positive et une cruauté implacable sur la critique qu’elle nous donne de notre monde contemporain. C’est toujours politique, toujours incisif et toujours incroyablement exubérant.

Elle a reçu en 2000 le Prix Jan-Fabre de l'œuvre la plus subversive aux « Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis », et en 2009 elle est nommée Chevalier de l'Ordre national du Mérite par l’ambassadeur de France à Johannesbourg.

Chaque spectacle de Robyn Orlin nous raconte l’Afrique du Sud dans sa diversité et sa richesse. Elle nous parle de l’histoire de son pays sans occulter les blessures de la colonisation qui sont toujours non cicatrisées.  Avec son langage spécifique fait d’humour, d’humanité mais aussi de cruauté elle nous offre comme toujours un spectacle chamarré, incisif, sans compromission et ludique. Percutant et festif, à ne pas rater !

Distribution & crédits

Conception, réalisation : Robyn Orlin avec Garage Dance Ensemble et uKhoiKhoi
Musique originale  interprétée par  uKhoiKhoi avec Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman
Costumes : Birgit Neppl
Directeur technique : Thabo Pule
Conception lumière : Vito Walter
Vidéo : Eric Perroys

Avec : 5 danseurs de la compagnie Garage Dance Ensemble
Byron Klassen, Faroll Coetzee, Crystal Finck, Esmé Marthinus, Georgia Julies

Administration, diffusion : Damien Valette
Production de tournée et logistique : Camille Aumont
Production : City Theater & Dance Group et Damien ValeVe Prod 
Garage Dance Ensemble / Fondateur : Alfred Hinkel / Directeur des créations : John Linden / Chorégraphe résident : Byron Klassen / Production : NicoleVe Moses 
Coproduction : City Theater & Dance Group, Festival Montpellier Danse 2024, Festival de Marseille, Chaillot - Théâtre national de la Danse, Théâtre Garonne-Scène européenne.
Avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d'Ile de France et de Dance Reflections by Van Cleef & Arpel