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Arts-chipels.fr

Cookie. Plongée sans filet dans l’underground américain.

Photo © Léa Comelli

Photo © Léa Comelli

Le spectacle explore, à travers la figure emblématique de Cookie Mueller, une artiste et écrivaine typique de la contre-culture américaine, les figures contrastées et hautes en couleur des décennies 1970 et 1980 aux États-Unis.

Elle est déjà sur scène, invitant le public à prendre place, plaisantant avec lui. Proche, complice. L’histoire qu’elle va nous conter avec son compère musicien et acteur est une histoire vraie, celle d’une jeune femme morte à quarante ans, icône des années 1970 pour les films underground résolument trash de John Waters dont elle fut l’égérie dans cette décennie. Une jeune femme passée sans transition « du sein maternel à l’amour libre » qui traverse son temps et raconte ses aventures, ses rencontres, ses difficultés, ses dérives dans un ouvrage publié de manière posthume, Traversée en eaux claires dans une piscine peinte en noir.

Photo © Léa Comelli

Photo © Léa Comelli

Un certain visage de l’Amérique

À travers son histoire se dessine celle de la contre-culture américaine de ces décennies-là, une période mouvementée et haute en couleurs. Retraçant le parcours de Cookie, de son enfance à sa mort, la pièce traduit et explore les errances de la génération X qui a 20 ans dans les années 1970, celle des post baby-boomers qui naissent à la conscience dans les remous qui surviennent durant les années 1960 et en digèrent les répercussions. Quand jeunesse rime avec révolte, quand les hippies envahissent les rues alors que l’Amérique est engagée dans la guerre du Vietnam. La drogue, c’est la voie royale de la protestation de cette génération qui refuse de se plier aux injonctions de l’Amérique bien-pensante. Ces années sont celles de la fraternité, du joint qu’on se passe, de la marijuana ou du haschich, mais à des drogues plus dures, aux pilules de LSD ou à la cocaïne, entre autres, pour aller au bout des nuits électriques et rester plusieurs jours sans sommeil ou presque. Suivra ce que d’aucuns, dans la société bien-pensante, considéreront comme une punition divine : le sida, que la réutilisation des seringues de drogues infectées et la pratique de l’amour libre, sans préservatif, répand comme une épidémie, décimant toute une partie de la jeunesse.

Cookie. Plongée sans filet dans l’underground américain.

Dorothy Karen Mueller dite Cookie

C’est ce paysage que dépeint Cookie Mueller à travers l’évocation biographique qu’elle mène. Celle d’une jeune fille qui quitte ses parents et Baltimore en 1967 – elle a tout juste dix-huit ans – pour rejoindre San Francisco où, au Golden Gate Park près de Haight-Ashbury, poésies échangées, musiques partagées et happenings attirent toute une jeunesse hippie en mal de nouvelles valeurs. Celle d’une errante entre Baltimore, Provincetown et New York, qui tombe enceinte d’un danseur et garde l’enfant qu’elle entraîne dans le maelström qui lui tient lieu de vie quotidienne. Elle raconte une vie d’expédients, de serveuse de bar, de gogo danseuse, d’actrice fétiche du transgressif John Waters, rendue célèbre par sa relation sexuelle avec un poulet dans Pink Flamengos – elle tournera, entre 1971 et 1977, quatre films avec le réalisateur qui, devenu son ami, veillera à ce qu’elle emmène son fils Max à l’école. Elle évoque sa vie à East Village, son amitié avec Nan Goldin, son statut de « diva de l’underground », ses relations avec Jena-Michel Basquiat, Keith Haring, Jim Morrison, Jimi Hendrix ou Patti Smith, son voisinage avec Janis Joplin, puis son mariage avec le créateur de bijoux Vittorio Scarpati et la descente aux enfers que représente le sida, qui les tuera, l’un après l’autre, en 1989.

Photo © Léa Comelli

Photo © Léa Comelli

Un spectacle à la croisée des arts

Éléonore Arnaud, épatante, se dépense sans compter dans cette évocation d’une femme qui cherche désespérément à embrasser le monde en même temps qu’elle le noie dans la drogue. Victime consentante d’un antisystème qu’elle choisit par révolte, elle est multiple, à transformations variables selon le personnage qu’elle endosse pour trouver du travail ou face à ses amis. Extravertie, danseuse, chanteuse, enfoncée dans ses erreurs avec autant d’enthousiasme que dans ses réussites, vamp en robe à paillettes ou femme en blouson de jeans, elle est accompagnée par un acteur-musicien qui joue tous les rôles. Mère, patron, amis, il est dans tous les registres de personnages, traduction du regard de Cookie face à son entourage, avec le décalage qui s’impose puisque c’est à travers ses yeux qu’ils apparaissent. Musicien, l’alter ego de la comédienne nous replonge dans un univers musical rock, heurté, celui des road trips et des voyages au bout de la nuit. Des Rolling Stones aux Doors, la musique nous introduit dans ce monde où la lune « a tourné rouge sang » et où s’exprime « la parole cabossée des laissés pour compte ». Un Cookie qui, au-delà de son goût acidulé et riche, laisse aussi dans la bouche des saveurs amères…

Photo © Léa Comelli

Photo © Léa Comelli

Cookie de Cookie Mueller

S Mise en scène Justine Heynemann S Avec Éléonore Arnaud et Valérian Béhar-Bonnet ou James Borniche S Régie Yves Thuillier S Durée 1h20

Théâtre de la Huchette – 23, rue de la Huchette, 75005 Paris

Rés. 01 43 26 38 99 www.theatre-huchette.com

À partir du 8 décembre 2023, du mardi au samedi à 21h

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