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Arts-chipels.fr

Moi aussi je suis Barbara. Quinze ans après, le temps passe, les familles restent…

Moi aussi je suis Barbara. Quinze ans après, le temps passe, les familles restent…

Dans son goût des parcours iconiques, Pierre Notte récidive. Après Catherine Deneuve, c’est au tour de Barbara de se voir ériger en modèle dans ce réjouissant règlement de comptes familial, aussi tendre et drôle qu’il est cruel.

En 2005, Moi aussi je suis Catherine Deneuve, Molière du meilleur spectacle de l’année, promenait sa folie grinçante sur les routes du monde. Avant, il y avait un roman, publié en 1993, dont la chanson-titre évoquait une femme qui avait cessé de chanter et mourait à petit feu de cela avant de renaître à nouveau par la chanson. En arrière-plan, il y avait Barbara à qui Pierre Notte envoie le roman. Elle lui répond. Une émotion partagée, un souvenir omniprésent qui ressurgit quinze ans après lorsque Pauline Chagne propose à l’auteur de substituer Barbara à Catherine Deneuve. Une proposition acceptée par Pierre Notte sous réserve qu’elle en fasse un autre projet, une nouvelle comédie des dévastations familiales contemporaines.

© Thibaut Darnat

© Thibaut Darnat

Familles dysfonctionnelles, communications interrompues

Génération formica. Une femme dans sa cuisine. Elle est mère mais rien ne va plus. Son mari a disparu, elle élève seule ses enfants, deux filles qui sont encore à la maison et un garçon qui en est parti. Le fils, il n’aligne pas trois mots de suite. Il s’est enfermé dans le mutisme. L’une des filles, Marie, se scarifie avec obstination, sans relâche. Mais la seconde, Geneviève, entre en révolte ouverte. Elle refuse de se glisser dans le rôle qu’on lui assigne, de participer aux tâches quotidiennes, elle va même jusqu’à contester son appartenance à cette médiocrité qu’elle vomit en se choisissant un autre nom. Elle sera Barbara, pantalon noir qui deviendra bientôt patte d’éph’, long gilet de la même teinte. Car les choix de la mère, elle ne les supporte plus. Son égoïsme, ses couleurs layette, son poulet aux pruneaux, ses îles flottantes, elle n’en peut plus. Face au triple rejet de ses enfants, la mère, elle, se raccroche à ses fourneaux. Elle a perdu les mots, les mélange, les balance inachevés dans des phrases qui restent en suspens dans un vain espoir de communication. En pure perte…

© Thibaut Darnat

© Thibaut Darnat

Barbara, en arrière et en premier plan

D’une admiration sans borne pour Barbara, la chanteuse qui incarne pour elle la liberté d’être, Geneviève passe peu à peu à l’identification. Son timbre s’affermit et se précise lorsqu’elle chante, elle trouve les nuances de cette voix de tête et de gorge qui caractérise la chanteuse. Elle lui emprunte son langage choisi, sa manière de mettre le monde en images, sa poétique. Elle se glisse dans les tenues de la dame en noir. Elle fait corps avec ce que la chanteuse symbolise. Pauline Chagne en épouse les mimiques, en restitue la diction si particulière, sa manière de percher certains mots, de découper les phrases. De l’Aigle noir à Ma plus belle histoire d’amour en passant par Chapeau bas, dans l'adaptation inspirée de Clément Walker-Viry, au piano sur scène, le spectateur retrouve celle qui l’a enchanté, même dans ses petites manies, ses caprices de star, ses engouements et ses faiblesses. Il navigue entre le présent de la représentation et un passé qui lui est cher.

© Thibaut Darnat

© Thibaut Darnat

Un petit souffle d’espoir dans un monde sans perspective ?

Mais la pièce n’est pas que le récit d’un enfer ordinaire et du rêve d’un ailleurs imaginaire. Les chansons de Pierre Notte répondent à celles de Barbara et la tendresse affleure. Dans ce tableau d’un naufrage familial pratiqué par des clowns tristes dans le paysage désolé du ratage de leur vie, on éprouve de la tendresse pour ces paumés qui ne parviennent pas à mettre en accord leurs aspirations et leur vie. On aimerait que subsiste une lueur au fond du corridor. C’est ce qu’imagine Pierre Notte. Au bout du bout, lorsque la mère a raté son dernier gâteau et que le revolver et le couteau de cuisine ont remplacé dans la « discussion » familiale les réflexions acerbes et introduit leur gradation dans la violence, la mère et ses trois enfants sont à nouveau réunis, pour un nouveau départ, peut-être, ou une fin mitigée à défaut d’être heureuse. Dans l’aller-retour permanent entre la dévastation relationnelle et le rire aigre-doux qu’elle suscite, il y a, au-delà de l’acte d’amour mêlé d’admiration pour Barbara qui irrigue la pièce, place pour des embellies. Parce que nous sommes au théâtre, et que « Viva la commedia ! »

© Thibaut Darnat

© Thibaut Darnat

Moi aussi je suis Barbara de Pierre Notte et Pauline Chagne

S Chansons et verbatims de Barbara et Pierre Notte S Mise en scène Jean-Charles Mouveaux assisté d’Esther Ebbo S Avec Jimmy Brégy, Pauline Chagne, Flore Lefebvre des Noëttes en alternance avec Chantal Trichet, Marie Nègre, Clément Walker-Viry S Lumières Pascal Noël S Scénographie Jean-Charles Mouveaux S Adaptation musicale Clément Walker-Viry S Costumes Bérengère Roland S Directeur technique Thomas Jacquemart S Production LEDN-L’Équipe de nuit - Bernard Serf, Jean-Charles Mouveaux S Soutiens ADAMI / SPEDIDAM / FONPEPS, Espace Saint-Exupéry, Franconville, Théâtre Traversière, Paris / Espace Sorano – Vincennes S Remerciements Anne Terrail S Durée 1h15 S À partir de 14 ans S Théâtre musical

Du 16 décembre 2022 au 2 avril 2023, du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 15h

Studio Hébertot – 78 bis, boulevard des Batignolles, 75017 Paris

Rés. 01 42 9 13 04 www.studiohebertot.com

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