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Letter to a Friend in Gaza. Amos Gitai, électron « libre ».

Letter to a Friend in Gaza. Amos Gitai, électron « libre ».

Amos Gitai s’est toujours situé en marge des courants normatifs de la judéité, poursuivant une recherche cinématographique mais aussi théâtrale tant formelle que politique et sociétale délibérément hors des voies tracées du conformisme. Il est pour la saison 2019-2020 l’artiste ambassadeur du Théâtre de la Ville.

Le Théâtre de la Ville présente une version scénique de Letter to a Friend in Gaza, créée en mai 2019 au festival de Spoleto (États-Unis). Cette œuvre multimédia, qui mêle musique, film, vidéo et théâtre, prolonge le documentaire éponyme de 34 minutes réalisé par Amos Gitaï en 2018. À saute-mouton entre passé et présent, elle offre une méditation en images, illustrée de nombreux textes littéraires, sur le sort actuel de deux millions de Palestiniens emprisonnés à Gaza. De la conquête romaine de Jérusalem en 70 de notre ère et des fragments de textes de Flavius Josèphe, l’historiographe de la présence romaine en Judée au ier siècle, jusqu’à l’époque contemporaine, en passant par le plateau du Golan en 1973 où se déroule un combat de chars, Amos Gitaï convoque l'accumulation séculaire des conflits en Palestine pour éclairer le présent. Il nous rappelle que nous devons tirer des leçons de l’histoire pour que les mêmes attitudes de refus de l’autre, le même système imbécile d’oppressions mutuelles ne se reproduisent plus.

Une leçon d’humanité et un appel au dialogue

Amos Gitaï, fils d’un architecte du Bauhaus et d’une spécialiste non religieuse des textes bibliques, appartient à la génération des sabra, nés dans le pays après la création de l’État d’Israël. Il dénonce dans ce spectacle, comme il n’a cessé de le faire, la politique inique qui interdit aujourd’hui la paix. « Peut-être qu’un jour viendra, dit-il, où de jeunes Israéliens – pas un ou deux, mais une génération entière – demanderont à leurs parents : comment avez-vous pu ? » Le dernier texte du spectacle donne le ton. Tiré des Lettres à un ami allemand d’Albert Camus, écrites en 1944, il invite à imaginer ce que pourrait être l’amitié entre les deux peuples. Par-delà le temps, il symbolise la nécessaire compréhension mutuelle que devraient avoir les hommes les uns vis-à-vis des autres.

Tirer les leçons de l’histoire

Les juifs, qui ont survécu dans une diaspora souvent hostile, sont aujourd’hui confrontés au sort d’une autre minorité qui, elle aussi, déplacée, arrachée à sa terre, cherche à préserver sa mémoire collective et sa survie. Est-il nécessaire que les juifs se comportent comme on s’est comporté avec eux, qu’ils reconduisent ce dont ils ont souffert ? Comme lors d’une conférence pour la paix, d’un seder ou d’un dîner en famille, les quatre comédiens présents sur scène lisent dans leurs langues respectives, en arabe et en hébreu, des textes littéraires et des articles de presse appelant à une écoute et un respect mutuels.

« Quand tu prépares ton petit-déjeuner, pense aux autres. (N'oublie pas le grain aux colombes.) 
Quand tu mènes tes guerres, pense aux autres. (N'oublie pas ceux qui réclament la paix.) 
[…] Quand tu te libères par la métonymie, pense aux autres. (Qui ont perdu le droit à la parole.) 
Quand tu penses aux autres lointains, pense à toi. (Dis-toi : 
Que ne suis-je une bougie dans le noir ?) »

En cette période de durcissement des relations et de tensions entre Israéliens et Palestiniens, où des murs de béton sont érigés pour isoler l’État hébreu du monde arabe, le créateur dont le film House fut interdit en Israël nous invite, avec les moyens du théâtre et des arts, à repenser le politique dans le sens du dialogue et non de l’exclusion. Plus largement, en ces temps de montée des extrémismes de tout poil, il nous convie à une réflexion salutaire sur la place de l’Autre, du différent, dans notre société et nous incite à repenser notre manière de considérer le monde…

Une saison avec Amos Gitaï

Théâtre de la Ville, Espace Cardin – 1, avenue Gabriel – 75008 Paris

Du 4 au 30 septembre 2019

Tél : 01 42 74 22 77. Site : theatredelaville-paris.com

Du 4 au 30 septembre 2019 : exposition de photographies d’Amos Gitaï

Les 4, 5, 6 septembre à 20h, le 7 à 15h : Letter to a Friend in Gaza, textes lus en hébreu et en arabe, surtitrés en français (le 4, spectacle suivi d’une discussion avec l’auteur et d’un concert)

Le 7 septembre : Une journée avec Amos Gitaï. À 14h, une table ronde ; à 15h, Letter to a Friend in Gaza ; à 16h, rencontre avec les jeunes qui participent au projet 18-XXI ; à 17h30, projection de Berlin-Jérusalem ; à 21h30, discussion avec le public suivi d’un concert avec les musiciens du spectacle.

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