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Arts-chipels.fr

Bollywood Boulevard. Les tribulations d’une jeune femme en mal de se trouver.

Phot. © Yves Poey

Phot. © Yves Poey

Dans cette évocation rafraîchissante des difficultés à se définir, Pauline Caupenne, dans une seule-en-scène, apporte sa petite pierre humoristique et décalée.

Côté jardin, un autel domestique porte des images de divinités hindoues, assortis des colifichets associés au culte de ces divinités. Les cordons en pompons violemment colorés en fond de scène évoquent le passage dans l'une de ces contrées asiatiques où les croyances s'assortimentssent d'une explosion de la couleur. Nous voici partis en Inde, sur les traces d'une jeune fille qui ne sait plus qui elle est, et surtout où elle va. Une difficulté existentielle qu'elle expose à ses parents en leur annonçant qu'elle quitte Paris, la fac, la famille pour partir à la recherche d'elle-même, en Inde. Ce qui provoque, naturellement, de la part de la mère une vision tsunamiste et de la part du père une simili-indifférence. Mais c'est décidé, et rien ne peut la faire revenir sur sa décision. Elle quitte ce monde où elle ne trouve pas sa place en quête d'un ailleurs où elle devrait se sentir mieux.

Phot. © Yves Poey

Phot. © Yves Poey

Une Inde insolite

On pourrait croire qu’elle va échouer dans un ashram où thé et méditation sont les ingrédients de la reconquête de soi, avec un petit joint, peut-être, sur le bord de la lippe. Mais il n’en est rien. Débarquée sans un sou en poche, elle a besoin de trouver un job. Le hasard fait bien les choses. Elle rencontre une femme qui devient son agente et la voici qui fait carrière dans la publicité. Pas vraiment de quoi se constituer une identité à vanter des marques de bière...

Jusqu’au jour où un casting providentiel la transforme en vedette du cinéma télogou – elle ne parle pas la langue mais qu’importe, elle sera doublée – un cinéma baptisé Tollywood, un double de Bollywood version Sud de l’Inde, dans une langue parlée dans les États d’Andra Pradesh et du Telangana. Mêmes films à l’eau sucrée, mêmes durées interminables, mêmes flots de chanson et de danse. Elle évoque ses apprentissages sur le mode burlesque, se livre à des ébauches de danse où le Bharata natyam et autre Kathakali se mélangent aux saveurs occidentales et où le mouvement très signifiant des mains et les décrochements du cou viennent se marier avec les formes du grand spectacle.

Phot. © Yves Poey

Phot. © Yves Poey

Une spiritualité tempérée

C’est dans un curieux mélange de mise à distance et de spiritualité qu’elle aborde le monde indien. Car si elle ne renonce pas à des conditions d’existence bien ancrées dans la réalité, elle ne se contente pas de fuir. Ce qu’elle recherche c’est un accomplissement, et celui-ci passe par le repositionnement de l’humain au sein du monde – « Sans toi, dit-elle, citant une maxime bouddhiste, le monde serait incomplet ».

C’est ainsi que le spectacle s’émaille, au milieu du caractère assez farcesque avec lequel la comédienne-autrice décrit son quotidien en incarnant tour à tour les personnages hauts en couleur qui l’entourent, de moments de méditation et de spiritualité qui viennent tempérer la trivialité de sa vie professionnelle de femme-objet. Mais dans ce pays où la religiosité n’est guère éloignée de la superstition, chercher à connaître l’avenir est aussi un must auquel elle sacrifiera de manière cocasse dans son désir de savoir comment orienter sa vie.

Phot. © Yves Poey

Phot. © Yves Poey

La société indienne, sans illusion

Pauline Caupenne porte sur son environnement indien une vision du dehors, d'étrangère, en même temps qu'elle participe, d'une certaine manière, même à son corps défendant, au système. Elle décrit avec un humour critique ces vies humaines qu'on respecte moins que les vaches qu'on croise dans les rues, le mépris inacceptable qui s'attache aux intouchables et la mise à l'écart des hijras, humains d'une « troisième nature », hommes devenus femmes et travestis, qui peuvent être homosexuels.le.s et prostitué.es À la fois craints et révérés, ils vivent généralement en communauté, pour faire face au rejet.

Femme, elle évoque avec humour les interdits qui s'attachent aux films indiens en ce qui concernent les femmes et la manière dont elles sont traitées et mises en scène. E lle porte également un regard caustique sur le sort réservé aux femmes et sur l'absence de droits qui en fait, malgré l'égalité des sexes proclamée par les institutions, les victimes d'une misogynie encore meurtrière.

En faisant ce spectacle, ses visées sont multiples. Sur le plan personnel, se produire dans un seul-en-scène lui offre l'occasion d'affirmer son désir d'être actrice, elle qui se envoie « comme Charlie Chaplin dans le corps d'une bimbo ». Quant à son récit, il s'adresse à tous les paumés de la vie, à tous ceux qui hésitent, tergiversent, ne croient plus à rien, se demandent ce qu'ils viennent faire sur terre, sont comme des truies qui doutent et se cherchent, pour les aider à se trouver et à s'accepter.

Et pour ceux qui ne s'inscriraient dans aucune de ces catégories, il reste un spectacle divertissant au bon sens du mot, bien mené, plein d'allant, de drôlerie et de vie, qu'on partage avec plaisir.

Bollywood Boulevard de Pauline Caupenne
S Mise en scène Grégoire Leprince-Ringuet S Avec Pauline Caupenne S Chorégraphie Georgia Ives S Son / musique Elsa Daynac S Production Compagnie Eteria S Soutiens Adami et le PO (Pitray Olier)S Durée 1h10

Du 9 octobre au 11 décembre 2025 les jeudis à 21h
Théâtre La Flèche - 77 rue de Charonne, 75011 Paris Rés. info@theatrelafleche.fr 01 40 09 70 40

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