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Arts-chipels.fr

Lettres non-écrites. Parle pour nous, toi que tu sais parler…

David Geselson. Phot. © Simon Gosselin

David Geselson. Phot. © Simon Gosselin

Depuis 2016, David Geselson et ses complices, auteurs, autrices, musiciennes et musiciens réinventent la pratique de l’écrivain public.  Au théâtre…

« Si vous avez un jour voulu écrire une lettre à quelqu’un sans jamais le faire, parce que vous n’avez pas osé, pas su, pas pu, ou pas réussi à aller jusqu’au bout, déclare David Geselson, racontez-la-moi et je l’écris pour vous. Si elle vous convient et que vous acceptez, j’en ferai peut-être quelque chose au théâtre, étant entendu que toutes les lettres seront rendues anonymes. » Ainsi naît un projet aussi simple – du moins en apparence – que touchant.

Un processus de création aussi pérenne qu’éphémère et mouvant

Sur la scène, des moyens limités, qui varieront selon les représentations. Des conteurs et/ou conteuses, des musiciennes et/ou musiciens, parfois des dessinatrices ou des dessinateurs. Depuis 2016 et les premières Lettres non-écrites, la formule a varié en fonction des rencontres et des artistes qui ont accepté de se prêter au jeu.

Derrière eux, des autrices et des auteurs qui se mettront, le matin de la représentation, à la disposition de celles et ceux qui voudraient écrire une lettre sans être passés à l’acte. Ces porte-crayon auront pour tâche de mettre en forme le récit que leur visiteuse ou leur visiteur aimerait écrire et envoyer. Cette démarche nous ramène très loin en arrière, au temps où lire et écrire n’étaient que l’apanage de quelques-uns, et où de petites gens qui ne savaient que mettre une croix en guise de signature chargeaient un écrivain appointé pour cela de séduire pour eux leur belle ou de régler leurs comptes en utilisant les bons mots, ceux qui font mouche.

Après un après-midi consacré à la mise en forme et aux répétitions, une partie des « lettres » engrangées le matin viendront se mêler à d’autres, déjà « non-écrites », pour constituer un corpus d’une dizaine de lettres à partir duquel le spectacle se bâtit. Et le soir, la représentation, en tout cas aux Bouffes du Nord pour ce cycle, intègre des musiciennes et/ou des musiciens, déjà présents l’après-midi, invités à improviser des compositions de leur cru durant le spectacle, aussi bien entre les lettres qu’en les accompagnant pour en renforcer l’impact.

Une formule qui fait des petits puisque des projets semblables sont envisagés dans les deux ans à venir au Québec, à Taïwan, au Venezuela et au Chili et que le corpus des Lettres non-écrites devrait s’enrichir de ces lettres venues d’ailleurs. Une manière d'affirmer, pour David Geselson, l’initiateur du projet, que les théâtres « peuvent accueillir ça aussi, la possibilité de venir parler, se faire écrire quelque chose, et construire une forme de communauté des mots invisibles, à travers le monde ; une communauté de maux, aussi… »

Petit florilège d’une représentation au Théâtre des Bouffes du Nord

En fond, un mur de lettres soigneusement assemblées offrent au regard un grand panneau, composé par les paroles accumulées au fil des représentations. Des lampions, disposés en demi-cercle au sol, complètent le décor. Sur la scène deux auteurs-acteurs à leur table – David Geselson et Elios Noël –, une violoncelliste – Myrtille Hetzel, aussi à la base, avec Jérémie Arcache, du projet – et, ce soir-là, le pianiste et trompettiste Aristide Gonçalvez. Une formation où se trouveront mêlés réminiscences classiques, accents de jazz, lointaines références latino-américaines et improvisations rythmées dans lesquelles le violoncelle assurera les percussions. Au centre une petite imprimante débite au kilomètre les textes mis en forme dans l’après-midi.

En homme de spectacle parfaitement rôdé, David Geselson commence fort. La première lettre ouvre la séance avec éclat. « Mais tu m’emmerdes ! » nous met d’emblée dans le grand bain, celui où on se dit je t’aime sans vouloir s’engager en se balançant des vacheries pour tous les allers-retours manqués et les hésitations en dansant d’un pied sur l’autre.

Lui succèderont ces lettres, parfois à des défunts, où l’on dit « tout ce que je voudrais te dire mais que je n’ai pas su te dire », où on règle ses comptes d’une enfance foutue, passée par la maltraitance, le viol et la drogue, où on espère un rendez-vous parce qu’on se fréquente sur Tinder sans s’être jamais vu. Lettres à un copain d’école qui est parti, déclaration d’amour qu’on espère partagé ou en forme de Chanson des vieux amants de Jacques Brel, règlements de comptes familiaux pour des non-dits accumulés ou lettre à Steven Spielberg ou n’importe qui en mesure de lire un manuscrit forcément génial, ce sont des vies qui défilent au fil de ce déroulé qui témoigne sur tous les tons et dans tous les styles d’une détresse incommensurable.

La musique s’insinue avec délicatesse dans ces tranches de vie « brutes » que garantit l’anonymat. Et si, pour un romancier ou un auteur de théâtre, on peut trouver dans ces correspondances à sens unique matière à fiction, l’accent de vérité qui émane de ces produits « fabriqués » traverse l’artificiel pour atteindre à un « vrai » qui nous émeut et nous touche. Dans leurs imperfections mêmes réside la clé de leur authenticité.

Myrtille Hetzel, Elios Noël, David Geselson. Phot. © DR

Myrtille Hetzel, Elios Noël, David Geselson. Phot. © DR

Lettres non-écrites
S Conception et écriture David Geselson S Musicien.nes Jérémie Arcache, Myrtille Hetzel, Sébastien Forrester, Camille Delvecchio, Aristide Gonçalvez (en alternance)S Scénographie Lisa Navarro S Éclairagiste Anne Vaglio S Régie générale Sylvain Tardy S Régie lumière Paul Brunat S Direction de production, diffusion Noura Sairour S Administration des productions et des tournées Laëtitia Fabaron S Avec Servane Ducorps, David Geselson, Elios Noël (en alternance)S Production Compagnie Lieux-DitsS Coréalisation Centre International de Créations Théâtrales / Théâtre des Bouffes du NordS La compagnie Lieux-Dits est conventionnée par le ministère de la Culture - DRAC Ile de-France et par le département du Val-de-Marne au titre de l'aide au développementS Le texte des Lettres non-écrites est publié aux éditions Le TripodeS David Geselson a reçu le prix Révélation du Premier roman 2022 par la Société des Gens de LettresS Le texte Lettres non-écrites est lauréat du dispositif CONTXTO d'Artcena et est traduit en espagnol (Chili) par Millaray LobosS Durée 1h

Du 25 septembre 2025 au 27 septembre 2025 à 19h
Du jeudi 19 au samedi 21 mars 2026 à 20h
Les mardi 13 et mercredi 13 mai 2026 à 20h
Théâtre des Bouffes du Nord - 37 bis, bd de la Chapelle, 75010 Paris

www.bouffesdunord.com

D'autres auteurs ont été sollicités au fil du temps pour les Lettres  : Samuel Gallet, Julie Ménard, Jérémie Scheidler, Alice Zeniter, Baptiste Amann. Tous s'inscrivent dans le propos de la compagnie Lieux-dits qui privilégient la recherche des processus de création théâtrale dans le domaine de l'écriture contemporaine en faisant dialoguer documentaire et fiction mais aussi auteur et acteurs, théâtre et réflexions politiques, philosophiques ou poétiques : une « fabrique de théâtre ».

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