5 Juin 2025
On entre dans la salle pile au commencement du spectacle. Deux batteries à un rythme d’enfer nous accueillent. On s’installe comme on peut tout autour de la scène. Les interprètes arpentent l’espace dans tous les sens au début et ensuite plutôt le long d’une diagonale, un peu comme un défilé de mode extravagant, complétement loufoque. Les interprètes courent, dansent, parlent, chantent, sautent, tous et toutes ensembles et séparément. Chacun et chacune suit sa partition qui se croisent parfois, qui interagissent des fois et qui s’entremêlent souvent. Ainsi, Scène III est une suite ininterrompue de mouvements, saynètes qui se déroulent sans aucun fil narratif. Des Soli, duos, quatuors, portés, sauts, gestes furtifs, tournoiements, corps de ballet, pas esquissés, parade, interventions vocales s’enchaînent sans hiérarchie comme dans une cacophonie visuelle et sonore mais au final s’intègrent dans une chorégraphie d’ensemble. Quelques mouvements à l’unisson servent de virgule, comme une respiration. Etonnamment, on retrouve des séquences de mouvements qui ponctuent le spectacle et lui donnent une « architecture » et dans ce chaos déstructuré en apparence, une ligne oblique, une ossature apparaît clairement.
Dès le début, on est prise par cette énergie incroyable qui nous aspire et nous entraine dans ce flot ininterrompu, ce malstrom. D’abord le rythme donné par les deux batteries et la guitare implacable, irrésistible. Et il faut souligner les prestations des musiciennes et du musicien. Deux batteries jouées par Salomon Asaro Baneck et Alexandra Bellon qui impriment au spectacle un rythme déchainé et la guitariste, percussionniste Simone Aubert qui joue sur sa guitare électrique comme sur un clavier et qui du coup produit un son incroyable. Ce rythme scande le flot visuel des interventions, que ce soit trapèze, barre, chorégraphies foisonnantes auxquelles on assiste. On ne peut tout voir, on suit un ou une interprète un moment puis un ou une autre et encore et encore. La particularité du spectacle lorsque l’on est assis « sur la scène » c’est que l’on voit les choses par le petit bout de la lorgnette comme on dit. Aucune vue d’ensemble et ce cheminement par petit bout est surprenant. La deuxième partie de spectacle chacun reprend sa place, les spectateurs dans les gradins et les interprètes sur scène. Mais cette vision exploratoire du spectacle fait aussi partie de celui-ci.
Marie-Caroline Hominal a travaillé avec La Ribot et on devine cette influence mais l’énergie du spectacle m’a surtout fait penser à Boris Charmatz avec ce lâcher prise maitrisé, cette profusion de propositions chorégraphiques différentes en parallèle sans vrai fil narratif et cette énergie vitale omniprésente.
Ce spectacle fait partie d’une suite
En 2015, elle commence un triptyque de pièces en collaboration avec des artistes, le protocole de collaboration établi est l’objet du travail autant que la forme : Hominal / Öhrn (2018) avec Markus Öhrn, Hominal / Xaba (2019) avec Nelisiwe Xaba et Hominal / Hominal (2023) avec David Hominal. Entre 2014 et 2020, elle crée 5 pièces qui explorent l’imaginaire de la fête, la dynamique de l’entertainment et des artifices théâtraux. Numero 0 / Scène III est donc le troisième volet. Il parle de cinéma. Pour Marie Caroline Hominal c’est l’histoire d’un studio de cinéma ou plutôt d’un rêve de studio de cinéma. Un style onirique comme un rêve dansé ou une danse rêvée ?
Marie-Caroline Hominal vit et travaille à Genève. Elle étudie la danse à la TanzAkademie ZHDK à Zürich puis à la Rambert School of Ballet and Contemporary Dance à Londres où elle intègre pour une année la National Youth Dance Company.
Elle danse pour Irène Tassembedo, le Ballet au Theater Basel, Gisèle Vienne, Gilles Jobin, La Ribot, Marco Berrettini. Sa recherche personnelle s’amorce en 2002 autour d’un travail vidéo, puis s’oriente plus décisivement vers la chorégraphie à partir de 2008 avec
le solo Fly Girl.
Marie-Caroline Hominal a reçu le prix de « danseuse exceptionnelle » de l’Office fédéral de la culture en 2019. Elle continue de parfaire sa pratique tous les jours avec en parallèle un travail créatif avec ses danseurs et danseuses. Pour son nouveau spectacle Numéro 0 / Scène III, elle mêle les arts plastiques et différents univers artistiques, avec des pratiques plus performatives.
Ce spectacle « décoiffe » tant par son rythme que par l’énergie vitale qui en découle. C’est par ce « phénomène » que le festival June Events ouvre sa saison 2025 et quelle ouverture !
Le festival June Events du 2 au 20 juin 2025 en est à sa 19eme édition à la Cartoucherie et nous propose comme chaque année une programmation éclectique autour de la danse et des recherches associées avec une question fondamentale Que peut la danse aujourd’hui dans ce chaos du monde.
Pour plus d’informations : atelierdeparis.org
Distribution
Direction artistique, conception et chorégraphie : Marie-Caroline Hominal
Performance, danse : Jade Albasini, Alexandre Bibia, Natan Bouzy, Beatriz Coelho, Marcus Diallo, Anaïs Glérant, Marie-Caroline Hominal, Lola Kervroëdan, Akané Nussbaum, David Zagari
Musique, performance : Salomon Asaro Baneck, Simone Aubert, Alexandra Bellon,
Lumière : Victor Roy
Espace et costume : Anonymous
Assistante – répétitrice : Lia Beuchat
Direction technique : Julien Malfilatre
Administration, production, diffusion : MadMoiselle MCH association / Emilie Marron, Gonzague Bochud, Astrid Toledo
Photos ©️Gregory Batardon .