15 Juin 2025
Joanna Gallard a fait des poules ses compagnes de spectacle depuis près de dix ans. Dans ce nouvel opus, elle instaure avec elles un dialogue plein d’humour et de poésie qu’elle fait partager au public.
Petits et grands sont rassemblés devant une drôle de cabane inspirée du Château ambulant de Miyazaki, un édifice de bois brut qui pourrait tout aussi bien être une roulotte si les roues n’étaient pas simplement posées de part et d’autre. Une cabane à malices puisque sortiront de trappes, tiroirs et escaliers secrets une équipe de gallinacées, dont on féminisera l’appellation, malgré l’usage, parce qu’il s’agit de poules. Des drôles de dames dont le nombre – autour d’une dizaine – varie d’une représentation à l’autre car, pondeuses, elles sont dispensées de spectacle lorsqu’elles se préparent à pondre ! Ces actrices pas du tout improvisées, mais pas dociles non plus, en bonnes comédiennes, apprécieront l’hommage qui leur est rendu lorsqu’après chaque tour les applaudissements viendront saluer leur performance.
Un poulailler composite et individualisé
Ce ne sont pas « les poules ». Chacune a son nom et sa personnalité. Saqui, Ariane, Barbara, Garlic, Micro, Moon, Akka, Juline, Jeanne, Loulou et Chinook se succèdent sur scène, d’abord, pour les premières, l’une après l’autre, puis à plusieurs avant d’occuper tout le plateau. Leur diversité est motif d’enchantement. Certaines sont de race ancienne, devenues plus rares aujourd’hui à force de croisements. Elles peuvent avoir les plumes soigneusement lissées ou se présenter toutes ébouriffées, plumes dressées dans tous les sens qui leur font un joli costume façon fourrure. Elles peuvent être ocellées comme un léopard, ou avoir de petits plumetis sur les pattes. Elles sont noires, blanches, dorées ou tachetées. Elles sont individualisées.
Pas folle, la poule…
Elles ont leur personnalité propre, peuvent venir quand on les appelle et se laisser caresser ou choisir de faire autre chose, peuvent être collantes, ou au contraire distantes, se précipiter pour vous picorer les pieds ou vivre leur vie indépendamment de vous. Bref, des êtres vivants au même titre que les humains.
C’est cette intensité de vie et cette manière de se comporter diversifiée qui constituent l’armature du spectacle et montrent que, contrairement aux idées reçues, les poules ne sont pas bêtes. Bien au contraire. Si leur mode de vie est simple, elles ont de la curiosité, de l’affection, de la mémoire, sont capables de détermination et d’audace.
Au-delà du « dressage »
Johanna Gallard, devenue Fourmi, la clown, se fait, dans son projet de mettre au jour la complexité qui se cache sous leur apparence fruste, leur porte-parole. Elle raconte leur histoire d’oiseaux domestiqués qui ont perdu l’habitude de voler et leur rend leur dignité trop souvent raillée en les considérant comme des êtres vivants à part entière.
Artiste de cirque et danseuse sur le fil formée chez Annie Fratellini et Pierre Étaix, passée par le Cirque Bouglione avant de s’engager dans un travail plus personnel et d’aller vers le clown de théâtre, Johanna Gallard partage depuis 2016 la scène avec une équipe de poules dans deux spectacles : l’Envol de la Fourmi et Danse avec les poules. Un compagnonnage qui l’amène aujourd’hui à vouloir prendre la parole en même temps que jouer, avec la collaboration à l’écriture et à la dramaturgie de François Cervantès.
Elle sera le lien entre ces « oiseaux de la terre » et nous, établissant avec les poules une relation faite d’affection et de confiance, au contraire d’un « dressage » sauvage et contraint. Un principe d’éducation qui pourrait être à méditer tout aussi bien pour l’espèce humaine…
Histoires de langages
Le fonds sonore où interviendront les cris de poule les plus divers nous feront comprendre que les poules ont leur langage. Les gallinacés disposent en effet d’une trentaine de cris pour appeler leurs congénères ou prévenir leurs protecteurs de rappliquer dare-dare, donner l’alerte quand un renard ou un autre prédateur est en vue, grogner et gronder quand il s’approche, marquer leur intérêt ou leur curiosité, avertir d’un mal-être ou d’une gêne. Et que dire du son assez puissant qu’elles émettent après avoir pondu ? Elle cocaillent ou crétellent, indiquant au coq que le moment est idéal pour faire de petits poussins. Monsieur ne disposera alors que d’une fenêtre de vingt minutes pour faire son office…
Une leçon philosophique au détour des tours
Mais qu’on ne s’y trompe pas. La réflexion sur notre relation à ces animaux injustement méconnus n’aura rien du discours aride et démonstratif. C’est à travers le jeu que Johanna Gallard instaure avec les poules que se crée cette conscience de la place de l’homme non pas au-dessus mais au milieu du monde vivant. Ces poules qui dansent sur le fil – en l’occurrence des tasseaux de bois – sautent par-dessus la corde lâche disposée sur la scène ou traversent un cerceau, comme un fauve l’exécute traditionnellement au cirque, peuvent aussi décider de ne pas jouer de jeu, refuser de sauter les marches magiquement sorties de la cabane-roulotte ou se mettre à chercher le petit grain égaré à picorer au lieu d’exécuter le tour attendu. À la Fourmi alors, avec son air lunaire et son timide sourire, de prendre en compte les inconnues, les imperfections pour faire rire des « loupés ». Les poules, dit-elle, « font ce qu’elles veulent. »
La profonde humanité qui anime le spectacle, son jeu de boîtes qui s’ouvrent et se ferment, ses éléments qui s’escamotent et fascinent non seulement les enfants mais la part d’enfance qui réside en nous, associés à ses volatiles désobéissants qui expriment un désir d’indépendance et de liberté et les rapprochent de nous, créent un moment délicieux autant que délicat que chacun apprécie en fonction de son âge. Ces « paroles des oiseaux de la terre » nous rappellent que peut-être, nous aussi, sommes de ces oiseaux-là.
Être vivant - Paroles des oiseaux de la terre
S Idée originale et jeu Johanna Gallard S Inspiratrices et partenaires de jeu Saqui, Ariane, Barbara, Garlic, Micro, Moon, Akka, Juline, Jeanne, Loulou et Chinook (poules en alternance) S Aide à la dramaturgie et matériaux d’écriture François Cervantès S Collaborations artistiques Catherine Germain, Emmanuel Dariès S Artiste plasticienne et sculpteur Marieke Atelier TERRA Rêve S Création sonore Jean-Michel Deliers S Création lumière Laurence Boute ou Paul Alphonse S Régie plateau Nathalie Barot S Régie lumière Laurence Boute ou Thomas Barès S Construction décor Laurent Morel et Eric James S Accessoires et décor Garland Newman S Spectacle créé en juin 2023 à l’Agora, Pôle National Cirque de Boulazac (24) S Production Cie Au fil du vent S Coproductions Agora PNAC de Boulazac, Le Prato PNAC de Lille, Agence Culturelle de la Dordogne, Théâtre des Quatre Saisons à Gradignan, Ré Domaine Culturel La Maline, Centre Culturel de Sarlat, Le Forum de Nivillac S Avec l’aide de la Drac Nouvelle Aquitaine, de la Région Nouvelle-Aquitaine, et du Conseil Départemental de la Dordogne Et avec le soutien de l'OARA dans le cadre de « Parcours de résidences en territoires » S Accueils en résidence Agora PNC de Boulazac (24), Théâtre des Quatre Saisons à Gradignan (33), Centre Culturel de Sarlat (24), La Méca - Maison de l'économie créative et de la culture en Nouvelle Aquitaine à Bordeaux (33), Ville de La Couronne (16), Crac - Créateur de rencontres et d'actions culturelles à Saint-Astier (24), La Grainerie - Fabrique des arts du cirque et de l'itinérance à Balma (31), Cercle de Gascogne de Saint-Justin (40), Cercle de Gascogne de Canéjan (33), Ré Domaine culturel La Maline (17), Le Forum à Nivillac (56), APMAC à Saintes (17), Le Lieu – Cie Florence Lavaud à Saint-Paul-de-Serre (24), Friche La Belle de Mai - Cie L’Entreprise à Marseille (13), Ville de Nojals (24) S Soutiens en pré-achats Agora PNC de Boulazac (24), Ville de La Couronne (16), Centre Culturel de Sarlat (24), Crac - Créateur de rencontres et d'actions culturelles à St-Astier (24), La Grainerie Fabrique des arts du cirque et de l'itinérance à Balma (31), Ville du Teich (33), Crabb - Centre de rencontre et d'animation de Biscarrosse et du Born (40), Fédération des Cercles de Gascogne, Ré Domaine culturel La Maline (17), Le Forum à Nivillac (56), Théâtre des Quatre Saisons à Gradignan (33), Le Prato PNC de Lille (59), Association Pas trop Loing de la Seine (77), Ville de La Couronne (16), Communauté de Communes de Mauriac (15) Le spectacle peut bénéficier sur demande d'une aide à la diffusion de l'OARA (Office Artistique de la Région Aquitaine) S Dès 4 ans S Durée 55 mn
Du jeudi 12 au dimanche 29 juin, 14h30 ou 19h selon les dates
Théâtre de l’Épée de Bois - Route du Champ-de-Manœuvre 75012 Paris. Rés. 01 48 08 39 74
TOURNÉE
3 et 4 octobre 2025, espace du Narais, à Saint-Mars la Brière
6 novembre 2025 à Carlux
22 novembre 2025 à Mauriac
14 décembre 2025 à Plougastel
Option 20 décembre 2025 à Uzerche
Option 1 à 2 jours de programmation du 2 au 22 février 2026 dans le cadre du festival Malices au pays à La Flèche