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Arts-chipels.fr

Yalla ! la pierre et le fusil.

Phot. © DR

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De part et d'autre de la frontière, un jeune Palestinien et une soldate du Tsahal se font face, l'un armé d’une pierre l’autre d’un fusil. Sonia Ristic, en deux monologues croisés, met des mots sur ce qu’ils se diraient s’ils pouvaient se parler. La metteuse en scène Déborah Banoun relève le défi de ce duo à flux tendu.

Un temps suspendu

Sonia Ristic écrit Yalla ! en mémoire des douze jeunes Palestiniens et des nombreux blessés tombés sous les balles de Tsahal, le 15 mai 2011, à la frontière israélo-libanaise, lors d’une manifestation pacifique en commémoration de la Nakba, l’exode forcé de la population palestinienne durant la guerre israélo-arabe de 1948. La pièce part de témoignages, recueillis par l’autrice à Beyrouth, peu après ces événements, pendant un atelier d’écriture qu’elle a mené dans les classes des écoles UNRWA, organisme humanitaire des Nations Unies en faveur des réfugiés palestiniens.

Elle met en présence un jeune homme, une pierre à la main et une soldate novice armée d’un fusil. « Yalla !» (« On y va ! », en hébreu comme en arabe), s’encourage chacun en son for intérieur, s’apprêtant l’un à lancer son caillou, l’autre à tirer par ordre de ses supérieurs. L’autrice déroule les pensées qui les traversent dans cet instant suspendu, au milieu de ce no man’s land, sur une terre que chacun revendique. Un moment où tout s’apprête à basculer.

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La part des choses

Une longue table où, de part et d’autre, s’assoient les spectateurs, divise l’espace de jeu. Cette scénographie minimale ramène à l’essentiel du conflit : la frontière.

D’un côté, Pauline Étienne, en uniforme de l’armée, joue une soldate hésitante. Elle tente de se motiver et de légitimer sa présence face à ce tout jeune ennemi, presqu’un enfant. On lui a demandé de défendre cette Terre promise donnée aux Juifs par Dieu, même si elle doute de l’existence de l’Être suprême après l’holocauste...

De l’autre côté de la table, l’adolescent qu’incarne Mohamed Belhadjine est plus sûr de sa cause. Il porte en lui la nostalgie d’une Palestine perdue, celle de son grand-père, pays des figuiers et du miel, et la rage d’un peuple dépossédé.

Au sol, l’un et l’autre foulent une bande de terre, qui crisse sous leurs pas, ce territoire revendiqué de part et d’autre. Les spectateurs, placés au sein de l’aire de jeu, sont pris à partie par les acteurs, comme priés de se positionner en écoutant ce dialogue muet où chaque personnage expose les raisons de sa présence et fait entendre sa propre histoire.

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Un dialogue de sourds

Cet échange de points de vue irréconciliables sur un conflit qui dure depuis soixante-dix-sept ans est d’autant plus déchirant que la guerre atteint aujourd’hui des sommets de violence et de cruauté. Personne ne peut rester indifférent à cette actualité. Mais, derrière ces ennemis, il y a des humains, que Sonia Ristic réussit à individualiser en les dotant d’affects et d’une conscience aiguë des enjeux. Sur scène, les protagonistes finissent par se regarder et s’adresser l’un à l’autre, dans l’espoir secret de fraterniser – ce qui pouvait être encore possible en 2011, époque à laquelle Yalla! fut écrit. Alors, on pouvait toujours rêver. Qu’en est-il aujourd’hui ? Se demandent les spectateurs quand à l’issue du spectacle on leur propose de trinquer à l’amitié ?

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Yalla de Sonia Ristic (éditions Lansman)
S Mise en scène Deborah Banoun S Jeu Pauline Étienne, Mohamed Belhadjine S Scénographie Guillemine Burin des Rosiers S Lumières Pierre Peronnet S Son Guillaume Callier S Production Compagnie Jetz, Romainville.

Au Théâtre La Reine Blanche 2 bis Passage Ruelle - 75018 Paris

Du 4 avril au 20 avril 2025 (horaires variables)

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