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Arts-chipels.fr

Mon âme au diable. Prouve que tu existes !

Phot. © Prune Palatan

Phot. © Prune Palatan

Derrière les menaces d'un corbeau, qui forment le soubassement de la pièce, un récit de solitudes à plusieurs, la difficulté de se sentir vivant et un drame psychologique qui flirte avec le fantastique.

Ils sont trois personnages, plus un bébé, à occuper la scène : une femme et son mari, plus l’amie de celle-ci. Sous les dehors de la « normalité », rien ne va. Madame étouffe dans la douceur sucrée de son intérieur tout en essayant de se convaincre de son bonheur. Monsieur est plein de gentillesse mais plus préoccupé du bien-être de son chien que de son bébé et de sa femme. Quant à l’amie, jalouse de ce « bonheur » auquel elle ne peut prétendre, elle feint de s’éclater dans des dragues d’un soir, au bar, avec un verre. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que la mère, la parfaite maîtresse de maison, reçoive une lettre d’insultes. Qui sera suivie de plusieurs autres. C’est le signal, le déclencheur d’un maelström qui va remettre en cause tous ces – faux – équilibres établis et ne laissera personne indemne. Jusqu’à ce que…

Phot. © Prune Palatan

Phot. © Prune Palatan

Les menaces d'un corbeau, un thème tiré d’une histoire vraie.

C’est en partant de l’histoire d’une petite fille qui, durant des mois, a reçu des lettres de menace, et dont on apprendra qu’elle se les envoyait à elle-même, que l’autrice a eu l’idée de transposer ce thème dans le monde adulte. À travers l’histoire de cette femme, en butte à l’indifférence, qui meurt d'ennui sans vouloir se l'avouer jusqu’à ce qu’elle se sente enfin exister lorsque ces lettres d’insulte d’un corbeau inconnu lui parviennent et qu’elle devienne quelqu’un, se joue un parallèle possible avec le mal-être de milliers de personnes confrontées, comme elle, mais dans la réalité, à l’inattention des autres, et qui cherchent par tous les moyens à sortir du lot, à s’extraire de la banalité, à se faire remarquer. Même et y compris si les moyens pour y parvenir peuvent apparaître pires que le mal.

Phot. © DR

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Un espace qu’on traverse comme une transparence de l’être

Le lieu, c’est une absence. Un tracé de maison défini par un éclairage LED qui en dessine les contours, dans lequel n’ont de réalité qu’une table et des chaises, où seuls subsistent les gestes de mettre la table et de desservir. Un rien qui occupe un espace délimité par un simple tracé lumineux que les personnages franchissent pour quitter la maison sans qu’aucun souci de vraisemblance n’apparaisse. Une abstraction de frontière qui ne protège de rien avec, à son côté, une niche à chien presque plus concrète. Peut-être dans cet espace se joue-t-il en fait non une situation réelle mais ce qui se passe dans la tête de cette femme, malade de son inexistence...

Phot. © DR

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Une banalité insoutenable

Le décor campe un onirisme, cependant démenti par la nature des dialogues. Face à ce lieu conceptuel, les dialogues sonnent comme un démenti naturaliste. D’une banalité affligeante, au plus ras du vécu, ils sont à la mesure de ces situations immobilisées dans un temps sans accident, dépourvues de sens, et les comédiens les énoncent sur le ton vide de l’indifférence, qu’on utilise d’ordinaire pour aligner des phrases sans importance, ouvrant des abîmes dans ce non-sens qui pousse la femme – au nom ironique de Lionne – aux franges d’une folie silencieuse qui finira par exploser au grand jour.

Dans cette déflagration qui ouvre tout à coup la voie au déferlement des peurs, des soupçons – chacun accusant l’autre d’être le corbeau – et des désirs enfouis, se libèrent les frustrations enfouies et on peut espérer une issue heureuse. Mais se libère-t-on de ses fantasmes et d'habitudes si ancrées qu'elles en sont inconscientes ? Force est de constater que les situations peuvent tourner en boucle et le retour à la case départ être au bout du chemin.

Et même si le spectacle n’évite pas, à force de banalités alignées, qu’on lui trouve certaines longueurs, le soin apporté à la création des personnages, à la mise en scène comme au jeu des comédiens mérite qu’on s’arrête pour considérer cette première incursion de Margot Conduzorgues dans le domaine de l’écriture. Son exploration du drame psychologique, au-delà des trois personnages présents sur scène, raconte aussi l’histoire de modèles sociaux devenus trop lourds à porter.

Phot. © DR

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Mon Âme au Diable
S Texte et mise en scène Margaux Conduzorgues S Collaboration artistique Alexandra Branel S Interprètes Juliette Duret (Lionne), Andrea Dolente ou Loïc Armel Colin (Gabriel), Julie Schotsmans (Madeleine, La Flic) S Création lumière Alice Marin S Compositeur Léonard Stefanica S Production Cie Mille Juillet S Coproductions Domaine d’O, Montpellier Méditerranée Métropole ; Sébastien Bonnabel - Les Productions du Libre Acteur Collectif Champ Libre - L’Étoile Bleue, Saint Junien S Résidences de création L’Étoile Bleue / CHAMP LIBRE, fabrique théâtrale conventionnée Saint Junien en juin 2021 ; Théâtre des 13 Vents - Centre Dramatique National Montpellier, en juillet-août 2021 ; Domaine d’O - Montpellier Méditerranée Métropole, en février 2022 S Dates et lieux de création et de tournée Festival CHAMP LIBRE Saint Junien (87) ; Domaine d’O Montpellier (34) ; 3T - Théâtre du 3ème Type Saint-Denis (93) les 3, 4, 11, 13, 18, 20 avril 2025 S Accompagnement en création - Théâtre des 13 Vents - CDN de Montpellier S À partir de 14 ans S Durée 1h20

Spectacle vu au 3 T à Saint-Denis (93) en avril 2025

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