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Arts-chipels.fr

Paysages mouvants. Natures dénaturées.

Richard Pak, Soleil vert, tirage photographique, 2023, de la série L'île naufragée © Richard Pak

Richard Pak, Soleil vert, tirage photographique, 2023, de la série L'île naufragée © Richard Pak

La 2e édition du Festival du Jeu de Paume se consacre cette année au thème des métamorphoses du paysage. Elle accueille quinze artistes photographes qui en explorent les multiples transformations.

Jamais on n’a autant parlé de nature et jamais celle-ci n’a été autant menacée de disparaître. Et ses transformations mêmes nous questionnent. L’exposition imaginée par Jeanne Mercier interroge à la fois les stéréotypes de la nature – la jungle, l’oasis, la forêt, le ciel – que notre manière de les « habiter » – industrialisation, migrations, questions environnementales. 

Chacun des artistes explore à sa manière – et en grand format – ce sentiment d’être au monde et leur démarche, souvent, ne traverse pas seulement la photographie. Nouveaux supports, vidéo, sculptures et objets, installations sonores et visuelles sont de la partie pour évoquer la perte d’un certain paysage et ses substitutions. Pour le spectateur, cette immersion exige de prendre le loisir de regarder et d’entendre, de cheminer lentement au travers des salles, de se donner le temps de la réflexion et de la rêverie.

Certaines des œuvres exposées ont été créées spécialement pour l’exposition. C’est le cas pour la série Racines d’Andrea Olga Mantovani qui regarde le paysage des Carpates au travers de ses souvenirs familiaux comme de sa perception d’une forêt primaire, ou de Tales From The Sources, de Léonard Pongo, une installation spécialement produite pour le Festival.

Julian Charrière, An Invitation to Disappear - Sorong, tirage photographique, 2018 © Julian Charrière © Adagp, Paris, 2025

Julian Charrière, An Invitation to Disappear - Sorong, tirage photographique, 2018 © Julian Charrière © Adagp, Paris, 2025

De feu et de glace

On trouvera en ouverture de l’exposition aussi bien le témoignage de Julian Charrière sur la disparition progressive des pôles, ses images sur des forêts livrées aux flammes par une éruption volcanique, que la relation que ces « colères » de la planète entretiennent avec l’homme au travers d’une lampe faite de lave. Mais il faudra le hasard des conditions atmosphériques pour qu’une pièce de plastique fondu formant sculpture vienne répondre à la transformation, chez Julien Lombardi, d’une vue du désert de Sonora, un site mexicain utilisé pour les simulations de vols spatiaux, en fausse référence photographique à l’espace, avec les découpes caractéristiques aux quatre coins des photographies qu’on recueille dans l’espace.

Léonard Pongo, Tales From The Sources, installation : œuvres textiles et vidéos, 2025 © Léonard Pongo. Avec le soutien du Jeu de Paume et l'aimable contribution de ses bienfaiteurs. © DR pour la photographie

Léonard Pongo, Tales From The Sources, installation : œuvres textiles et vidéos, 2025 © Léonard Pongo. Avec le soutien du Jeu de Paume et l'aimable contribution de ses bienfaiteurs. © DR pour la photographie

Souvenirs de l'éden

Histoire individuelle et histoires collectives sont ici associées. Parce qu’aller à la rencontre du paysage, c’est aussi d’une certaine manière partir à la recherche de soi-même, faire de la perception un outil de mémoire, de reconnaissance et d’investigation.

Léonard Pongo, sensible à la vibration du monde fera de la nature le résonnateur plein de beauté d’un langage mystérieux dans une installation où les superpositions d’images, de calques et de projections dans l’espace forment un environnement dans lequel baigne le spectateur. Eliza Levy cheminera, de son côté, entre réalité et onirisme pour évoquer un monde figé dans une vision éternelle alors que Thomas Truth et Laila Hida, eux, questionneront notre appétence pour l’exotisme. 

Quant à Mónica de Miranda, elle peuplera à travers la vidéo l’éden naturel de la forêt de personnages qui s’y immergent, comme cette femme qui se baigne dans l’eau, ou s’en distinguent comme d’une verrue, d’une excroissance incongrue quand il s’agit d’un homme qui y assoit son pouvoir, indifférent à ce qui l’entoure.

Julien Lombardi, Planeta, installation : photographies et sculpture, 2025 (détail) © Julien Lombardi

Julien Lombardi, Planeta, installation : photographies et sculpture, 2025 (détail) © Julien Lombardi

Entre ciel et terre

Yo-Yo Gontier nous baladera dans les nuages avec une installation, elle aussi imaginée pour l’exposition, le Nuage qui parlait, issue de l’expérience menée avec près de deux cents participants : la construction, à Saint-Denis, d’une structure volante sur laquelle chacun était invité à broder ses rêves et ses pensées comme un symbole d’émancipation.

Le dialogue entre la terre et le ciel, l’infiniment petit et l’infiniment grand de l’espace alimentera la réflexion de Julien Lombardi tout comme celle entre la nature et la science présente dans ces disques aux reflets métalliques, faisant référence au lithium, matériaux par excellence de la modernité, sur lesquels s’inscrivent la trace des constellations, ou dans la luminescence d’un cactus éclairé en lumière ultra-violette.

Les pollutions humaines auront leur part. Richard Pak nous fera pénétrer dans son interprétation photographique, altérée chimiquement, de l’île micronésienne de Nauru, complètement défigurée par l’exploitation de phosphate, où les vestiges de la société industrielle achèvent de rouiller dans un paysage dévasté par la pollution.

Prune Phi, .cóm, image 3D, 2025 © Prune Phi © Adagp, Paris, 2025. Une coproduction de la Fondation d'entreprise Martell. Avec le soutien du Jeu de Paume et l'aimable contribution de ses bienfaiteurs.

Prune Phi, .cóm, image 3D, 2025 © Prune Phi © Adagp, Paris, 2025. Une coproduction de la Fondation d'entreprise Martell. Avec le soutien du Jeu de Paume et l'aimable contribution de ses bienfaiteurs.

Migrations

Prune Phi, elle, abordera le riz dans toutes ses dimensions, historiques, sociales, politiques, thérapeutiques, mystiques et intimes et dans tous ses états, des rizières d’Indochine jusqu’à l’assiette, chez ses grands-parents émigrés en France, en mixant archives et nouvelles images. Lié lui aussi au thème de la migration, le projet s’avèrera, d’une certaine manière, plus politique chez Mathieu Pernot, photographiant les traces laissées par les migrants de Calais, capturant les états du ciel à différents moments du parcours migratoire de Muhammad Ali Sammuneh, astronome syrien en exil ou s’intéressant aux migrations d’espèces botaniques.

Les quelques informations développées ici laissent dans l’ombre de nombreux sujets de réflexion, des photographes et des bonheurs d’images. Le plaisir de la visite devrait n’en être que plus grand…

Mónica De Miranda, Path to the Stars, installation vidéo, lumière, lettres métalliques, 2022 © Mónica De Miranda

Mónica De Miranda, Path to the Stars, installation vidéo, lumière, lettres métalliques, 2022 © Mónica De Miranda

Festival du Jeu de Paume, 2e édition : Paysages mouvants
S Commissaire Jeanne Mercier S Artistes participants Mounir Ayache, Julian Charrière, Edgar Clijne & Helen Gallagher, Yo-Yo Gonthier, Laila Hida, Eliza Levy, Julien Lombardi, Andrea Olga Mantovani, Mónica de Miranda, Richard Pak, Mathieu Pernot, Prune Phi, Léonard Pongo, Thomas Struth S Directrice artistique Loo Hui Phang S Scénographie Atelier 1-1 S Graphisme Studio Plastac S Avec le soutien de la
Fondation Louis Roederer S Les Bienfaiteurs du Jeu de Paume ont contribué à la production des œuvres de ce festival S Aides Centre Wallonie – Bruxelles/Paris, Ambassade du Royaume des Pays-Bas en France, Mondriaan Fonds des Pays-Bas, Pro Helvetia – Fondation suisse pour la culture, Fondation Calouste Gulbenkian – Délégation en France S Médias associés Le Monde, Télérama, Mouvement, Paris Première S En partenariat avec Insert S Remerciements à Société des Hôtels Littéraires, Kawasaki RoboticsGmBH pour l’œuvre de l’artiste Mounir Ayache et Fondation d’entreprise Martell pour l’œuvre de Prune Phi.

Du 07 février au 23 mars 2025
Jeu de Paume Paris - 1 place de la Concorde, 75008 Paris
https://jeudepaume.org

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