Losing it - danser la guerre pour sublimer sa peur, danser sa peur pour éloigner la mort.

Un élastique vert de funambule coupe en diagonal la scène vide et complètement noire. Et puis soudain Samaa Wakim apparaît en équilibre près d’une extrémité de cet élastique. L’espace se remplit petit à petit par des sons différents, des bruit du quotidien, les sons d’une musique festive. On est à la fête, on imagine un mariage où une fête familiale. Et puis tout à coup les sons et les bruits changent. On entend comme des pétarades, des klaxons, des explosions bref la fête est finie. La violence, la peur et la mort envahissent la scène juste avec les sons et les bruits. Cette abstraction nous permet de supporter la violence du propos. Non que Samaa Wakim et Samar Haddad King soient dans l’excès mais pour nous occidentaux nous n’entendons ces bruits qu’au cinéma. Alors qu’elles nous racontent leur enfance. Samaa a vécu à Haifa. Et Samar Haddad King a commencé à collecter des sons dès l'âge de neuf ans. Ainsi elle utilise ces enregistrements pour enrichir ses performances, comme dans Losing it, où des sons de la vie quotidienne en Palestine se mêlent à des éléments sonores live. C’est un dialogue entre musique live et voix, créant une expérience immersive, sur laquelle Samaa Wakim danse.
Samaa Wakim et Samar Haddad King nous donnent à voir et à entendre ce que c’est que vivre dans un pays en guerre, ce que c’est que la tragédie de vivre la guerre dans son quotidien, de grandir avec la guerre.

Un propos qui fait appel à notre humanité profonde.

Comment danser la guerre, comment danser la peur de mourir et au final comment danser la mort. Samaa Wakim et Samar Haddad King ont une approche incroyablement délicate et subtile tout en émotions et petites touches. Samaa Wakim danse tout en sobriété, en équilibre, sans jamais de pathos. J’ai été fascinée par les mouvements de ses doigts. Elle danse aussi avec chacun de ses doigts peut-être parce que le corps est immobilisé par la peur, par la guerre. Elles travaillent ensemble depuis 2014. Samar Haddad King a une compagnie basée entre la Palestine et New York pour laquelle Samaa Wakim avait passé une audition en Palestine en 2014.

L’élastique vert, unique accessoire, sert de frontière, de fil de narration. Samaa Wakim se jette sur lui, elle danse avec lui et pour finir le traverse comme une funambule. Pour Samaa Wakim il symbolise la vibration du son, le déséquilibre et le sol instable sur lequel nous marchons. Elle en parle en décrivant le sol de la Palestine comme littéralement et métaphoriquement instable. Et pour Samaa Wakim c’est l’un des principaux thèmes de la pièce, essayer de trouver un équilibre dans un lieu où cela n’est pas possible. Cette pièce a été créée en 2021, l’actualité depuis a rendu ces propos tellement percutant.

Samaa Wakim est une chorégraphe, actrice, danseuse et performeuse palestinienne, diplômée en théâtre de l’Université de Haïfa. Elle a participé à de nombreux projets chorégraphiques en Palestine et en Europe, notamment en Belgique, en Angleterre, en Allemagne et en France. Elle a également été danseuse dans le spectacle Milk de Bashar Murkus lors du festival d'Avignon en 2022. Son travail est souvent décrit comme radical et nécessaire, surtout dans le contexte actuel des violences en Palestine.

Samar Haddad King est une artiste palestinienne polyvalente, à la fois musicienne, compositrice, danseuse et chorégraphe. Elle est également la fondatrice du Yaa Samar! Dance Theatre, une compagnie créée en 2005 à New York, visant à soutenir les artistes palestiniens et arabes. En 2010, elle s'installe en Palestine où elle développe une seconde antenne de sa compagnie, dédiée à l'accompagnement des artistes locaux et à la formation de jeunes danseurs.

Losing it est une expression qui signifie perdre la raison, devenir fou. Mais le titre originel, en arabe, est selon les artistes tout simplement le juron le plus commun de l’humanité, un grand M… Et donc une façon d’exprimer autant de fureur et de désespoir que d’autodérision.

Ainsi, cette danse performance met en lumière la résilience des Palestiniens face à l'occupation, en intégrant des thèmes sur la mémoire, le traumatisme et l'espoir. C’est aussi et surtout une façon de résister à travers la danse et la musique et de continuer à exister par la culture.

Ce spectacle est présenté dans le cadre du Festival Faits d’hiver

Distribution

Avec Samaa Wakim et Samar Haddad King

Cocréation Samaa Wakim et Samar Haddad King

Chorégraphie, performance Samaa Wakim

Musique, instrument Samar Haddad King