5 Février 2025
Une boîte à jouer ludique, deux comédiennes, une fête de famille qui tourne à la catastrophe. Le burlesque tragique de Rasmus Linberg est mené à toute vapeur par François Rancillac
Un auteur qui et qu’on monte
Rasmus Lindberg s’inscrit parmi les auteurs de théâtre qui comptent dans le paysage suédois avec des pièces drôles et grinçantes, souvent adressées à la jeunesse. En France, il s’est fait connaître grâce aux traductions de Marianne Ségol-Sarnoy, publiées aux éditions Espace 34 : Plus vite que la lumière et Le Mardi où Morty est Mort. On peut lire, chez le même éditeur, Habiter le temps, et bientôt, espérons-le, Exploits Mortels.
« J’aime me confronter à ce théâtre-là, “terriblement drôle” ou “drôlement terrible” : celui d’un comique qui, “mine de rien”, tend aux spectateur.trices un improbable miroir d’humanité », dit François Rancillac. « Je m’aperçois que je suis d’abord ému par les personnages “empêchés de la vie”. Et ces “ratés” sont de magnifiques anti-héros chez Rasmus Lindberg, dont j’avais créé en 2013 Le mardi où Morty est Mort. »
Familles je vous hais
Joséfine jubile, elle vient de claquer la porte du restaurant où l’on fête l’anniversaire de sa mère. Puis patatras ! La jeune femme est fauchée en plein élan par une voiture. La pièce reconstitue les faits et remonte le temps jusqu’aux origines des événements qui ont conduit Joséfine à cette sortie intempestive.
Il incombe à Léna Bokobza-Brunet et Christine Guênon d’interpréter tous les personnages du drame. Elles seront tour à tour deux actrices témoins de l’accident, au sortir d’une répétition, et les convives réunis autour de la table d’un restaurant grec.
Comme dans le jeu des 7 familles, il y a le père, la mère, le fils (Jonny), la fille (Joséfine) ... S’y invitent aussi une tantine et la petite amie du fils (Katia)... Les voici paisiblement attablés, quand Joséphine pique une crise contre sa mère et déclenche un véritable tsunami. Les masques tombent au fur et à mesure que la pièce remonte le temps pour comprendre d’où vient le mal dont Joséfine est le symptôme et la victime. On découvre, à travers le parcours de chacun, que le vers était dans le fruit. La mère à qui tout réussit est une éternelle insatisfaite, le fils qui se rêvait en champion est un raté dépressif, sa copine une coquette futile, la tante une ravie de la crèche insupportable, et au milieu de tout ça, le père affecte un cynisme désabusé. Quant à Joséfine, qui ne fait pas grand-chose de sa vie, elle en a marre des questions qu’on lui pose, des repas de famille, marre de tout. C’est à travers ses yeux et son geste libératoire que l’on découvre les conflits larvés qui rongent la famille.
Anatomie d’un burn-out
Léna Bokobza-Brunet et Christine Guênon se présentent devant le musicien régisseur bruiteur, qui fait office d’agent de police, pour rapporter ce qu’elles ont vu de l’accident. Dans une série de flash-back, rythmés par le fantôme de Joséfine, qui rejoue éternellement sa mort, elles nous font revivre cette folle soirée. Elles entrent dans la peau des personnages, caricaturés par l’auteur d’une plume acide. Une famille lambda où chacun reconnaîtra un peu la sienne.
Les comédiennes adoptent en deux temps trois mouvements tics, mimiques, postures et langage de chacun, y compris le « argh », les « beurk » et autres onomatopées empruntées à l’univers de la BD. Agrémentés par des chansons dans le style comédie musicale, répliques et gags visuels s’enchaînent dans un décor à géométrie variable, manipulé à vue par les comédiennes.
Un castelet tout terrain
La scénographie astucieuse de Raymond Sarti, rapidement modulable, nous transporte d’un lieu à l’autre. Croqués à grands traits noirs sur fond blanc, des meubles et accessoires escamotables sont accrochés aux parois ou sortent du sol. Le store du commissariat se transforme en vitrine de restaurant grec, un pan de mur décollé devient la porte des WC... Un bout de plancher relevé se métamorphose en table avec assiettes et verres dessinés dessus et ménage un mini castelet où les actrices prennent des allures de marionnettes. Un cube devient un podium, des gyrophares surgis des murs clignotent...
Ce décor en kit a été construit par les élèves du lycée professionnel Jules Verne à Sartrouville (Yvelines). Techniquement autonome, il peut s’installer partout : théâtre, salle associative, centre social, Ephad, établissement scolaire....
En effet, en écho à cette création, François Rancillac envisage, avec sa compagnie Théâtre sur paroles, des actions de territoire associées aux représentations . Il proposera des lectures et des ateliers autour des thèmes abordés par la pièce.
Aux tensions qui minent la société, en particularité la jeunesse, le rire féroce et libérateur d’Exploits mortels apporte une distance jubilatoire.
Exploits mortels de Rasmus Linberg S Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy S Mise en scène François Rancillac S Avec Léna Bokobza-Brunet, Christine Guênon et Florian d’Arbaud S Scénographie Raymond Sarti S Conception son, régie générale et son Florian d’Arbaud S Chansons composées par Bernard Cavanna S Construction décor Lycée professionnel Jules Verne - DTMS - machine constructeur (Sartrouville) S Crédit visuel ©DR d’après Inge Morath et Saul Steinberg S Production Cie Théâtre sur paroles S Coproduction La Maison des arts de Thonon-Evian, Théâtre de L’union - CDN de Limoges S Soutien à la résidence Théâtre Victor Hugo - Bagneux S 1 spectacle sous 2 formats : en salle et hors-les-murs S Durée 50 minutes
Création le 3 février 2025, Collège Henri Barbusse, Bagneux (Hauts-de-Seine)
TOURNÉE
4 février 2025 lycée Maurice Genevoix, Montrouge (Hauts-de Seine)
18 février 2025, lycée Simone Weil
19 février 2025 M.J.C. Montchapet
20 février 2025 Crédit Agricole, Dijon (Côte-d’Or)
8 avril 2025 Théâtre du Casino d’Evian (Haute-Savoie)
10 avril 2025 M.J.C. de Douvaine (Haute-Savoie).
Du 14 au 18 avril 2025 en itinérance avec le Théâtre de l’Union-C.D.N. de Limoges (Haute-Vienne).
19 avril 2025 salle du stade de Perrignier (Haute-Savoie)
Du 20 au 22 mai 2025 collège Marie Curie, avec le Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas (Seine-Saint-Denis)