18 Octobre 2024
Vingt femmes et une enfant ukrainiennes, biélorusses et polonaises crient leur désespoir et leur rancune sur la scène du Théâtre du Rond-Point. C’est poignant, bouleversant et dérangeant. Elles nous interpellent, nous, dans nos fauteuils, nous, dans nos petites vies confortables et elles bousculées, laminées, désespérées par la guerre. La scène est nue avec juste les interprètes et la chef d’orchestre dans le public. Elles sont toutes réfugiées en Pologne et nous racontent en chantant leur souvenirs d’Ukraine quand elles vivaient en paix et leurs colères de réfugiées actuelles.
Elles chantent et racontent leur vie. Elles chantent et crient leur colère face à cette injustice qu’est la guerre, qu’est CETTE guerre qui les touche dans leur chair, qui bouleverse leurs vies. La metteuse en scène polonaise Marta Górnicka oppose ce chant puissant du chœur mais aussi du cœur de ses femmes à cette souffrance arbitraire et injustifiable qu’est un conflit armé dans son pays, dans sa ville. Ainsi Mothers A Song for Wartime est une réaction directe à la guerre, sans filtre ni vraiment de médiation. Elle nous confronte directement à ces cris de colère et nous demande, exige, notre attention entière et sensible à l’expérience de ces femmes. C’est radical, dérangeant et poignant. On n’en sort pas vraiment indemne.
Une dénonciation du viol comme arme de destruction massive.
C’est aussi hélas ce qu’elles nous racontent, nous dénoncent. C’est une chose de le lire dans la presse s’en est une autre de l’entendre par celles qui l’ont subi. Les récits de viol de guerre parsèment l’Histoire, de l’Antiquité à la Seconde Guerre mondiale mais dans les conflits contemporains, c'est désormais un moyen systématisé et utilisé pour réduire les peuples à néant. Le viol est d'ailleurs catégorisé comme une « tactique de guerre» depuis 2008 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Car le viol participe bien à la guerre. Il brise des vies, dissémine les groupes ethniques, anéantit méthodiquement les peuples. C’est un instrument de torture, utilisé contre les femmes, les enfants et aussi les hommes.
On est interpellé, bousculé par ces récits mais la dénonciation doit forcément passé par là.
Marta Górnicka se sert de la scène comme un espace de paroles offrant la possibilité à ces femmes d’exprimer leurs griefs, et leurs souffrances. Tout son talent est d’en faire aussi un spectacle plein d’humanité et de résilience. Voir ces femmes chanter ensemble et créer cet espace de paroles nous fait espérer une issue plus douce à leurs malheurs.
Ainsi, face à la souffrance et à ces larmes de rage et de désespoir, on ne peut que reconnaitre notre impuissance et notre inaction mais aussi reconnaître l’humanité de chacune et espérer que cette guerre finisse enfin.
Distribution
Conception et mise en scène : Marta Górnicka
Avec : Liza Kozlova, Palina Dabravoĺskaja, Svitlana Onischak, Kateryna Taran, Svitlana Berestovska, Vidana Blonska, Sasha Cherkas, Yuliia Ridna, Natalia Mazur, Aleksandra Sroka, Katarzyna Jaźnicka, Bohdana Zazhytska, Anastasiia Kulinich, Hanna Mykhailova, Katerina Aleinikova, Elena Zui-Voitekhovskaya, Kamila Michalska, Maria Robaszkiewicz, Polina Shkliar, Volha Kalakoltsava
Livret : Marta Górnicka et ensemble (ukrainiens, biélorusses, polonais)
Musique : Marta Górnicka
Musique traditionnelle ukrainienne, biélorusse et polonaise et citation de Shchedryk de : Mykola Leontovych
Chorégraphie : Evelin Facchini
Scénographie : Robert Rumas
Costumes : Joanna Załęska
Collaboration musicale : Wojciech Frycz