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Arts-chipels.fr

4,7 % de liberté. Une petite chèvre de Monsieur Seguin passée au filtre du monde moderne.

© Samuel Hercule

© Samuel Hercule

Au pays des statistiques toutes-puissantes et des enquêtes d’opinion, reste-t-il une marge de liberté ? C’est sur ce terrain que s’aventurent avec bonheur Métilde Weyergans et Samuel Hercule.

La table est mise pour deux personnes tandis qu’à l’avant-scène s’avancent trois musiciens masqués armés d’étranges tubes métalliques sonores, qui forment comme un chœur antique annonçant la pièce. « C’est une histoire triste, une tragédie moderne », clament-ils. Celle de deux informaticiens, Axelle et Axel – un « double axel » dont le patinage statistique va composer l’arrière-plan de l’histoire. Leur vie est réglée comme du papier à musique, organisée en séquences immuables rythmées par des chiffres, des pourcentages, des quantités. Rassurants parce que quantifiés. Cependant, dans la vie sans anicroche d’Axelle et d'Axel, il y a un manque. Ils sont comme leurs chiffres, stériles. Ils ne parviennent pas à avoir d’enfants. Alors ils décident d’en accueillir un. Dans l’aire lumineuse qui délimite l’espace de leur maison, ils se transforment en famille d’accueil.

© Samuel Hercule

© Samuel Hercule

Un choix hasardeux

Choisir un enfant s’apparente à une plongée dans l’inconnu. Il faut déterminer son âge et son sexe. Prendre une décision qui ne soit pas guidée par les chiffres qui leur servent de manteau protecteur mais par une sélection sur catalogue – ou sur proposition qu’on leur fait en fonction des critères qu’ils fournissent. Âge : pas trop petit, plutôt 14-17 ans. Sexe : féminin. La conseillère leur dresse le pedigree d’une adolescente au passé difficile. Ils se lancent pour se trouver confrontés à une ado quelque peu décalée adepte des films d’horreur. Pour nos deux tenants des relations de cause à effet et des catégorisations « rationnelles » soucieux de bien faire, de se montrer à la hauteur, se met en place une aventure qui s’apparente à un parcours du combattant. Parce que Blanquette – c’est le nom de l’adolescente, une référence explicite à la petite chèvre du conte d’Alphonse Daudet – ne rentre pas dans les cases qu’ils maîtrisent. Elle a besoin d’air. Elle prendra bientôt la tangente au grand dam de ses « parents » qui ont pourtant fait tout bien.

Une construction cinématographique

La fable est construite en une série de plans séquences à l’aide de petits décors montés sur roulettes qui viennent comme par magie se succéder sur la scène. Ils empruntent leurs codes à l’univers de l’enfance. Les cornets de glace sont démesurés, la voiture n’est qu’une façade de carrosserie habillée de deux phares derrière laquelle s’installent les personnages, un réverbère suffit à caractériser l’espace de la rue tandis qu’on suit les péripéties des rencontres fortuites de l’adolescente en même temps que la noyade du couple auquel la certitude rassurante des chiffres fait tout à coup défaut. L’imprévisible est là et ils l’ont laissé, sans l’avoir planifié, laissé entrer dans leur maison.

© Samuel Hercule

© Samuel Hercule

De jeunes comédiens pour une fable sur la liberté d’être

Le spectacle est l’aboutissement d’un travail mené avec les jeunes comédiens de l’École Nationale des Arts et Techniques du Théâtre (Ensatt). Une formation en acte dont le jeu est l’enjeu. C’est donc sur un mode ludique que se construit le texte, avec une alternance de narrations, de parties dialoguées et d’interventions chorales musicalisées explorant les différents registres de l’oralité. L’humour est au rendez-vous de cette opposition entre l’enfermement dans une vision normée, casifiée, organisée de la réalité et la liberté que prend Blanquette. La place qu’elle laisse au hasard des rencontres, fussent-elles synonymes de risque, son besoin d’exploration tous azimuts, hors de tout contrôle viennent dire qu’en dépit du danger un risque assumé vaut mieux qu’un regret de n’avoir pas fait et que les expériences nous enrichissent. Dans les 4,7 % de liberté de Banquette, il y a le sel de la vie. Une denrée précieuse qui a toujours fait changer le monde.

© Samuel Hercule

© Samuel Hercule

4,7 % de liberté ou comment des statisticiens croisent la chèvre de Monsieur Seguin.

S Texte et mise en scène Métilde Weyergans et Samuel Hercule S Musique originale Timothée Jolly et Mathieu Ogier S Avec les élèves de la 82e promotion de l’Ensatt Lucie Garçon, Fanny Godel-Reche, Garance Malard, Lucas Martini, Matthieu Roulx, Séraphin Rousseau S Assistante à la mise en scène Sarah Delaby-Rochette S Scénographie Justine Baron, Léa Tilliet S Costumes Thelma Dimarco-Bourgeon, Valentine Issanchou S Lumière Arthur Chauvot, Mathilda Bouttau S Création et régie son François Geslin, Louen Poppé S Construction Frédéric Soria S Régie générale et plateau Pierrick Corbaz, Sébastien Dumas S Production, Administration Anaïs Germain et Caroline Chavrier S Premières représentations du 24 juin au 5 juillet 2023 au Théâtre Laurent Terzieff/ENSATT, Lyon, dans le cadre des Nuits de Fourvière S Production La Cordonnerie avec la participation de l’Ensatt S Coproduction Le Volcan – Scène nationale du Havre, Théâtre de la Ville – Paris, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale S La Cordonnerie est soutenue par le Ministère de la Culture / DRAC Auvergne – Rhône – Alpes, la Région Auvergne – Rhône - Alpes et la Ville de Lyon S Tout public à partir de 8 ans S Durée 1h20

TOURNÉE 2024

8 - 10 fév. 2024 La Filature, scène nationale de Mulhouse

27 fév. – 2 mars 2024 Théâtre de la Ville – Les Abbesses

14 - 16 mars 2024 Le Quai, CDN Angers - Pays de la Loire

4 et 5 avr. 2024 Scènes et Cinès, Istres

25 et 26 avr. 2024 Maison de la musique, Nanterre

15 - 17 mai 2024 Le Maillon, Théâtre de Strasbourg, scène européenne

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