11 Janvier 2023
Le spectacle commence comme une carte postale, on est dans une forêt avec un chemin jonchée de feuilles mortes qui crissent sous les pas. C’est bucolique et reposant. Et puis un personnage arrive, une jeune fille et un deuxième également. On comprend très vite que c’est son entraîneur et le ton change.
C’est une allégorie contemporaine à l’image de notre monde qui continue sa course folle tout en sachant qu’il court à sa perte. Ce spectacle a été créé pour le Festival d’Avignon en 2010, mais il garde toute sa pertinence évocatrice aujourd’hui. On assiste à une série de « tableaux magnifiques » qui s’enchainent allant de la carte postale bucolique à la gravure en noir et blanc effrayante et mystérieuse. On passe d’un monde à l’autre, d’une histoire à une autre en quelques secondes, juste avec un changement de lumière ou grâce à la mécanique des brumes créées par la sculptrice Fujiko Nakaya.
C’est une tragédie moderne qui nous parle de l’adolescence et de sa recherche de sa place dans le monde, de son mal être et son rejet du monde mais c’est aussi une histoire qui nous parle de notre rapport au corps et de la perversion que crée la course contemporaine à la perfection. Elle dénonce aussi fortement la violence sociétale dans les rapports de domination structurelle de notre société et la manière dont ces structures sont invisibilisées et intégrées intimement dans notre corps. Et l’adolescence c’est le début de ce combat contre cette injonction qui nous est faite.
Ainsi la mécanique de ce spectacle est le paradoxe. C’est une suite de scènes qui joue sur des notions opposées et contradictoires. Par exemple le premier tableau nous évoque la douceur d’une promenade en forêt versus la violence des scènes suivantes, mais aussi le côté bucolique et de l’autre un univers effrayant ; de même la couleur des premières scènes et le noir et blanc tels des gravures, des tableaux suivants. Ce paradoxe est aussi lié à la dimension sociétale qui touche à la violence des rapports humains, à la domination des adultes sur les adolescents, à la recherche de perfection du corps et du mouvement confrontée à la perversion de l’entraîneur ou de la star. Elle nous interroge sur nos pulsions de vie et de mort, de nos désirs et de nos peurs.
Gisèle Vienne met en scène un univers où coexistent plusieurs réalités et temporalités. Elle passe de la beauté mystérieuse au chaos, d’une situation où la dramaturgie est exacerbée à une scène romantique. Dans ce spectacle elle a collaboré avec Dennis Cooper en intégrant une déclamation de certains de ses textes. Le DJ set Peter Rehberg et la musique du duo KTL (Stephen O’Malley et Peter Rehberg) agissent également pour augmenter la tension dramatique.
Gisèle Vienne, est philosophe, musicienne et formée à l’art de la marionnette dans l’école de Charleville Mézière. Elle fonde en 1999 sa propre compagnie afin de mettre en scène des pièces dans lesquelles elle intègre des éléments de chorégraphie et des marionnettes. A ses débuts elle travaille en collaboration avec Étienne Bideau-Rey, puis à partir de 2004, elle dirige seule ses productions. Entre 2000 et 2017, elle crée 14 pièces avec sa compagnie collaborant avec des personnalités aussi diverses que Jonathan Capdevielle, Jean-Luc Verna, Adèle Haenel, Catherine Robbe-Grillet, Aurore Ponomarenko ou Dennis Cooper.
Depuis vingt ans, ses mises en scènes et chorégraphies tournent en Europe et sont présentées régulièrement en Asie et en Amérique.
Gisèle Vienne parle « d’inventer un langage », d’exploser les perceptions pour réinventer des mondes. Elle travaille avec la lumière mais aussi avec des marionnettes, de la vidéo pour créer des images, des tableaux polymorphes qui chacun raconte une histoire, petite partie d’un tout. Son acte créateur passe par tous les sens qu’elle essaie de partager avec les spectateurs.
Ainsi Gisèle Vienne cherche à créer une illusion pour mieux décrire le monde, et dans notre société du spectacle quoi de plus approprié ?
Distribution
conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie Gisèle Vienne
créé en collaboration avec et interprété par Jonathan Capdevielle, Nuria Guiu Sagarra et Jonathan Schatz
création musicale Stephen O’Malley, Peter Rehberg
remix, interprétation Stephen O’Malley
texte et paroles de la chanson Dennis Cooper
lumières Patrick Riou
sculpture de brume Fujiko Nakaya
vidéo Shiro Takatani
stylisme et conception des costumes José Enrique Oña Selfa
fauconnier Patrice Potier - Les Ailes de l’Urga
remerciements pour leurs conseils à Anja Röttgerkamp et Vilborg Àsa Gudjónsdóttir
conception des poupées Gisèle Vienne
construction des poupées Raphaël Rubbens, Dorothéa Vienne-Pollak, Gisèle Vienne
reconstitution des arbres et conseils Hervé Mayon - La Licorne Verte
évidage et reconstitution des arbres François Cuny - O Bois Fleuri, les ateliers de Grenoble
création maquillages, perruques, coiffures Rebecca Flores
programmation vidéo Ken Furudate
ingénierie brume Urs Hildebrand
réalisation des costumes Marino Marchand
réalisation du sol Michel Arnould et Christophe Tocanier
traduction des textes de l’américain au français Laurence Viallet