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Arts-chipels.fr

Anima Bella. Entre enfer du jeu et roman d’apprentissage.

Anima Bella. Entre enfer du jeu et roman d’apprentissage.

Dans ce film attachant, Dario Albertini dresse, an adoptant le point de vue de sa fille, le portrait plein d’humanité d’un vieil homme issu des classes populaires, en proie à une addiction dans laquelle s’engloutit le fragile équilibre de sa famille.

Gioia, la bien nommée, est une jeune bergère de dix-huit ans. Dans sa ferme, à l’ombre des cheminées d’usine, elle règne sur quatre cents moutons au côté de son vieux père, veuf doux et affectueux. Une vie rythmée par les cérémonies villageoises, les processions à la Vierge et l’entraide qui lie les villageois. Une vie faite de peu, mais dans laquelle le cours des jours semble doté d’éternité. L’attraction du village, ce sont des sources « « miraculeuses » où se retrouvent les habitants pour soigner leurs maux. Gioia, avec son demi-sourire permanent, son attention aux autres et sa prévenance à l’égard de chacun, charrie sur sa vieille mobylette des bidons de cette eau pour permettre à ceux cloués chez eux de profiter de la manne miraculeuse. Mais voici qu’elle découvre l’addiction de son père aux machines à sous. Il s’endette bientôt tant que les économies de Gioia y passent, avant de la contraindre à se défaire de bêtes pour éponger les pertes de son père…

© Bibi Films

© Bibi Films

L’enfer du jeu, un thème cher au réalisateur

Dario Albertini s’était déjà intéressé au thème de l’addiction au jeu dans un documentaire tourné en 2010, Slot – Le intermittenti luci di Franco, où il suivait le parcours d’un joueur compulsif, accro aux machines à sous et aux jeux d’argent, au milieu de sa famille et de ses amis. Le film était vu du point de vue du joueur. Dans Anima Bella – la belle âme – il retourne la proposition en regardant, au travers d’une fiction cette fois, le phénomène de l’addiction à travers les yeux d’un proche, ici Gioia, la jeune fille. Pour tenter de guérir son père de son addiction, celle-ci abandonnera sa vie bien réglée de bergère pour se lancer dans les méandres plus périlleux de la vie urbaine, entre précarité et tentations de tous ordres. Au thème du jeu se mêlent les épisodes d’un roman d’apprentissage dans lequel la jeune fille se forge un caractère et une attitude…

Un lieu emblématique

Dario Albertini signe là sa deuxième fiction. Il la situe à Civitavecchia, une ville portuaire proche de Rome, dans le Latium. Il voit ce lieu comme le champ possible d’une multitude d’histoires qu’il a explorées à partir de la photo, de la vidéo et du documentaire, avant de passer à la fiction. Un paysage où se mêlent ville et campagne, vestiges industriels et ruines des mirages consuméristes des années 1980. Gioia parque son troupeau dans les murs bétonnés des fondations d’un complexe de luxe laissé à l’abandon, murs nus dressés déjà gagnés par la lèpre, ossature d’une société défunte que la vie paysanne récupère et réinvestit. Une vision saisissante où se rencontrent des mondes, des temps, des espaces et où l’instant dialogue avec l’immémorial.

© Bibi Films

© Bibi Films

Des personnages attachants

La chaleur humaine forme comme un leitmotiv qui traverse la galaxie de personnages qui apparaissent au fil de l’histoire. Qu’il s’agisse des villageois, attentifs à apporter leur contribution et à participer ensemble aux mêmes fêtes, de la bonhommie et de la bonne humeur communicative qui règne à la source miraculeuse où douches et bains de pied les rassemblent, de l’attention que portent les éducateurs chargés d’animer, en ville, le groupe des joueurs rassemblés pour tenter de surmonter ensemble leur addiction, ou des rencontres de Gioia, venue s’installer à Rome pour soutenir son père dans son projet de guérison, tendresse et humanité courent comme un fil conducteur. Madalina Maria Jekal, en Gioia, dresse le portrait sensible d’une jeune fille à la fois douce et volontaire qui prend peu à peu sa carrure d’adulte. Luciano Miele, avec ses traits fatigués, son expression résignée devant la maladie qu’il ne peut combattre, dresse le portrait émouvant d’un vieil homme en prise avec des événements qui le dépassent. La caméra de Dario Albertini s’attarde sur les mille petits riens qui composent le quotidien des personnages et, même si des longueurs apparaissent parfois, si quelques enchaînements de séquences peuvent sembler taillés à la serpe, la profonde compassion qui anime le film et l’amour que le réalisateur porte à ses personnages donnent une respiration unique à ce parcours croisé entre le vieil homme et sa fille. Ils en font un bel objet, attachant et sensible parce que profondément humain et habité.

Anima Bella Italie – 2021 – 1h35 – 1.66 – 5.1

Prix du public au 43e Cinemed de Montpellier – Sortie en salles le 5 octobre 2022

S Réalisation Dario Albertini S Scénario Dario Albertini, Simone Ranucci et Chiara Pandolfo S Image Giuseppe Maio S Avec Madalina Maria Jekal (Gioia), Luciano Miele (Bruno), Enzo Casertano (Renato), Elisabetta Rocchetti (Chaterina) S Montage Desideria Rayner S Musique originale Dario Albertini S Costumes Martina Merlino S Décors Alessandra Ricci S Son Biagio Gurrieri S Directeur de production Antonio Tozzi S Production Bibi Film, Elsinore Film, Rai Cinema S Produit par Angelo et Matilde Barbagallo, Annamaria Morelli S Distribution et ventes internationales Le Pacte

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