8 Septembre 2022
Quand la mythologie personnelle de Pippo Delbono s’enracine et s’entrelace avec l’authenticité grave du fado portugais, c’est un rêve inspiré et poétique, insolite et bouleversant, qui nous saisit et nous entraîne.
Un espace sans décor que seule la lumière vient définir et découper. Un espace abstrait tout de rouge vif vêtu, un rouge omniprésent, envahissant, qui couvre les panneaux qui referment la scène. Couleur sang, comme la vie qui court dans les veines, mais aussi celle qu’on perd avec le sang versé, symbole de souffrance et de douleur. Car c’est dans ce double mouvement, dans ce balancement permanent entre l’espérance et le désespoir, entre l’air libéré qui souffle un vent nouveau et la perte, réelle ou imaginée, que le spectacle oscille et qu’il livre, dans une forme de cérémonial barbare en même temps que mystique, une réflexion en forme de fulgurances poétiques sur la figure protéiforme de l’amour.
Le Portugal au cœur
Né d’une rencontre de Pippo Delbono avec le producteur Renzo Barsotti, le projet de créer un spectacle sur le Portugal imposait d'y intégrer la forme artistique que représente le fado. Ces chants populaires à la tonalité mélancolique, accompagnés par des instruments à cordes pincées, sont emblématiques du pays dans leur expression de la saudade, une tension des contraires, un mélange de mélancolie, de nostalgie et d’espoir, de désir d’ailleurs. Ils révèlent des états d’âme qui convient l’amour inaccompli, la jalousie, la nostalgie des morts, la difficulté de vivre, le chagrin et l’exil. Ils sont déchirants, ces poèmes où s’expriment le regret de l’autre comme la peur de le laisser s’introduire en soi, exister, ces complaintes où l’on pleure celle qui a disparu, tuée par l’ennemi, ou la mort que représente aimer et s’absorber en l’autre, cesser d’exister en son absence. À ce banquet teinté de noir, c’est le destin – « fadar » signifie, en portugais, « prédestiner » – qui règle la mesure d’un voyage dans le temps où passé et présent jouent la bête à deux dos. La mort et la vie en constituent l’opposition fondamentale et le spectacle verra surgir des personnages de noir ou de blanc vêtus que le trait d’union sanglant de l’habillage scénique relie.
L’amour en versions mêlées
Chanter l’amour prend au Portugal une dimension particulière quand viennent se mêler aux poèmes de Carlos Drummond De Andrade ou de Daniel Damásio Ascensão Filipe des chants venus du Cap-Vert ou d’Angola. Le kimbundu angolais d’Aline Frazão vient rejoindre la symphonie des timbres et des voix que propose le spectacle : au portugais que porte avec puissance et passion le chanteur Miguel Ramos s’associe la traduction en italien que propose Pippo Delbono, installé dans un coin de la salle, en live, de sa belle voix profonde tandis que s’affiche en surtitre une version française. Rilke et Prévert ne manquent pas à l’appel et on se laisse prendre à cet échange des voix où dialoguent les mots par-delà les frontières, où se dessine ce respect de l’autre dans ce qu’il est et avec son langage.
Une irradiation poétique
À la beauté des textes s’associe la force onirique, tout à la fois brute et sophistiquée, d’un spectacle qui mêle l’insolite et le poétique, la force de la voix et l’illumination de l’apparition. Car la composition en tableaux laisse à chacun sa force pleine et entière. La guitare de Pedro Jóia déroule ses trilles et ses ornementations complexes non exemptes de ruptures et de drames au fil du temps, la scène se métamorphose en temple en forme de coquillage où les personnages viennent rendre hommage à une divinité aux seins nus en l’habillant de colliers d’offrandes, la danse déroule sa propre vision et le carnaval installe l’âme des morts dans le sein des vivants. La scène se métamorphose au gré de la lumière et l’arbre mort qui étend son ombre où habitent les esprits reprend vie. Le spectacle vient nous rappeler que mort et vie ont partie liée, et que l’amour en constitue le moteur. Comme dans une longue rêverie alanguie traversée d’accidents, on se laisse couler dans ce monde où la beauté n’obéit pas aux canons habituels, où la vieillesse n’est pas une infirmité et où le confinement récent et l’enfermement débouchent sur une vision d’éternité. Il est de certaines occasions où se trouver prisonnier à l’intérieur de l’univers d’un autre et de sa parole n’est pas vécu comme un emprisonnement. Amore est de cette veine-là et offre à l’imaginaire un terrain d’envol unique et précieux.
Amore. Une création de Pippo Delbono
S Avec la Compagnia Pippo Delbono : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Aline Frazão, Selma Uamusse, Mario Intruglio, Pedro Jóia, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Miguel Ramos, Pepe Robledo, Grazia Spinella S Musiques originales Pedro Jóia et compositeurs variés S Décor Johana Villaverde S Costumes Elena Giampaoli S Lumière Orlando Bolognesi S Conseiller littéraire Tiago Bartolomeu Costa S Traduction surtitrage Marie Galey S Son Pietro Tirella S Chef machiniste Enrico Zucchelli S Responsable de projet au Portugal Renzo Barsotti S Responsable de production Alessandra Vinanti S Organisation Silvia Cassanelli S Administrateur de compagnie Davide Martini S Directeur technique des tournées Fabio Sajiz S Équipe technique en tournée : son, Pietro Tirella, Giulio Antognini ; lumière : Orlando Bolognesi, Alejandro Zamora ; assistante volontaire Susana Silverio S Diffusion dans les pays francophones Théâtre de Liège (Belgique) S Production exécutive Emilia Romagna Teatro Fondazione – Teatro Nazionale, Coproduction associée São Luiz Teatro Municipal – Lisbonne, Pirilampo Artes lda, Câmara Municipal de Setúbal, Rota Clandestina, República Portuguesa – Cultura / Direção-geral das Artes (Portugal), Fondazione Teatro Metastasio di Prato (Italie) S Coproduction Teatro Coliseo, Instituto Italiano di Cultura di Buenos Aires et ItaliaXXI – Buenos Aires (Argentine), Comédie de Genève (Suisse), Théâtre de Liège (Belgique), Les 2 scènes – Scène Nationale de Besançon (France), KVS Bruxelles (belgique), Sibiu International Theatre Festival/Radu Stanca National Theater (Roumanie) S Avec le soutien du Ministero della Cultura (Italie) S Photos Luca del Pia et Estelle Valente – Teatro São Luiz S Remerciements pour les costumes mis à disposition pour les répétitions São Luiz Teatro Municipal de Lisbonne, Théâtre de Liège et la compagnie Teatro o Bando (Portugal)
6 – 18 septembre 2022, 20h30 (le dim. 18 septembre, 15h – relâche les 11 et 12 sept.)
Théâtre du Rond-Point – 2 bis avenue Franklin Roosevelt – 75008 Paris
01 44 95 98 21 www.theatredurondpoint.fr
TOURNÉE
5 octobre 2022 Mess Festival 2022 / Sarajevo (Bosnie Herzégovine)
15 octobre 2022 Ma Scène Nationale / Montbéliard (25)
8 — 12 novembre 2022 Teatro São Luiz / Lisbonne (Portugal)
15 et 16 novembre 2022 Teatro Aveirense / Aveiro (Portugal)
24 — 27 novembre 2022 Teatro Arena del Sole / Bologne (Italie)
7 — 10 décembre 2022 Teatro Ivo Chiesa — Teatro Stabile di Genova / Gêne (Italie)
28 février — 5 mars 2023 Fonderie Limone — Teatro Stabile di Torino / Turin (Italie)
23 et 24 mars 2023 Théâtre Molière — Scène Nationale De Sète / Sète (34)
26 — 30 avril 2023 Comédie de Genève / Genève (Suisse)
10 et 11 mai 2023 Bonlieu Annecy / Annecy (74)
Du 6 au 10 décembre 2023 La Criée/ Marseille(13)