25 Septembre 2021
Avec ce spectacle Guérillères, Marta Izquierdo Muñoz, après IMAGO-GO en 2018 sur l’univers des majorettes, que je n’ai pas vu, constitue le second volet d’un diptyque autour de communautés féminines. Après un séjour en Colombie en 2017 où elle découvre une jungle désertée par les FARC, Marta Izquierdo Muñoz imagine une communauté utopique de militantes.
Avec ce spectacle, on est entre la pantomime, le théâtre et la danse. L’humour est au rendez-vous et on rit souvent de bon cœur mais on est aussi dans le tragique, dans l’ironie mais avec beaucoup de poésie. Et derrière chaque rire, le drame est systématiquement là. La dimension dramatique est omniprésente. Ces trois interprètes font figures de pantins malmenés par les évènements, par les autres et par eux -mêmes. Leur dimension comique est exacerbée par ce côté dramatique des situations et des figures scénographiques comme ce ballet sur le rythme des mitraillettes et autres kalachnikovs. C’est sauvage, brut et profondément satirique. C’est à noter dans le monde de la danse contemporaine ce côté burlesque, ce ton ironique n’est pas courant et reste l’apanage de quelques-uns.
En s’inspirant de la figure des Amazones tout autant que de l’œuvre de Monique Wittig, romancière et féministe, la chorégraphe espagnole brode, ciselle des scènes étranges, parfois à la limite du pathétique, parfois complètement loufoques, et aussi tendres et désespérées mais toujours sur le fil. C’est un équilibre fragile entre la danse, son propos originel, et la comédie. C’est une hybridation réussie entre des personnages de fictions, des postures de séries B, des mouvements inspirés de jeux vidéo, et la figure des amazones. Elle nous donne à voir une sorte de pantomime fantastique qui s’inspire de la marge et de la culture pop sans oublier la dimension satirique et militante féministe qui est présente à chaque instant, à chaque figure et sous tend chaque geste de ces interprètes. Car le geste est le centre, le cœur de son langage. Il est travaillé, interprété, transmis et au final complètement désacralisé.
C’est une déconstruction en live des mythes des supers héros qui nous ont construit, accompagnés culturellement toute notre enfance. C’est aussi une déconstruction de l’univers du ballet classique et du monde de la danse conventionnelle comme dans d’autres de ces compositions. Elle se fait plaisir en revisitant quelques postures et ironise toujours sur le ton de la pantomime bien sûr, sur son côté guindé et rigide.
Sur le fond, on peut s’interroger sur cette thématique des amazones, des Guérillères et de la violence en général. Sans doute en écho à notre réalité sociale qui se durcit d’année en année, la thématique du combat émerge aussi dans plusieurs des projets récents de la compagnie. Cette réflexion sur la violence des rapports sociaux de notre société est au cœur me semble-t-il de la réflexion créative de la chorégraphe. Violence dans l’univers des jeux vidéos, violence dans tous les aspects de notre monde.
Pour conclure, pour moi cette pièce est très aboutie. Marta Izquierdo Muñoz après de nombreuses créations affirme son style, maitrise son langage chorégraphique et scénique et nous offre avec cette pièce sa meilleure création depuis ses débuts.
Distribution :
Conception, chorégraphie : Marta Izquierto Muñoz,
Interprètes : Adeline Fontaine, Marta Izquierto Muñoz, Eric Martin
Dramaturgie : Robert Steijn
Assistant à la chorégraphie : Eric Martin
Lumière : Samuel dosière
Création son : Benoist Bouvot
Costumes : la bourette
Scénographie : Alexandre Vilvandre
Diffusion :
10 novembre 2021 – Festival Born to be a live, le Manège, Scène Nationale de Reims
4 décembre 2021 – Atelier de Paris / CDCN
19 et 20 janvier 2022 – Festival Faits d’Hiver, Théâtre de la Cité Internationale (Paris)
26 et 27 janvier 2022 – Festival L’année commence avec elles, POLE-SUD CDCN / Strasbourg
8 février 2022 – Les Hivernales – CDCN d’Avignon
10 et 11 février 2022 – Festival Ici & là, ThéâtredelaCité /La Place de la Danse – CDCN Toulouse / Occitanie
24 mars 2022 – Festival Le grand bain, Le Gymnase CDCN Roubaix – Hauts-de-France
21 mars 2022 – Le Dancing CDCN Dijon Bourgogne – Franche-Comté
29 mars – La Manufacture – CDCN Nouvelle-Aquitaine Bordeaux -La Rochelle
7 avril 2022 – Le Pacifique – CDCN Grenoble – Auvergne – Rhône-Alpes
13 mai 2022 – Chorège | CDCN Falaise Normandie
18 juin 2022 – La Maison CDCN Uzès Gard Occitanie
octobre 2022 (dates à préciser) – Festival « C’est comme ça! » – L’échangeur – CDCN Hauts-de-France
automne 2022 (dates à préciser) – Le Parvis, Scène Nationale de Tarbes
2022 (en cours) : Touka Danses – CDCN Guyane
Ce spectacle est programmé dans le cadre du festival CorrespondanSe : un parcours en huit temps dédié à la danse européenne.
Dans le but de mettre en lumière la création chorégraphique européenne, le Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine et le Théâtre de Châtillon, deux scènes de banlieue très impliquées dans le soutien de cette discipline (exploitations, résidences, coproductions), s'unissent pour créer le festival CorrespondanSe.
Ainsi ces deux Théâtres ont sélectionné le meilleur de la création européenne pour un temps fort dédié à la danse.