20 Septembre 2021
Rejetant la trame linéaire de la fable théâtrale traditionnelle, Alice Laloy présente une somme de variations sans parole mais en musique, en bruits et en lumières autour du thème de la respiration et de ses relations avec les émotions humaines. Elle fait de la scène un champ d’expérimentation en même temps que le lieu plastique d’une vision de fin du monde.
Naître, vivre et mourir. Dans l’espace-temps ainsi défini s’inscrit la vie humaine, et avec elle le souffle. Inspirer, expirer, étouffer, exulter, désirer, reprendre haleine, supporter, sangloter, aspirer, palpiter avant d’expirer pour faire une fin finale. Tel est le propos de cette histoire qui fait fi des fables traditionnelles du théâtre pour évoquer des états d’âme que le souffle illustre et révèle.
Au commencement était le souffle…
Première manifestation du surgissement de la vie, le souffle est considéré, dans les traditions anciennes, comme le fondement de l’âme. Il est pour les soufis un des moyens de retrouver la divinité et d’atteindre Dieu. La syllabe sanskrite om (ou aum), reprise dans de nombreuses religions, cette syllabe qui sort des profondeurs du corps, renvoie à l’énergie vitale, au son originel à partir duquel l’Univers se serait structuré. Ce souffle premier, fondateur, ce son venu des profondeurs, qui est tout à la fois la manifestation révélatrice de l’être et son union avec le principe divin, les flûtistes ney le recherchent comme la raison ultime de leur art. Explorer le thème de la respiration au travers de cinq musiciens utilisant des instruments à vent procède, d’une certaine manière, de cette même démarche de recherche du fondamental, de l’essentiel. Ces variations autour du souffle apparaissent comme des manières d’être au monde.
Le dialogue entre l’homme et l’inanimé
Tandis qu’un son indifférencié et assourdissant envahit la scène et qu’apparaît, dans un bruit de tonnerre, un espace éclairé par une lumière jaune soufre, rendu flou, fluctuant en raison des voiles de plastique ondoyant sous les effets d’une soufflerie, quatre personnages d’une immobilité totale apparaissent dans la pénombre. On les découvrira bientôt animés par quatre personnages de chair et d’os qui les portent sur le dos. Leur charge, ce sont des marionnettes à taille humaine qu’ils animent. Elles leur ressemblent et on ne sait qui, de l’homme ou de la marionnette, fut le premier. Une créature d’argile animée par le souffle ou une dépossession de l’homme devenu marionnette mue par d’autres. Troublante similitude dans laquelle les marionnettes, protéiformes, se transforment en ballons de baudruche enflés presque jusqu’à l’explosion ou en instruments de musique dans lesquels soufflent leur double. Ces personnages, ils sont comme des animaux tristes échappés d’une fanfare en déroute, flottant dans leurs uniformes ternes dans une lumière crépusculaire.
La musique du souffle
Les quatre personnages ont en commun d’utiliser le souffle. Au tuba et à sa version ténor, l’euphonium, à la trompette et au trombone, ils soufflent, sifflent, éructent, explosent en rires, s’étonnent, s’extasient, se congratulent, s’épaulent dans une série de monologues musicaux faisant parfois chorus. Cocasses, attendrissants, dissonants, ils vivent dans des bulles qu’il suffit d’un rien pour crever, éphémères renflements qui les transforment en bibendums aussi vite dégonflés qu’ils ont été remplis, fragiles et transitoires comme la vie qui affleure et s’éteint. De la marionnette du personnage féminin surgit d’ailleurs un enfant, créature vivante enfantée par l’inanimé, qui utilisera le cor pour manifester sa présence.
Une vision qui se défait dans un monde déserté
Dedans-dehors, manipulés ou manipulant, pétris par le souffle ou pétrissant par le son, gonflant leur marionnette tels des Shadoks pompant on ne sait pourquoi sinon pour pomper, les musiciens évoluent dans un monde que des fumées délétères envahissent comme une pollution tenace qui signerait la fin de l’humanité. Le décor, il a quelque chose d’un lieu inhabité après une catastrophe nucléaire, un univers de poussière accumulée par le temps, un vestige d’une ère industrielle disparue. Encombré de tuyaux et de câbles qui prolifèrent à mesure qu’évolue le spectacle, il abrite les restes d’une humanité en voie de disparition. Un monde que les gonflables envahissent peu à peu, absorbant des individus à qui il ne reste plus qu’à disparaître. Dans un dernier souffle, la lumière devient blanche avant que le noir n’envahisse la scène. Alors parabole ou suite d’images plastiquement fortes s’enchaînant telles des visions ? On hésite à comprendre. Et si, justement, il n’y avait rien à comprendre. Seulement à ressentir…
Dead Breath Orchestra S Écriture et mise en scène Alice Laloy
S Composition musicale Eric Recordier
S Avec un quintette de cuivres : tuba Fanny Meteier, euphonium Tom Caudelle, trombone Hanno Baumfelder, trompette Jérôme Fouquet, cor Augustin Condat & Abel Huré en alternance
S Dramaturgie Emmanuelle Destremau SScénographie Jane Joyet SStagiaire à la scénographie Lyse Bellon SCostumes Louise Digard, Anne Yarmola SStagiaire aux costumes Cécile Gormond, Gaspard Swynghdauw SSculptures et accessoires Carole Allemand, Julia Diehl, Laurent Huet, Einat Landais, Alexandra Leseur-Lecocq SCréation lumière Jean-Yves Courcoux SRégie générale et régie lumière Julienne Rochereau SRégie plateau et accessoires Benjamin Hautin SConstruction du décor Les Ateliers Décors STout public, à partir de 13 ans
Tournée
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