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Arts-chipels.fr

Illia Ovcharenko, un enfant du siècle et un pianiste virtuose et inspiré.

© DR

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C’est un très jeune homme, né en 2001, qui a composé, pour la clôture de saison des concerts de l’association Animato, un programme intelligent et ambitieux. Inspiration et virtuosité en sont les maîtres-mots.

L’association Animato, qui offre aux jeunes interprètes du piano, lauréats de grands concours internationaux, l’occasion de se frotter au public lors de ses concerts mensuels, a clos sa saison par un concert dédié à l’un d’entre eux, qui n’est plus aujourd’hui un « débutant », mais déjà un artiste confirmé. Il s’est déjà produit en Ukraine, son pays natal, mais aussi en Pologne, en Israël, aux États-Unis, en Allemagne, en Italie comme en France où il a été jeune talent en résidence à Auvers-sur-Oise. Lauréat de plus de vingt concours de piano en Espagne, Portugal, Ukraine, États-Unis, Russie, Italie, Pologne, Singapour, Israël, République tchèque et France, il vient de gagner le concours Honens, au Canada, doté de 100 000 CAD et d’un programme de développement d’artiste d’une valeur de 500 000 CAD. Enfant d’Animato, c’est par un concert dont il a composé le programme qu’il a salué sa « famille » de cœur.

Un éventail musical en même temps qu’une vision très orientée

Organisé en deux parties, le concert proposait des grands écarts passionnants sur le thème d’œuvres en si mineur, à l’exception de l’une d’entre elles où le mode mineur était cependant présent. Dans la première partie du concert, deux sonates de Domenico Scarlatti encadraient, hommage à la culture ukrainienne d’Illia Ovcharenko, une œuvre d’un compositeur du XXe siècle, Levko Mykolajovych Revutskyi (ou Revutsky), inconnu en France mais largement reconnu dans son pays au temps de l’URSS. Quant à la seconde, elle rendait hommage à un autre transfuge de l’« Est », bien plus ancien, Franz Liszt, à travers l’une de ses transcriptions pour le piano – qui furent nombreuses –, celle de la 7e Symphonie de Beethoven, dont l’Allegretto alterne la tonalité en la mineur et la majeur avant de revenir en mineur, mais surtout à travers la Sonate en si mineur S.178, unique sonate composée par Liszt, d’une durée, en continu, de trente minutes, la plus longue composition du répertoire pianistique, qu’on considère comme l’un des sommets de l’art du piano. Un programme étalé sur trois siècles traçant un chemin entre eux et introduisant un dialogue musical.

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De Scarlatti en Revutsky

Compositeur prolixe, Domenico Scarlatti, quoiqu’Italien, fit sa carrière dans la péninsule Ibérique par son rattachement à la suite de Marie-Barbara de Bragance, fille du roi du Portugal qui épousa le futur Ferdinand VI d’Espagne. Scarlatti composa plus de 550 pièces dites « sonates » ou « essercizi », parfois toccatas. D’une haute technicité d’exécution et d’une grande invention mélodique et rythmique, ces pièces témoignent cependant d’une qualité d’inspiration diversement intéressante, les moins « difficiles » sur le plan pianistique n’étant pas nécessairement les moins belles. Les sonates choisies par Illia Ovcharenko, K.27 et K.87, d’une grande délicatesse, laissaient toute la place à la subtilité de son interprétation. Le grand écart qui insérait Revutsky entre elles introduisait, dans ce parcours fluide et empreint de lyrisme, une correspondance vingtièmiste qui cheminait entre la romance et une dramatisation parfois très intense qu’on retrouvera dans la deuxième partie chez Liszt.

Un Allegretto beethovénien pianistique

La montée en force du programme dans la traversée des siècles ne pouvait passer que par l’apport « romantique » de Beethoven, que Liszt assimile dès son enfance, avec Bach et Mozart. Les transcriptions occupent dans l’œuvre du compositeur hongrois une place de choix. Elles représentent la moitié des 700 opus recensés du compositeur avec, parmi elles, les neuf symphonies de Beethoven, et le fait n'est pas anodin. Car Liszt est imprégné de culture. Il puise non seulement dans son héritage hongrois, mais aussi s'abreuve à tous les apports européens de son temps. Inventeur du poème symphonique, il emprunte à la littérature et à la poésie, à Goethe, Hugo ou Byron, des motifs d’inspiration qu’il enrichit musicalement. Explorateur d'une curiosité insatiable, il fait de la transcription musicale, plus qu’un exercice d’adaptation, une recréation à la manière d’un musicien de jazz reprenant un thème pour en explorer des variations qui lui sont propres. Les accents proposés par Illia Ovcharenko à l’Allegretto de la 7e Symphonie s'inscrivent dans cet esprit du temps auquel Liszt est sensible. Ils dessinent le caractère sombre du paysage et une certaine noirceur où se rassemblent illusions perdues et regrets. Le pianiste en traduit les lignes mélodiques délicates, les flux et les reflux, les formes fuguées et le crescendo implacable qui en intensifie l’impact.

Un Liszt plus qu’admirable

Considérée comme un monument, controversée en son temps – Clara Schumann qualifie l’œuvre de « bruit sans raison » et Brahms s’endort lorsque Liszt la joue, au contraire de Wagner qui la voit « belle, grande, aimable, profonde et noble » – la Sonate en si mineur est un étrange morceau, perturbant parce qu’insaisissable. Elle détourne la forme sonate au profit de ce qui pourrait se rapprocher de la musique à programme. Si l’alternance de deux thèmes, comme dans la forme sonate, reste présente, tout comme les quatre mouvements, ces formes disparaissent au profit d’un continuum tout en brisures, en allers-retours et en montées dramatiques et accalmies soudaines. Les escalades naissent d'un sentiment d'urgence et la violence s'exprime en scansions martelées, presque gnomiques, introduisant des ruptures dans un parcours mélodique qui ne cesse de s’estomper pour renaître et où le silence et la parcimonie alternent avec la profusion et l’excès. On a voulu voir dans la Sonate des références à Faust et aux personnages de Marguerite et de Méphistophélès. On a glosé sur sa relation possible au Paradis perdu de Milton. On y a reconnu la chute d’Adam et Ève après la faute, bref chacun y a projeté ce que son imaginaire, rendu fertile par la pièce, y a placé. Illia Ovcharenko, à sa manière, laisse planer l’incertitude. Son interprétation contrastée et subtile rend manifeste le dialogue des contraires et des oppositions qui se répondent dans la sonate. Il nous fait entendre les relations entre la mélodie et la basse, les inversions de rôle permanentes entre les deux mains, les transferts entre registres grave et aigu et les variations d’intensité à l’intérieur même des tempi endiablés et des fugues machiavéliques. On mesure toute la difficulté de la pièce et on imagine sans peine qu'elle puisse solliciter deux claviers – Camille Saint-Saëns en fera une transcription pour deux pianos. Mais là n’est pas l’essentiel. Beau monstre, la Sonate conserve sous les doigts du jeune pianiste son caractère énigmatique et inspiré, et c’est très bien. Car si l’on devait caractériser l’art d’interpréter d’Ilia Ovcharenko, on en trouverait une raison dans le voyage en terres sensibles auquel il nous invite chaque fois, sans affèterie ni fioriture inutile.

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TOURNÉE

JUIN 2023 : 17 | Arnouville, France ; 18 | Auvers-sur-Oise, France ; 20 | Paris, France ;

JUILLET 2023 : 6 | Toronto, Canada ; 9 | Lac de Côme, Italie ; 18 & 20 | Vail, CO, États-Unis ; 23 | Ottawa, ON, Canada ; 30 | Quebec, Canada

AOÛT 2023 : 4 au 6 | Moritzburg, Allemagne ; 10 | Duszniki-Zdroj, Pologne ; 16 & 20 | Moritzburg, Allemagne : 26 | Gstaad, Suisse

SEPTEMBRE 2023 : 7 au 10 | Calgary, Canada ; 16 | Halifax, Nova Scotia, Canada

OCTOBRE 2023 : 15 | Regina, SK, Canada

NOVEMBRE 2023 : 12 & 13 | Hilton Head Island, SC, États-Unis ; 16 & 18 | Toronto, Canada

AVRIL 2024 : 6 | Montreal, Canada ; 13 | Hambourg, Allemagne ; 15 | Düsseldorf, Allemagne ; 16 | Hanovre, Allemagne

MAI 2024 : 31 | Calgary, Canada

JUIN 2024 : 1er | Calgary, Canada

https://www.illiaovcharenko.com/

https://www.animato.org

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