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Arts-chipels.fr

Louise, elle est folle. Un petit conte de la folie extra-ordinaire où les fous ne sont pas toujours ceux qu’on pense.

© Didier Monge

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Ce divertissant spectacle, qui navigue entre théâtre, mime et danse, oscille entre le réel et le fantasmatique avec beaucoup d’humour et d’à-propos dans un monde absurde.

Elles ont un look pour le moins surprenant, les deux femmes qui sont apparues sur scène. La première semble tout droit sortie d’un défilé de Jean-Paul Gaultier avec son costume doré et ses seins en entonnoir, orgueilleusement dressés. La seconde, en salopette et chemisier à pois, a quelque chose de l’auguste qui escorte le clown blanc. Derrière elle, d’un gros cube forme une boîte de Pandore d'où émergera une forme noire et griffue portant cornes, qu’on imaginera diable venant hanter les vivants avant de comprendre qu’elle est l’incarnation du cafard qui réside au fond de chacun de nous.

© Didier Monge

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Deux femmes et la folie de Louise

Les deux femmes sont lancées à la poursuite des mots. Elles s’accusent mutuellement, se renvoient la balle, en utilisant une absente pour désigner ce qu’elles ne voudraient en aucun cas être : Louise, la « folle ». Elles ne se crachent pourtant à la figure que des banalités, des comportements habituels, des phrases inodores et passe-partout comme acheter n’importe quoi, voyager sans voir, décrire l’horreur quotidienne, une suite de clichés enfilés par le cinéma les uns derrière les autres. En duo-duel, elles disent la dépossession de soi, la trahison que représente la parole de l’autre, qui s’est emparée des mots de l’autre, les a transformés en « bouillie », en « blablabla », la traîtrise que constitue le seul fait d’avoir « mis des mots » sur elle. Quant à la folie de Louise, qu'elles stigmatisent et rendent responsable de tous les maux, elle s’exprime en équations inscrites sur des cubes, comme pour en prouver la véracité « scientifique ».

© Didier Monge

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Les fous et la sage ?

Les deux femmes ne sont pas seules à voir en Louise la folie incarnée. À F1 et F2 répondent H1 et H2, deux êtres qu’on classerait difficilement dans une rubrique genrée. Costumes excentriques flirtant avec l’univers du drag, maquillages outranciers, ils s’accordent avec l’univers factice des deux femmes. À eux quatre ils forment un groupe, solidaire dans sa dénonciation de cette autre qui leur ressemble si peu. Car Louise, lorsqu’elle se présente sur scène dans son costume blanc et son visage sans apprêt, est entière, pleine de vie, décidée à résister au monde factice qui l’entoure. Si la folie se cache, où doit-on la chercher ? Chez cette jeune fille dont la pureté est accentuée par la combinaison immaculée qu’elle porte ou chez ces clowns grotesques qui prennent la pose, se trémoussent et bavassent en pure perte ?

© Didier Monge

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Un univers onirique inspiré

Cette fable, la metteuse en scène choisit d’en dégager l’étrangeté. Elle est présente dans l’utilisation des cubes qui constituent le seul décor de la pièce, et servent aussi bien de boîte à malices d'où surgit le diable, de coffre à trésor, de refuge où l’on se cache, de tableau recouvert de formules ou de siège tandis que le décor laisse place à la création plastique, créant un espace contradictoire où la nature entretient avec l’artificiel un dialogue ambigu. Esther Wahl oppose les gestuelles, les attitudes maniérées et burlesques qu’adoptent les personnages et avec lesquelles se déplacent F1, F2, H1, H2 – H1 par exemple entre en scène sur ses pointes de pied au son du Lac des cygnes, singeant une danseuse étoile – et le lent déplacement enveloppant du Cafard qui sort de sa boîte pour occuper l’espace. Elle brouille les cartes du genre du spectacle, qui chemine entre mime, danse et théâtre sans qu’on y distingue un rattachement majeur. Elle joue la transgression des frontières, l’excès et l’insolite dans un monde qui sombre et où personne n’est à l’abri. Le Cafard y rôde autour des personnages comme une présence entêtante, énigmatique et chorégraphiée. Kafkaïen, il est l’image du spleen qui nous étreint dans un monde fallacieusement bigarré où la symphonie des couleurs et l’excentricité des formes ne sont plus qu’artifice. Dans cet univers où rien n’est vraiment ce qu’il devrait être, où l’hybridation fait la loi, où la raison vacille, on se laisse porter par ce courant qui nous pousse sans cesse ailleurs. Mais à vouloir trop dire, trop ajouter, trop superposer de niveaux, on finit par introduire une certaine confusion, et en particulier par perdre le texte. L’exercice de style que constitue Louise, elle est folle est néanmoins plein d’une inventivité remarquable et mérite qu’on s’y arrête.

© Didier Monge

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Louise, elle est folle. La réalité c’est un cafard.

S Texte Leslie Kaplan (éd. P.O.L.) S Mise en scène Esther Wahl S Avec Carla Beccarelli, Tom Béranger, Louise Herero, Léo Hernandez, Clara Koskas, Angélique Nigris S Création lumière Jeanni Dura S Scénographie Océane Lutzius S Musiques Clément Boulier S Costumes Salomé Romano S Maquillages Louna Doussaint S Compositions vocales Diane Rumani S Production Compagnie le Chaos solaire S Avec le soutien de la Compagnie d'Ophée, la Citrouille - maison de la culture de Cesson, Théâtre à Durée Indéterminée, le Shakirail, l'Ecole du Jeu, la Mazane, Les Roses de Julie S Coréalisation Théâtre les Déchargeurs S Théâtre chorégraphique S Durée 1h05

30 mars - 22 avril 2023. Jeudi, vendredi, samedi, 19h

Les Déchargeurs – 3, rue des Déchargeurs, 75001 Paris www.lesdechargeurs.fr

3 et 4 juin 2023 Théâtre l'Atelier Bleu (89)

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