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Arts-chipels.fr

Bérénice. La passion contre la raison d’État.

Bérénice © Olivier Pasquiers

Bérénice © Olivier Pasquiers

Robin Renucci aborde trois visions de la passion racinienne à travers Andromaque, Britannicus et Bérénice dans une mise en scène dépouillée. Un cheminement qui mène des conséquences tragiques de la passion amoureuse à la « sagesse » de la raison d’État et une invitation à écouter la langue de Racine.

Andromaque est créée en 1667, Britannicus présenté en 1669, Bérénice l’année suivante. Dans la querelle qui l’oppose à Corneille, Racine impose la passion comme un sujet central de la tragédie tandis que se fixe la règle des trois unités (temps-lieu-action) à laquelle Corneille aura tant de mal à se conformer. Succès public et faveur du Roi forment l’arrière-plan de ces trois pièces dans lesquelles les relations entre pouvoir et passion trouvent des expressions divergentes.

Andromaque © Sigrid Colomyès

Andromaque © Sigrid Colomyès

Andromaque, Britannicus et Bérénice : trois points de vue sur les turbulences tragiques de la passion

Racine fait de la passion le seul moteur d’Andromaque. C’est l’enchaînement des passions amoureuses contradictoires de Pyrrhus, Andromaque, Oreste et Hermione qui conduit au désastre final, le meurtre de Pyrrhus par Oreste sous l’impulsion d’Hermione, et fait reposer le tragique sur les conséquences destructrices de la passion. Britannicus prend pour thème la passion contrariée de l’empereur Néron pour Junie, la femme qu’aime Britannicus, fils d’un autre lit de l’empereur Claude et hériter légitime du trône dont les intrigues d’Agrippine, la mère de Néron, l’a dépossédé. En s’attaquant à l’histoire romaine, domaine de prédilection de Corneille, Racine traite l’intrigue politique, qui demeure présente, sous l’angle du transport amoureux irrépressible. Elle constitue la bascule du comportement de Néron vers la folie fratricide, prélude à une carrière sanglante. Avec Bérénice, dans le contexte d’un Louis XIV, protecteur de l’écrivain, qui se résout, par le Traité des Pyrénées, à épouser l’Infante d’Espagne, la raison d’État l’emporte sur le désir amoureux.

Britannicus © Sigrid Colomyès

Britannicus © Sigrid Colomyès

Bérénice sur un plateau nu

Racine définit ainsi l’argument de Bérénice : « Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. » Titus ne peut épouser Bérénice car les lois romaines interdisent à l’empereur d’épouser une étrangère. Antiochus, le confident de la jeune fille, l’aime aussi d’un amour non payé de retour. Titus sacrifiera à la raison d’État mais Antiochus ne profitera pas de la place laissée libre par son rival. Robin Renucci choisit, en montant Bérénice, le parti de la langue racinienne. Il n’y a pas de décor sur le plateau nu autour duquel le public est disposé sur les quatre côtés. Tout juste au sol, un tapis reproduisant une mosaïque sur laquelle se distingue une carte portant la mention « Mare Nostrum » (Méditerranée) indique le contexte et le lieu. Les comédiens entreront et sortiront de scène par les quatre angles. Dans cet espace ascétique qui se concentre sur la tragédie, les comédiens sont jeunes, la diction claire. Si l’on entend (au sens de comprendre) le texte de Racine, on n’en reste pas moins sur sa faim. La mise en scène en effet demeure, d’une certaine manière, à la surface. La décision de Titus de renoncer à Bérénice semble presque « légère » comme si Titus jouait à « Je t’aime, un peu, beaucoup… » Cet avatar du « Paris vaut bien une messe » version antique devient presque anodin quand on s’attendrait au portrait d’un homme déchiré, écartelé. La passion, toujours violente chez Racine, est ici plutôt sage, encadrée, « classique ». Si la représentation constitue un bon tremplin pour une étude de la pièce en milieu scolaire, elle ne suscite pas, cependant, de discussion ou de débat sur sa complexité ou d'interrogation sur ses possibles interprétations.

Bérénice de Jean Racine

S Mise en scène Robin Renucci S Avec Tariq Bettahar en alternance avec Geert von Herwijnen (Arsace, Thomas Fitterer (Paulin), Solenn Goix (Bérénice), Julien Léonelli (Antiochus), Sylvain Méallet (Titus), Amélie Oranger (Phénice), Henri Payet (Rutile) S Scénographie et lumière Samuel Poncet S Costumes Jean-Bernard Scotto S Collaborateur de la dramaturgie Nicolas Kerszenbaum S Assistant à la mise en scène Sylvain Méallet S Production Tréteaux de France – Centre Dramatique National Action financée par la Région Île-de-France

Représentations à La Villette / Pavillon Villette – 30, avenue Corentin Cariou – 75019 Paris

Rés. 01 40 03 75 75 www.lavillette.com

Bérénice 11 > 16 janvier et le 2 février, mardi > vendredi 20h, samedi 19h, dimanche 16h, durée 2h

Andromaque 18 > 23 janvier, mardi, mercredi, vendredi 20h, samedi 19h, dimanche 16h, durée 2h

Britannicus 25 > 30 janvier, mardi, mercredi, vendredi 20h, samedi 19h, dimanche 16h, durée 2h

Les trois spectacles en intégrale, samedi 5 février 15h, dimanche 6 février 11h, durée 6h

Mais aussi

Les 27 et 28 janvier au Carré SAM, Boulogne-sur-Mer

Le 24 mars à Ussel

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