24 Janvier 2022
A l’initiative de cet évènement il y a trois personnalités du monde de la danse. Tout d’abord, Thomas Ress, directeur de l’espace 110, Centre Culturel d’Illzach qui est à l’origine de la création de cette Quinzaine de la danse depuis 2017. Puis, Benoit André, directeur de la Filature depuis 2019 que beaucoup connaissaient lorsqu’il était Secrétaire Général de Chaillot. Et enfin, Bruno Bouché, directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin. Cette collaboration, cette dynamique collaborative s’est donnée pour ambition de créer un rendez-vous incontournable de la création artistique du monde de la danse à l’échelle européenne et surtout défendre et montrer la diversité du monde de la danse. Et tout le talent et l’intelligence de cette programmation est de créer un spectacle cohérent et intelligent par et avec cette diversité. L’autre enjeu est bien évidement le public, le faire revenir dans les salles et conquérir un public plus jeune.
Ainsi cette première édition réunit neuf Ballets français et deux européens (suisses et allemand) sur trois soirées exceptionnelles réparties sur toute la Quinzaine de la danse.
Il faut souligner la performance unique de cette programmation. Pour reprendre les propos de Bruno Bouché, pour que cela réussisse il faut que les équipes « fassent œuvre commune ». Elles doivent communiquer, se rencontrer et au-delà créer des partenariats. Cet enjeu est également politique ainsi on fait œuvre utile en apportant autre chose comme discours que la séparation, la haine de l’autre et le chacun pour soi. On montre que la diversité et la différence sont porteuses d’espoir, de créativité et au final de réussite et d’harmonie.
Ces trois soirées des Ballets européens du XXIème siècle réunissent au total quinze pièces (intégrales ou extraits) allant de Thierry Malandain ou Kader Belarbi à La Horde (ballet national de Marseille) en passant par Angelin Preljocaj et Sharon Eyal ou Mats Ek, allant de créations plutôt classiques à d’autres résolument contemporaines.
Cela n’a jamais été fait avant si ce n’est à Chaillot en 2015 pour célébrer les trente ans des Centres Chorégraphiques nationaux. Réunir autant de Ballets nationaux et de Compagnies sur une même programmation avec en plus la difficulté sanitaire particulière du moment qui multiplie les contraintes techniques était un vrai challenge, un pari un peu fou, même complètement fou mais en matière de spectacle ce genre de défi lorsqu’il est réussi, explose tous les compteurs et toutes les attentes. Pour avoir assister à la première soirée, je dis pari réussi au centuple ! Et cerise sur le gâteau et pas des moindres, le public est au rendez-vous et apprécie.
Depuis, cette nouvelle année, il me semble que la Danse en général attire de plus en plus de programmateurs et le public suit, ce qui serait une bonne chose et permettrait peut-être à tout ce domaine de l’art vivant d’avoir plus de moyens, de pérenniser les Ballets à demeure et de payer beaucoup mieux les danseurs et danseuses qui sont les parents pauvres du spectacle vivant, pour paraphraser Bruno Bouché qui a « poussé son coup de gueule » en début de spectacle pour défendre le monde de la danse qui manque de moyens et dénoncer les coupes budgétaires et les plans d’économies qui amputent les budgets alloués à la danse.
La danse nous ramène au langage universel, c’est le langage du corps, des corps. Elle est le passage du mental au sensoriel, elle est nécessaire à notre bien-être, elles donnent du sens et participent à notre humanité. Allons au spectacle et soutenons de tout cœur toutes ces belles initiatives.
PROGRAMME 1re soirée
La programmation est superbe et cohérente. Cette diversité de style marche très bien. Les pièces s’enchaînent et se suivent avec une fluidité incroyable grâce à la direction artistique tout en subtilité et la prouesse technique d’une attente de seulement 10 minutes entre chaque morceau. Chaque pièce met en œuvre une technicité incroyable qui oscille entre l’univers très classique des danseuses en pointes pour certaines œuvres et l’écriture plus contemporaine des autres. On n’est pas dans une posture tout l’un et tout l’autre, chaque spectacle a à voir avec un peu des deux à part la dernière chorégraphie qui elle nous bascule complètement dans le contemporain. Le thème au moins dans quatre des pièces présentées était autour de l’amour, de la relation amoureuse et du couple avec cette interrogation omniprésente de l’âme sœur, de la perfection de l’intimité avec beaucoup de piano et de violoncelle qui créent ainsi une sorte une continuité sonore thématique, un son mélancolique et extatique, qui perdure sur plusieurs pièces. La dernière pièce Room With A View de (LA)HORDE finit cette soirée dans un feu d’artifice génialissime et grandiose.
Solo for Two de Mats Ek
Dans cette pièce, un homme et une femme dansent ensemble et séparément. Ils s'unissent, se séparent, échangent les rôles. Il y a de l’humour et de la tragédie, de la légèreté et de la gravité presque jusqu’au drame. Le sentiment qui ressort dû en partie à la partition musicale, trois œuvres de Arvo Part, est la mélancolie, et au final le sentiment que nous sommes toujours seul(e) même en étant deux. Ce sont deux solos et un pas de deux, exercice des plus classiques mais ici Mats Ek invente énormément, change les codes, interfère les rôles, bref brouille les cartes.
Chorégraphie : Mats EK
Musique : Arvo Pats
Direction : Julie Guibert
Danseuse et danseur : Caelyn Knight et Tyler Galster
Lumières Erik Berglond
Scénographie costumes : Peter Freij
Maîtresse de ballet : Jocelyne Mocogni
À nos amours de Kader Belarbi
« A nos amours » a un dispositif scénique qui est l’articulation de la pièce. Trois cubes, vitrines montées sur roulettes avec dans chacune un décor et un éclairage différents que les danseurs bougent au gré de la chorégraphie et créent ainsi décor mouvant, changeant qui sert de pilier chorégraphique. C’est la symbolique du couple avec trois couples qui représentent les trois âges de la vie d’un couple. Ce sont trois pas de deux agrémentés, je dirais presque augmentés de quelques autres pas de deux car les différents couples interchangent les partenaires avec aussi quelques moments tous ensembles. C’est comme un jeu où on échangerait les pions pour voir ce que cela donne.
Le couple jeune commence logiquement puis le couple un peu plus mature et enfin celui représentant le couple dans sa grande maturité. Là l’histoire se termine bien si je puis dire et une note d’optimiste un peu tempéré par la musique. Et oui encore une musique d’Arvo Pärt, décidément très à l’honneur dans cette soirée avec son univers finalement toujours très mélancolique pour la première partie de cette pièce en 3 actes. Encore du piano et du violoncelle mais cette fois-ci en live et c’est juste magique.
Chorégraphie, scénographie et directeur de la danse : kader Belarbi
Musique : Arvpo Pärt, Gabriel Faur, Zoltan Kodaly, Reynaldo Hahn
Danseuses et danseurs :
Lumières : Sylvain Chevaloot
Scénographie costumes : Mickael Buerger
Nocturnes de Thierry Malandain
Il dit lui-même en présentant son ballet que c’est une évocation des Danses macabres du moyen âge et que Nocturnes se présente comme une fresque, comme un songe écrasé sous le poids d’une éternelle mélancolie. Ainsi, on observera la particularité que les danseurs vont d’un côté à l’autre ou plus précisément de Jardin à Cour sur une seule ligne ou bande. Cela donne un mouvement, un rythme incroyable et une dynamique que l’on pourrait interpréter comme celle d’une course effrénée pour tenter de fuir la mort. C’est une chorégraphie précise, ajustée presque millimétrique. Le rythme donné par le piano nous entraine dans ce mouvement qui roule et se renouvelle sans cesse. Et là encore on est dans les sonorités du piano, dans les langueurs de l’amour, dans le romantisme noir, dans les amours contrariés.
Chorégraphie : Thierry Malandrin
Musique : Frédéric Chopin
Lumières : Jean Claude Asquié
Costumes :Jorge Gallardo
Réalisation costumes :Véronique Murat
Maîtres de ballet : Richard Coudray, Guiseppe Chiavaro
Danseuses et danseurs :
Noé Ballot, Giuditta Banchetti, Julie Bruneau, Raphaêl Canet, Clémence Chevillotte, Mickaêl Conte, Jeshua Costa, Frédérik Deberdt, Loan Frantz, Irma Hoffren, Hugo Layer, Guillaume Lillo, Claire Lonchampt, Marta Otano Alonso, Alessia Peschiulli, Julen Rodriguez Flores, Alejandro Sanchez Bretones, Ismaêl Turel Yagüe, Patricia Velazquez, Allegra Vianello, Laurine Viel, Yui Uwaha
On the Nature of Daylight de David Dawson
Dans cette très courte pièce pour un danseur et une danseuse les mots qui me viennent à l’esprit c’est grâce, délicatesse, perfection et harmonie. C’est la quintessence du couple, sans heurts, cela glisse, coule. Les portés sont d’une belle délicatesse et d’une parfaite technicité. Les évolutions de ces deux personnages ne sont cependant pas si « roses ». C’est encore une histoire d’amour qui finit mal mais tout en nuance. David Dawson en dit « Et si je croisais mon âme sœur sur le chemin et que je ne le savais pas ».
Direction : Bruno Bouché
Chorégraphie, concept, misse en scène, lumière : David Dawson
Musique : Max Richter
Costumes : Yumiko Takeshima
Maîtresse de ballet : Jocelyne Mocogni
Danseuse et danseur : Ana Karina Enriquez Gonzalez, Avery Reiners.
Room With A View de (LA)HORDE & RONE (extraits, version sans Rone sur scène)
(LA) Horde poursuit l’exploration des formes de soulèvement, de contestation et de révolte par la danse. Sur une musique de Rone, décapante, entrainante, à son invitation (la) Horde invente une chorégraphie du chaos ou comment raconter la colère des générations actuelles. On est à la croisée de la fête et du combat. C’est violent, brute guttural mais incroyablement construit. Les mouvements « arrêtés » avoisinent des courses folles. Des mouvements d’ensemble où le groupe avance lentement, imperceptiblement, croisent des danseurs et danseuses qui s’agitent et s’égosillent. On vitupère, on hurle, on se bat, mais toujours avec une incroyable précision. Cette révolte pure pour conclure la soirée, avec cette énergie folle, qui produit un pur contraste avec l’avant dernière pièce de David Dawson, et qui, nous propose ce feu d’artifice, plein d’énergies, de cris et de mouvements et nous entraîne
Conception artistique, mise en scène, horégraphie : (LA)HORDE & RONE, Marine Brutti, Jonathan Debrouwer, Arthur Harel
Musique : RONE
Assistant artistique : Julien Tiscot
Scénographie : Julien Peissel
Assistant scénographie : Elena Lebrun
Conseiller technique scénographie : Sébastien Mahé
Création lumières : Eric Wurtz
Assistant lumières : Mathieu Cabanes
Son façade : Jonathan Cesaroni
Assistant production son : César Urbina
Costumes : Salomé Poloudenny
Assistant costumes : Nicole Murru
Coiffure : Charlie Le Mindu
Préparation physique : Waskar Coello Chave
Repetiteur.ices : Thierry Hauswald, Valentina Pace
Régie : Rémi d'Apolito
Danseuses et danseurs :
Sarah Abicht, Daniel Alwell, Nina Laura Auerbach, Isaia Badaoui, Malgorzata Czajowska, Riley Fitgerald, Myrto Georgiadi, Vito Giotta, Nathan Bombert, Nonoka Kato, Yoshiko Kinoshita, Angel Martinez Hernandez, Aya Sato, Noam <Segal, Dovydas Strimaitis, Elena Valss Garcia, Nahimana Vandenbussche.
BALLETS EUROPÉENS AU XXIe SIÈCLE présentés dans le cadre de la 4e édition de la Quinzaine de la Danse.
1re soirée : dim. 23 janv. 17h
2e soirée : mer. 26 janv. 20h
3e soirée : sam. 29 janv. 20h