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Arts-chipels.fr

Sofya Gulyak. Une âme en noir et blanc sur un clavier romantique

Sofya Gulyak. Une âme en noir et blanc sur un clavier romantique

Sofya Gulyak est la première femme pianiste à avoir remporté le 1er Prix et la Médaille d’or du prestigieux Concours international de Leeds, en 2009. Elle livre, dans un programme qui va de Bach-Busoni à Ravel, la large palette d’une vision très personnelle et sensible de la musique.

Sofya Gulyak a l’âme slave, avec ce mélange de mélancolie et de passion et ce sens de la rêverie traversé d’orages qu’on lui connaît. Qu’elle se plonge dans la complexité mélodique de Bach, dans la nostalgie de Rachmaninov ou dans les distorsions qu’impose Ravel à une Valse traversée par la guerre, elle délivre une interprétation de la musique qui, au-delà de la pièce choisie, témoigne d’une vision. Même dans les morceaux dont la difficulté exige une attention qui pourrait placer la technique au premier rang des préoccupations, elle réussit à faire passer cette petite musique de l’âme qu’elle véhicule.

Le romantisme au cœur

Son interprétation est éminemment romantique. Lorsqu’elle l’applique à Rachmaninov, alternant la délicatesse presque éthérée parfois de l’Élégie opus 3 n ° 1 avec les nuances changeantes, sautillantes et contrastées de Polichinelle (op. 3 n ° 4), on la sent dans son élément et on perçoit l’infinie délicatesse des modifications de ton, la légèreté gracile marquée par l’effleurement et la caresse du clavier. Lorsqu’elle se plonge dans les Valses de Chopin, musique rebattue s’il en est, qu’on croit connaître par cœur, on a l’impression de les écouter pour la première fois tant elle introduit de notations personnelles à la fois dans la scansion, dans la respiration de la musique et dans le paysage des états d’âme qu’elle déploie.

Les grondements de l’âme

La noirceur d’un monde marqué par les séquelles de la Première Guerre mondiale hante la Valse de Ravel. La valse enlevée et brillante qui s'y introduit, souvenir d'un âge d'or hérité du siècle précédent, peine à trouver son chemin dans un univers où résonne encore le grondement des canons et où la musique même hésite à retrouver sa légèreté. Déformée, dissonante par endroits, brillante et virtuose à d’autres, elle oscille entre une forme d’urgence à retrouver une joie de vivre réduite à néant par la guerre et la difficulté d'évacuer les images terribles qui demeurent encore présentes, imprimées dans la mémoire. Sofya Gulyak en détaille chaque intonation avec une sensibilité qui fait percevoir tous les passages d’un état à l’autre, les révoltes et les terreurs enfouies, et l’urgence de revenir à la vie et de s’oublier dans le tourbillon entraînant et rapide de la valse.

Elle retrouve la même urgence avec la Chaconne de Bach adaptée pour piano par Busoni. Son interprétation, surprenante, allie le piqué délicat des parties lentes, ces moments de grâce absolue qui vous tirent des larmes et vous élèvent l’âme, à une force et une violence qui courent sous la surface, à une plainte contenue qui s’exprime dans le grondement qui s’échappe de la poitrine. Chez elle, mains droite et gauche entament un dialogue qui laisse à chacune sa voix propre. Sofya Gulyak sait, à la virtuosité absolue et à un toucher parfait, associer cette respiration de la poésie des sphères. Elle est décidément une belle âme…

Rachmaninov, Élégie op. 3 n °1, Polichinelle op. 3 n °4, Sérénade op. 3 n °5

Chopin, Valses op. 34, n °2 en la mineur et n °3 en fa majeur, Variations brillantes op. 12

Ravel, la Valse

Un concert proposé par l'Association Animato, qui organise chaque mois, salle Cortot, des concerts pour faire écouter de jeunes interprètes qui seront les célébrités de demain. Programmes et inscription à la newsletter sur www.animato.org

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