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Arts-chipels.fr

Cabaret horrifique. Où l’art lyrique revisite le rapport scène-salle et le mâtine d’actualité

Quand l’art lyrique joue avec les codes, emmêlant à plaisir relents d’actualité, airs de toujours, chansons populaires et opéras sur un thème macabre façon Rocky Horror Picture Show, le rock en moins, cela donne un spectacle plein d’allant, enlevé et bien chanté qui s’inscrit dans la continuité d’une thématique pour le moins omniprésente : la mort et son cortège.

Cabaret horrifique. Où l’art lyrique revisite le rapport scène-salle et le mâtine d’actualité

On pénètre dans la salle par une petite porte pour découvrir des chaises disposées devant un rideau rouge. Lorsque celui-ci s’ouvre, nous nous trouvons sur scène, contemplant en arrière-fond les fauteuils disposés en demi-cercle de la salle. Le ton est donné. Ici on pervertit les règles. Acteurs et spectateurs sont au même niveau, le spectacle est à la fois sur scène et dans la salle. Sommes-nous revenus au siècle de Louis XIV où la noblesse prenait place sur la scène ou bien sommes-nous quelques happy few contemplant ce qui fut l’ordinaire du spectacle vivant ces derniers mois : des salles vides et silencieuses où éclate sans entrave le rouge des fauteuils ? Sans doute un mélange des deux dans une référence permanente de l’un à l’autre…

© DR

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Danse macabre

Le spectacle de cabaret – puisqu’ainsi il se nomme – a toutes les allures de ce jeu avec la mort qu’on trouvait dans les danses macabres du XIVe siècle, lorsque rôdait la Grande Peste noire. Une manière d’apprivoiser la peur en jouant avec elle. Le Cabaret horrifique ne procède pas autrement en convoquant Belzébuth, Nosferatu, ses copains vampires ou le Grand Lustucru à former la ronde. « Faut qu’ça saigne » grince Boris Vian. Mais les monstres sont d’opérette. Les squelettes cliquettent de tous leurs os, les têtes coupées poussent la chansonnette et les chagrins d’amour se noient dans les vapeurs d’eucalyptus et les piquouses d’eau de javel… Ils nous ressemblent, quelque part, ces monstres. Ils prennent aussi leurs précautions. Il se passent les mains au gel, jouent avec leur masque. Ils ont l’hémoglobine souriante…

© DR

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Un florilège musical

La dérision et le cocasse ne sont pas un obstacle à la « belle » musique. Le plaisir d’entendre les airs un peu âpres de Kurt Weill, mâtinés de gouaille populaire, voisine avec l’émotion que suscite le très romantique et terrible sort du jeune garçon emporté par la Mort dans le Roi des aulnes (Erlkönig) de Goethe si dramatiquement mis en musique par Schubert. Le Fantôme de l’Opéra rôde dans les allées pendant que la Folie emprunte en vocalisant les pas de Rameau. Et si le Génie du froid, sur les traces de King Arthur de Purcell, implore Cupidon de le laisser geler à en mourir, Camille Saint-Saëns s’amuse « zig et zig et zig » sur le poème d’Henri Cazalis avec « La Mort [qui] joue un air de danse », macabre, bien sûr. On se lance le défi de reconnaître les extraits, on les fredonne dans sa tête, on s’amuse de l’ubiquité des protagonistes, qui sortent d’un côté de la salle pour revenir par l’autre, apparaissant et disparaissant comme diables de leur boîte, on s'esbaudit de leurs métamorphoses successives à rythme soutenu, tandis que le bruitage réalisé à vue par une sorcière portant sur la tête une main coupée en guise de houppe, ponctue et commente l’action.

On s’amuse beaucoup dans ce spectacle sens dessus-dessous qui nous parle de nous en même temps que de musique. Au sortir de cette noire période, il y a dans ce rire un caractère salvateur qui fait du bien…

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Cabaret horrifique

Valérie Lesort, mise en scène Judith Fa, soprano Lionel Peintre, baryton Marine Thoreau la Salle, piano

Représentations du 27 juin au 4 juillet à 19h30 28 juin à 16h30

Tarif unique : 25 €, consommation incluse

Réservations au 01 70 23 01 31 billetterie@opera-comique.com

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